dimanche 18 février 2018

REPOUSSER LA TYRANNIE MEDIATIQUE






Nous vivons dans la frénésie des faits divers. Le denier accident, le dernier crime, la dernière inondation, la dernière catastrophe aérienne ou ferroviaire sont mis en scène, avec leurs enquêteurs, leurs experts, leurs procureurs, leurs juges. Les nouveaux inquisiteurs exigent une explication, un responsable ; vite…. Le mal et la souffrance, l’injustice sont insupportables, inacceptables. Les cellules psychologiques se substituent au prêtre. Le prêche de celui-ci n’étant entendu qu’à titre compassionnel. L’appel à Dieu et le renoncement entre les bras de la providence sont inaudibles ; quant au pardon il ne faut pas y penser. Dieu, s’il existe…, est injuste d’avoir laissé se produire pareille catastrophe, d’avoir toléré qu’un tel monstre puisse vivre ! Ensuite viennent les manifestations, les comités de soutien, les marches blanches, les lettres ouvertes. Et, the last but not the least !, la demande d’intervention au pouvoir exécutif puis au pouvoir législatif. Le ministre se déplace ; On crée une commission. Un projet de loi est annoncé. Car il ne faut pas que cela se reproduise….

Nous voulons un monde parfait, sécurisé, sans aucune place pour l’incertitude ou l’aléa, sans mal, sans injustice. Nous n’acceptons pas l’idée de la fatalité, d’une logique autre qu’humaine, qui nous dépasse. Nous exigeons des sanctions, sans laisser de place à l’empathie, même si de manière paradoxale notre système est toujours à la recherche d’explications sociales et sociologiques. Le pardon est suspect de faiblesse, voire de concession avec le mal. Pardonner ? Pourquoi ? Il nous faut des responsables, des réparations, des punitions. Toute cette logorrhée exclue tant l’acceptation que le pardon.

Notre monde est dur ; il n’a jamais été aussi dur…. Nous suivons les événements par procuration, en même temps que nous nous replions sur nous-mêmes. Car nous vivons avec nous-mêmes, sur nous-mêmes et de moins en moins avec les autres, nos proches, nos familles, nos collègues de travail ou nos voisins. Les repas en famille sont la plupart du temps envahis par le brouhaha de la télévision ou l’immixtion des tablettes et des téléphones portables. Et nous en savons plus sur l’accident dont la presse s’est fait l’écho que sur les souffrances de la voisine à laquelle nous ne parlons pas…

Nous exigeons la perfection; pas de droit à l’erreur ! Le moindre responsable voit sa vie être épiée dans tous ses détails. Il doit rendre compte de tout. L’écart d’il y a 20 ans ne lui est pas pardonné ; et peu importe que le temps de la prescription soit passé, voire mieux la justice ; il faut qu’il s’explique et qu’il soit cloué au pilori ! Nous ne voulons que des parfaits, irréprochables ; nous ne voulons que des purs pour nous gouverner….

Toute cette agitation et son bruit emplissent nos vies, occupent tous nos moments de repos ou de loisirs qui sont hantés par les réseaux sociaux et les chaines d’information continue. Du bruit, que de bruit ! Encore du bruit….Or il ne peut rien rester de ce vacarme, si ce n’est l’insatisfaction et le sentiment d’injustice ou d’insécurité, entretenus de manière méthodique. La culture de cette curiosité malsaine, de cette fausse compassion, et de cette exigence de perfection individuelle ne peuvent générer que de la rancœur, des esprits revendicatifs, et de l’insatisfaction. D’où le désenchantement du monde….

Les espaces de réflexion sont toujours plus réduits ou renvoyés à la marge de l’agitation médiatique. Les analyses philosophiques, historiques, humanistes, religieuses n’ont pas la place qui leur est nécessaire. Elles sont elles-mêmes réduites à des slogans, à des petites phrases, bien senties mais stériles. Même les philosophes et les religieux tombent dans le piège du slogan, ce dont Michel Onfray est une illustration ; sans parler des politiques… Les discussions entre amis évitent tout ce qui touche la philosophie, la religion ou la politique, si ce n’est pour l’anecdote ou les impôts…

Quant à nos vacances elles sont envahies par l’activisme, la frénésie de rattraper tout ce temps que nous pensons avoir perdu, organisées de telle manière qu’elles aussi nous enferment dans un univers « a-réflexif » !  Il n’y a qu’à voir la majorité des touristes courant d’activité en activité, visitant des monuments en passant leur temps à prendre des photos sans regarder ce qu’ils photographient, de telle sorte que les voyages virtuels de demain leur apporteront la même satisfaction sauf le transport….

Nous subissons. Nous nous conformons. Nous perdons notre libre arbitre, faute de volonté, de disponibilité et malheureusement de moyens, tant il est vrai que nous ne faisons plus l’effort de nous astreindre à la réflexion, au silence et à la prise de distance…. Nous perdons le sens de notre lien au monde. Nous ne vivons plus socialement. Nous vivons sans sociabilité. Nous n’avons plus le sens de l’autre et de notre relation à lui. Nous sommes immergés dans l’univers impersonnel répercuté par les médias. Isolés dans la tour d’ivoire qu’ils ont construite autour de nous, nous nous rassurons en pleurant virtuellement sur les malheurs de personnes qui nous sont inconnues,  incapables de vivre avec nos proches et d’entretenir avec eux des relations vraies, humaines et profondes. Nous avons perdu le sens du prochain, de la charité, de l’amour, de l’abandon à la providence, de la gratuité, et du pardon.

Nous vivons dans l’abstraction d’un monde qui n’est pas le nôtre, par procuration. Et nous ne vivons plus nos vies…. Après cela il n’y a pas de quoi s’étonner de voir notre incapacité grandissante à construire des existences solides dans la vérité de la relation à l’autre.

En ce temps de carême, qui est pour les chrétiens celui de la conversion, ce constat nous amène à la conclusion de la nécessité de vivre autrement, afin que la relation humaine et sociale redevienne un chemin d’échanges, de transmission et d’amour en vérité. Le conformisme de nos sociétés contemporaines a pour caractéristique de nous écarter de tout ce qui est vrai et de nous conduire à choisir ce qui dissout plutôt que ce qui construit. Il en est ainsi de ce battage médiatico-politique avec lequel on nous matraque du matin au soir…

La solution est simple, exigeante et libératrice. Sortir du système. Soulever la chape de plomb. Tourner le bouton. Prendre un livre. Mobiliser quelques minutes pour ouvrir son cœur à l’altérité et à Dieu ; et si on n’y croit pas au silence de la plénitude.

Et je vais vous faire une confidence, cela porte des fruits. J’ai constaté qu’au voilant de ma voiture je m’énervais beaucoup moins lorsque j’écoutais de la musique classique et que j’égrainais mon chapelet que lorsque j’écoutais France Info !

1 commentaire:

  1. Merci pour cette invitation à l'intériorité et à ralentir le flux de l'information... BOn carême à vous

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