Fallait-il écrire ce billet
? J’ai beaucoup hésité. Après avoir relu le merveilleux texte de Jean Ousset « Pagaille
dans l’église où mystère de la Croix ? »[1] je me suis convaincu que malgré la difficulté de la tâche pour le simple
fidèle que je suis, il ne fallait pas me taire.
L’attitude de nombre de nos
prélats est condamnable. Celle de l’Eglise en tant qu’institution l’a sans
doute été aussi dans certaines circonstances. Les critiques sont fondées et
justifiées. Pour autant, faut-il en conclure avec certains que l’Eglise serait
une institution comme les autres, ne valant finalement pas mieux que les autres
et qu’elle devrait se réformer pour devenir comme les autres ? Ses prêtres
n’auraient qu’à se marier. Que la parité et l’identité du genre y règnent: que
les femmes puissent accéder au sacerdoce… Etc… L’Eglise devrait se mettre au
diapason de la République….
Les critiques et les juges sentencieux qui sont légions voudraient
réduire l’Eglise à une dimension humaine, trop humaine, simplement humaine, rien
qu’humaine, telle qu’ils la souhaitent afin qu’elle les flatte dans leurs
existences peccamineuses, car nous avons tous des existences peccamineuses. Occasion unique de faire taire l’Eglise « Mater et Magistra » qui gêne
et empêche les hommes et les femmes de vivre selon leurs choix. Le surnaturel ne fait pas
toujours bon ménage avec la nature. Surtout lorsque l’être naturel prétend et
veut être l’égal de Dieu.
Pourquoi donc tous ceux qui ne croient plus en l’Eglise,
ou qui prétendent y croire mais à la condition qu’elle se transforme selon leur
propre volonté–ce en quoi ils renient les paroles du notre Père « que ta
volonté soit faite » – veulent-ils à tout prix transformer une institution à
laquelle ils n’adhèrent plus ? Pourquoi s’acharnent-ils à vouloir
humaniser ce qui relève de l'ordre du surnaturel ? Parce qu’ils ne croient plus en l’Eglise
selon le Credo et parce qu’ils ne veulent pas entendre ce que Dieu veut leur
enseigner. Il y a là un grand mystère qui nous renvoie jusqu’à l’Ancien
Testament. Les hommes ont un penchant naturel à ne pas vouloir écouter Dieu. Et
toutes les occasions sont bonnes… Alors, rendez-vous compte, lorsque des
prêtres en viennent à se comporter comme les derniers des salauds et des
criminels avec parfois la complicité de leurs évêques, comment ne pas céder à
cette tentation ? Elle est trop humaine… L’occasion est trop belle!
Il nous échappe que l’Eglise
n’est justement pas une institution humaine. Elle est, que cela plaise ou que cela
ne plaise pas, que l’on n’y croit ou que l’on n’y croit pas, que cela dépasse
notre entendement ou pas, le corps
mystique du Christ. Le ciel sur la terre. Ce viatique inouï entre le
ciel et la terre donné aux hommes au moyen de sacrements que Celui qui l’a
instituée a justement voulu faire distribuer par des hommes. Audace et
confiance suprême ! Et c’est là tout le mystère, le surnaturel confié aux
hommes. Voilà le miracle qui est en même temps… un drame. L’eucharistie
célébrée par le prêtre n’est-elle pas un drame ? Le Christ au jardin des
oliviers, le Christ portant sa croix, le Christ sur la croix, le Christ
ressuscitant, le Christ remontant au ciel, le Christ assis à la droite du Père.
Tout ceci concentré dans une hostie et un calice ! Rien de tout cela n’est
humainement compréhensible… C’est pourtant la réponse de Dieu à notre refus de
l’écouter. Réponse de ses sacrements confiés à son Eglise, dont les ministres sont
des hommes pêcheurs transformés par la grâce ; mais une grâce ainsi mise à
la merci des hommes et de leurs péchés ! Paradoxe suprême du pari de Dieu pour notre salut...
Alors de grâce, ne demandez
pas que ceux qui sont chargés de cette mission inimaginable, humainement impossible
sans le concours de la grâce sanctifiante du sacerdoce, soient rendus à une
existence trop humaine. Ce n’est tout simplement pas possible. Surnaturellement
impossible. Ils sont appelés à une vie de sacerdoce qui ne peut pas ressembler à la notre même s'ils la partagent, comme le Christ l'a partagée. Avec tous les risques que cela représente, sachant que ce n'est pas leur sacerdoce qui les pousse au crime, mais leur nature pécheresse.
Le surnaturel dépasse le naturel, il le transcende, il le bonifie
comme par miracle mais à la condition que le naturel y mette un peu du sien. Et
le drame est que par moments, même chez ceux qui sont chargés d’accomplir cette
mission, le naturel reprend le dessus, malgré la grâce. Le péché triomphe… Car
la perfection n’a jamais été de ce monde. Les apôtres qui ont transformé la
terre dans le sillage du Christ comme une traînée de grâce et de ciel sur la
terre, n'étaient-ils pas absents à ses côtés pendant sa passion? Ils l’ont abandonné
chacun à sa façon, par l’absence – tous sauf Jean- par la dénégation – Pierre le
premier Pape ! - ou même par la trahison – Juda-. Et ceux de nos clercs
qui ont ainsi commis l’irréparable crucifient à nouveau NSJC dans ce mystère
eucharistique dont ils sont les ministres…. Drame et mystère de l’Église matrice
de la grâce selon le bon plaisir de Dieu et surtout selon son amour infini.
