Après avoir vécu l’acmé de la conception progressiste de la liberté, dont la liberté d’expression conformiste est l’ultime expression, nous allons assister à son effondrement. Ce phénomène, qui émeut tous les milieux officiels à travers la guerre autour de "X", mérite qu'on s'attarde sur l'analyse de ses ressorts.
La conception progressiste de la liberté règne encore sur la majorité des médias
traditionnels, en guerre contre tous ceux qui donnent la parole au
camp dit de la réaction ou du conservatisme, au risque d’exercer une censure de
fait qu’elle parvient à maintenir.
Elle perd par contre la main sur les réseaux sociaux; nouveauté inattendue pour des gens aussi certains de leur appartenance au camp du bien. Or les réseaux sociaux sont contrôlés en Europe grâce aux algorithmes de recommandation, aux “fact checkers” et aux mécanismes mis en place à l’aide des outils performants de l’IA. Que se passe-t-il?
Intéressons-nous au bras armé en Europe de la police de la pensée moderne, le Digital Services Act (DSA) en application depuis début 2024. Le considérant 9 du DSA affirme que le « règlement harmonise pleinement les règles applicables […] dans le but de garantir un environnement en ligne sûr, prévisible et de confiance, en luttant contre la diffusion de contenus illicites en ligne et contre les risques pour la société que la diffusion d’informations trompeuses ou d’autres contenus peuvent produire, et dans lequel les droits fondamentaux consacrés par la Charte sont efficacement protégés et l’innovation est facilitée. » Ce dernier a donc pour objet d’imposer la régulation sur les réseaux sociaux de tous les contenus « considérés » comme illégaux au regard des législations nationales, ce qui vous l’aurez compris laisse la place à l’interprétation par les autorités bruxelloises ou strasbourgeoises de ce qui serait susceptible d’être illégal sur le plan du droit national des Etats.
Il faut que les choses soient claires ; cette
régulation n’est pas illégitime en soi. Le problème est de savoir à qui elle
est confiée et où elle puise ses références et son inspiration eu égard à l'écriture ambigüe de l'objet auquel elle est dédiée. L’idéologie
progressiste régnant à Bruxelles on n’a guère de doute sur ce qui inspire l’exercice
de cette prérogative. Les exemples sont nombreux de la censure sur Facebook au
nom de la modération (cf mon précèdent billet) à celle dont Trump fut l’objet
sur Twitter il y a 4 ans.
Le rachat de Twitter par Elon Musk, la décision récente de
ce dernier d’y supprimer tout contrôle par les “fact checkers” dorénavant suivi par Marc Zuckerberg pour Facebook, et le fait d’entrer en
conflit ouvert avec le DSA, fait perdre son son calme au camp progressiste. Il n’est
qu’à voir la réaction de Thierry Breton renvoyant à rejoindre le réseau Bluesky
https://urlz.fr/tOfr créé par Jack Dorsey patron
de Tweeter lorsque Trump fut censuré ! La tentative apparemment désespérée
de boycotter « X » s’inscrit dans ce contexte même si Thierry Breton
déclarait ce matin sur Europe 1 ne pas avoir l’intention de quitter « X », et si elle se fait en ordre dispersé !
De fait le vent de panique est aggravé par l’accession au pouvoir de Donald Trump et de son équipe dans laquelle Elon Musk joue un rôle central ; cette accession de 2025 se présentant sous des augures bien différents de ceux de 2017. (Hubert Védrine déclarait ce soir sur BFM que nous assistons à un changement radical de l’Amérique telle qu’elle rayonne sur le monde depuis un siècle !) Même si je n'ai aucune sympathie particulière pour Elon Musk et ce que par ailleurs il peut incarner et véhiculer, force est de constater que son initiative de libérer le réseau social le plus important dans le monde de toute forme de contrôle idéologique, intellectuel et culturel signe à court terme la défaite du mouvement progressiste et socialiste. D’où la diatribe récente de notre Président de la République contre l’internationale réactionnaire. Car il est insupportable à nos apparatchiks de perdre le pouvoir qu’ils avaient conquis depuis des décennies à l’école de Marx, Marcuse et autre Gramsci. Le retournement américain est pour eux une source de grave inquiétude.
Dans cette affaire, chez nous, c’est la gauche qui est à la manœuvre. Une gauche qui se prétend historiquement l’incarnation de la liberté, qui exerce l’autorité légitime du camp progressiste que la droite tente d’incarner sous son vigilant contrôle. Dans un passé récent cette gauche socialiste et communiste a exercé un magistère moral sans vergogne. « La liberté est consubstantielle au socialisme » (Lionel Jospin – L’unité 5 mars 1983). « Un mot résume notre idéal de points une fois pour toutes nous avons choisi la liberté (l’humanité 12 septembre 1983). On retrouve le « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » lancé par Saint Just. Tout se tient. Progressisme et socialisme ne sont que le côté pile et le côté face de cette même fausse pièce idéologique.
Comme Mathieu Bock-Coté l’a remarquablement démontré https://urlz.fr/tNXK dans cet univers la liberté d’expression n’est légitime que pour les progressistes en vue de l’émancipation du peuple de tout ce que le conservatisme défend. La pensée progressiste ne tolère pas que l’on s’exprime et que l’on théorise contre le progrès dans ses diverses déclinaisons. Et il ne faut pas perdre de vue la puissance psychologique et politique de ce mouvement qui parvint quand même pendant des décennies à ne pas souffrir de sa solidarité avec des régimes socialistes et communistes qui furent les premiers ennemis de la liberté pour leurs peuples!
