La Crête en aout. Une chaleur accablante m’attendait ... comme à la maison. Le soleil brillait ... comme en Provence.
Bien que toujours au bord de la "MARE NOSTRUM " je foulais une autre terre, une terre sœur, celle de PYTHAGORE, PLATON et ARISTOTE ; non loin de là où la mythologie rapporte que ZEUS aurait grandi. Nous avons même failli visiter la grotte de son enfance…
Beauté des paysages. Gentillesse des habitants. Présence visible
et invisible d’une civilisation ancestrale. Tout conduisait à l’émerveillement.
À la condition bien sûr de ne pas s’en tenir, au moins dans sa tête, au régime
touristique universellement recommandé. Voir. Voir ce que l’on voit. Se
pénétrer de ce que l’on voit. Se nourrir de ce qui fut et subsiste.
Je ne suis pas un passionné des sites archéologiques.
Aussi, la visite de KNOSSOS ne m’a pas enthousiasmé. Cependant quand notre guide
m’a conduit à quelques kilomètres plus loin visiter le musée archéologique d’HERAKLION
j’ai été saisi, comme happé, par les trésors minoens. Etreint par tant d’adresse,
de savoir et de beauté. Des poteries, des outils, des bijoux, des instruments
du quotidien, réalisés il y a plus de 5 000 ans, à partir de rien ! Spontanément
je me suis écrié : « quand on voit cela on comprend pourquoi l’homme a fini par
aller sur la lune » !
La civilisation grecque est vraiment marquée par l’intelligence
et la poursuite permanente de la beauté. Rechercher le beau. Faire beau. Oui l’homme
est naturellement en quête de beauté …
On a beau me raconter tout ce que l’on veut à partir des
théories modernes et darwinistes de l’évolution lorsque je suis face à de
pareilles créations réalisées avec des moyens ridicules, ancestraux,
rudimentaires dans le seul souci d’atteindre la perfection et la beauté alors
que la priorité était humainement de survivre, je me dis qu’il s’est passé
quelque chose à un moment ou un autre et que Celui qui a créé ce monde s’est à
l’évidence penché sur sa création lorsqu’elle fut achevée pour y introduire l’humain.
Un humain qui s’avère un être aussi perturbateur que capable d’atteindre les
sommets. Il poursuit depuis toujours, avec des moyens humains, cette perfection
qui n’est pas humaine et qui le transcende. Comme l'écrit Gilbert K. CHESTERTON dans l'homme éternel "l'art est la signature de l'homme"!
Une fois cette visite achevée, mais non oubliée, notre
périple m’a conduit tout d’abord à l’ouest d’HERAKLION. De villages en villages,
de grottes en grottes, de champs d’oliviers multi centenaires en champs d’oliviers
tout aussi anciens, de monastères orthodoxes en monastères orthodoxes nous
avons parcouru une partie de cette île bénie des dieux de l’antiquité. La
magnificence de la nature, la transparence cristalline de la mer, le miracle de
fertilité d’une île pourtant asséchée par le soleil nous ont permis d’oublier
la fatigue, la soif et les quelques désagréments des déplacements sous une
chaleur écrasante. Nous étions, il faut l’avouer, par ailleurs bien aidés par
la qualité de nos logements et celle de la restauration crétoise qui m’a séduit
par son originalité en même temps que par sa frugalité. À noter par exemple ce
déjeuner improbable dans un village perdu au cœur des montagnes. Notre guide
nous avait prévenus : lorsque vous verrez une table de bar ou de petite
restauration occupée par un moustachu, arrêtez-vous. C’est ce que nous avons
fait. L’homme aux moustaches, aux mains de géants et au sourire généreux et
accueillant nous a fait goûter la cuisine sans doute confectionnée par son épouse
ou sa fille. Il nous a tapé sur l’épaule et nous a dit adieu dans la bonne
humeur. Moment mémorable…
De ce périple à l’ouest je retiendrai tout
particulièrement la visite du monastère d’ARCADI. Un joyau marqué du sceau
du martyre face à l’envahisseur musulman lors de la grande révolte de 1866 !
Nous avons ensuite basculé de l’autre côté d’HERAKLION en
direction d’AGIOS NIKOLAOS. Ce déplacement nous a permis de découvrir une
nature encore différente et particulièrement un surprenant plateau fertile à
1000 m d’altitude, celui de LASSITHI. Là encore nous sommes tombés sur une
table épatante tant par sa qualité que par sa générosité et l’accueil qui nous
y fut réservé.
De nouvelles visites. Des baignades dans cette eau dont
je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle avait été celle sur laquelle Ulysse
avait flotté. Je me baignais dans cette mer qui avait nourri les rêves et la poésie
épique d’Homère !
Restait un moment attendu en même temps qu’un peu redouté : la visite de l’île de SPINALONGA ; l’île aux lépreux ! Celle qui a nourri le très passionnant roman à succès « l’île des oubliés » de Victoria HISLOP.
Redouté parce qu’on ne met pas les
pieds sans une certaine appréhension sur une terre où ont été enfermés des
êtres vivants, parce qu’ils étaient considérés comme contagieux ; véritable
condamnation à la prison à mort différée selon les caprices d’une maladie alors
incurable. Cette visite eut le mérite d’être accompagnée par une guide très
professionnelle et intéressante qui ne nous a pas accablés dans le sensationnel
et nous a permis de pénétrer le mystère profond de SPINALONGA. Elle a fait naître
en nous un sentiment paradoxal. Paradoxe de la cohabitation entre la dimension
dramatique des pierres ayant abrité l’injustice de la maladie et la beauté des
paysages de ce site hors du commun. Je suis incapable de décrire plus
précisément ce que j’ai vu et ce que j’ai ressenti. Tout est dans cette dualité
contradictoire. A partir de là le mystère s’installe. Celui de la vie. Celui de
l’au-delà. Celui du sens. Celui de tout ce qui s’abrite dans le cœur de l’homme.
On peut dire que ce fut le dernier épisode de notre voyage
jusqu’à la découverte de ce platane multi centenaire - millénaire ? - même
si des moments précieux lui ont succédé.
Mais au-delà de ces souvenirs la Crête nous a fait un
autre legs. Pour des raisons rationnellement incompréhensibles, cette île a
offert aux fragiles êtres que nous sommes la possibilité de vivre en profondeur,
en vérité, de retrouver une jeunesse de sentiments qui se dissout dans l’agitation
de la vie moderne ; comme si cette île qui enferma géographiquement le monde
grec et fut l’une des limites physiques de sa civilisation dans laquelle nous
puisons une grande partie de nos racines, pouvait en même temps constituer un
bain de jouvence et d’éternité retrouvées.
Merci Bernard pour ce carnet de route tout en sensibilité culturelle et teintée de belles émotions !
RépondreSupprimerJoli carnet de route en effet, dont le style et le sens ne laissent aucun doute sur l’identité de l’auteur…
RépondreSupprimerBien à toi Bernard.
CR
Merci Bernard pour ce résumé très documenté, comme à l'habitude, de ce voyage en pays proche mais combien chargé d'histoire. Par ton résumé nous avons nous aussi ressenti tout ce que cette île peut nous apprendre et nous donner. Merci Bernard.
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