Afin de bien synthétiser la nature idéologique, politique
et historique de ce dont il est question il convient une fois de plus de se référer à
Alexandre Soljenitsyne. Voici ce qu'il écrivit dans Mon Pays Et Le Monde, il y a tout juste 50 ans : « Les
intellectuels de gauche libéraux sont souvent prêts à soutenir et à défendre
n'importe quels groupes extrémistes et même terroriste dans leur propre pays et
dans le monde entier lorsque ceux-ci se présentent sous une étiquette de « gauche » ;
en même temps, ils stigmatisent comme conservateurs et réactionnaires ceux qui
ne se solidarisent pas avec eux. Le danger d'une telle attitude est énorme pour
l'humanité ».
La chape de plomb progressiste n’a pu être maintenue que
grâce à la mainmise de son clan sur les médias et plus généralement sur le monde
de la culture.
La bataille culturelle étant en passe d’être perdue sur les réseaux sociaux et en partie dans les médias traditionnels, la perte du pouvoir politique est à craindre pour les forces progressistes. Panique à bord du vaisseau européiste. Il n’est dans ces conditions pas étonnant de retrouver la gauche et son âme damnée la droite dite républicaine alliées pour repousser les partis hors système qui refusent au moins en théorie ce totalitarisme progressiste.
Ce que nous sommes en train de vivre est un moment historique dans l'évolution des démocraties occidentales même si la partie n’est pas gagnée. La lutte sera rude. Il s’agit du combat pour le pouvoir ; excusez du peu.
Voilà qui explique l’immobilisme politique actuel de la France institutionnelle et officielle. L’exercice du pouvoir consiste en effet dans ce contexte à tout faire pour refuser l’alternance voulue par le peuple. Il faut durer. Résister. Repousser l’échéance dans l’espoir d’un hypothétique retournement bien que celui-ci semble imprévisible dans le contexte actuel. Le progressisme ne veut rien lâcher sur le plan politique dans l’espérance que les tempêtes conservatrices, réactionnaires ou illibérales se calment.
Ce pouvoir résiste donc sur tous les fronts.
L’éducation nationale doit rester aux mains des idéologues
progressistes. La sexualité, le wokisme, l’idéologie du genre et la
banalisation de l’homosexualité doivent rester l’univers indépassable du peuple
afin de lui ôter toute velléité de respirer spirituellement. L’euthanasie et l’avortement
doivent être régis en principes intransgressibles parce que la vie n’est pas
progressiste. La chute démographique doit être ignorée car une politique
nataliste serait conservatrice. Le fiscalisme doit perdurer car il interdit la revitalisation
libérale de l’économie. Les retraites doivent être la préoccupation centrale d’un
peuple à qui l’on ne doit pas redonner le goût du travail. Le laïcisme doit
maintenir sa chappe de plomb afin de nous interdire de retrouver l’âme de notre
civilisation. Les frontières sont l’ennemi déclaré de nos soi-disant libre-penseurs
qui sont soumis aux influenceurs dont Georges Soros à qui sont inféodés nos
dirigeants ainsi que les institutions européennes, est l’un de leurs bras armés.
Etc...
Pour bien comprendre comment ce pouvoir s'est installé et pourquoi il parvient à résister avec une pareille efficacité ou au moins une telle résilience, il me semble important d'analyser un dernier facteur.
Bien qu’il ne soit pas souvent évoqué, le
conformisme est peut-être la clé de compréhension de la manière dont a été installée la chappe de plomb
culturelle et idéologique qui sous-tend le niveau politique. Le conformisme
consiste à taire sa propre opinion pour donner l'illusion de continuer à penser
ou agir comme tous ceux qui nous entourent. Je vous renvoie à cet égard à la
lecture du livre de Jean Grimaldi d'Esdra La
Banalité Du Conformisme.
De fait, une authentique liberté d'expression, respectant par ailleurs les principes énoncés par Simone Weil (cf mon précédent billet) ne triomphera qu’à
partir du moment où nous aurons recouvré la capacité de penser autrement qu’on
nous demande de le faire. Le progressisme est l’expression de l’anéantissement
de cette aptitude qui est pourtant le lieu d’exercice de notre liberté
foncière, personnelle, sous l’arbitrage de notre conscience.
Soyons certains que "X" et ses avatars sera animé de son propre volonté hégémonique et sera soutenu par un conformisme propre...
Tout se tient. Rien n’est fini. Tout ne fait que commencer.
Semper idem !
100 pour 100 d’accord avec ton analyse Bernard !
RépondreSupprimerPeut-être en effet existe-t-il un frémissement de vent du renouveau de l’esprit…
Cela doit passer par une révolution intellectuelle du monde de l’enseignement et de la culture : enseigner, c’est apprendre à penser aux élèves, en aucun cas leur apprendre ce qu’il faut penser !
Bravo...et Merci!!! AB
RépondreSupprimerDétrompez vous, hélas une des bases du conformisme est la paresse intellectuelle, ressort le plus puissant et le plus répandu qui soit...
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