Et comme nous devient plus sensible ce que le cardinal Journet a
dit, avec tant de bonheur : "toutes les contradictions sont
levées… dès qu’on a compris que les membres de l’Église pêchent
certes, mais en tant qu’ils trahissent l’Église ; que l’Église n’est donc pas sans pêcheurs, mais qu’elle est sans
péché".
C’est dans le sillage de
cette Eglise que tout a pu fleurir. Les fleurs malgré les péchés des hommes...
Les fleurs qui plantent leurs racines dans nos natures pécheresses… Et quelles fleurs !
Il faudrait citer ici toutes les vies de tous nos Saints! Des fleurs qui ont le parfum de la grâce et du Ciel. Comme par exemple celles
qui auréolent l’imagerie de Saint Thérèse de l’enfant Jésus. Pour tant de "salauds" combien de serviteurs humbles, dévoués, irréprochables, tous serviteurs de l'ombre empruntant le chemin ardu et escarpé de la sainteté; dont on ne parle pas, qui ne défrayent pas la chronique!...
Voilà pourquoi il ne servirait
à rien ici d’opposer les croisades ou l’inquisition, comme certains esprits
chagrins ne manqueront pas de l’imaginer. Car au-delà des discussions
historiques qu’il faudrait engager, quand bien même certains ont-ils pu faillir
ou commettre des crimes - Sainte Jeanne d’Arc n’a-t-elle pas été brûlée sur un
bûcher de l’inquisition ? – la question n’est pas là…. Elle n’est pas dans
la fange du péché mais dans la grâce, les miracles, l’amour inouï de ce Dieu
incarné qui s’offre en sacrifice dans la main des hommes, ses élus qui chaque jour en célébrant les saints mystères sont appelés à vivre le don de la vie et la résurrection de notre Dieu fait homme… La réponse à la
question est dans ce mystère qui dépasse toute réalité, qui transcende, qui
transfigure. Voilà peut-être aussi pourquoi malgré ce qu’on a pu
lui reprocher notre Eglise a tant de mal à juger et à condamner, elle qui a été créée pour
être l’écrin sacré de l’amour et du pardon … Mystère insondable.
Jean Ousset finissait ainsi
sa lettre évoquée en tête de ce billet par un envoi toujours d’actualité :
« Alors cher ami reprenons-nous ! Et comme le dit à peu près l’auteur de
l’Imitation : il n’est aucune raison sérieuse de s’arrêter. Marchons ensemble.
Jésus est avec nous. Par Jésus, certes, nous serons chargés de la croix. Mais
il sera notre soutien, celui qui est notre seul chef et notre guide. Voilà que
notre roi marche devant nous. Il combattra pour nous. Suivons avec courage. Que
rien ne nous effraie. Soyons prêts à mourir généreusement dans cette guerre. Et
ne souillons pas notre gloire de la honte d’avoir fui la croix. »
En citant cette phrase je ne
peux pas m’empêcher de repenser à ma grand-mère ébranlée dans sa foi par
tant d’iniquités et d’injustices dans la crise que l’Eglise commençait déjà à
traverser qui au soir de sa vie avait retrouvé la source de l’espérance grâce à la
lecture de cette lettre. Puissé-je avoir apporté ma très modeste contribution à
la nécessaire défense par les laïcs de notre sainte mère l’Eglise face au
jugement des hommes.
Belle homélie !
RépondreSupprimerCR
Qu’est ce qui fait le caractère pécheur de l’homme ? Qu’est ce qui fait le péché de l’homme ? N’est ce pas sa nature humaine ? puisque tous sont pécheurs et comment Dieu enlève-t-il le péché du monde ?
RépondreSupprimerEn se faisant homme ! Peut-être l’homme doit-il admettre que la première condition pour accéder à la sainteté est d’accepter son humanité, c’est ce que Jésus nous montre en souhaitant naître d’une femme puis en soulageant les misères humaines qu’il rencontre, misères humaines souvent amplifiées et quelquefois même provoquées par ceux qui disent la loi. La loi sur le shabat (à cette époque déjà), signe de l’alliance entre Dieu et les homme, la loi du Talion radicalement renversée par Jésus, la loi sur l’adultère pulvérisée par l’amour du prochain et l’auto-examen de conscience. Jésus nous invite avant d’examiner la conscience de notre prochain, (souvent mal éclairée) à faire notre propre examen de conscience et surtout à aimer. L’amour efface la faute dans le pardon et permet la réconciliation, la réunion et la communion, chose que ne permet jamais l’application mécanique d’une loi.
« Seigneur notre Dieu, dans l’admirable échange du sacrifice eucharistique, tu nous fais participer à ta propre nature divine... »
RépondreSupprimerErreur apparente. Par l’eucharistie, sa passion et sa mort les jeudi, vendredi et samedi saints, Jésus au contraire vient partager notre humanité et ce n’est que le jour de Pâques qu’éclate dans le ciel (avec la joie des anges) sa divinité.
Jésus venant sur la terre ne nous demande pas de devenir des dieux, il nous apprend à redevenir les humains qu’il a créé, il nous apprend l’amour. C’est justement pour nous montrer que la condition humaine est bonne « il vit que cela était bon » que Dieu l’a faite sienne en Jésus Christ. Certains bons chrétiens ne croient-ils pas que pour devenir des saints, ils doivent rejeter l’humanité ?
Devenir saint, devenir comme Dieu « vous serez comme des dieux », dire le bien et le mal, n’est ce pas justement commettre ce péché originel d’orgueil dont les hommes ont tant de mal à se débarrasser ? ou dit autrement Jésus prenant notre condition humaine vient nous rappeler que la nature humaine est d’essence divine puisque créée par Dieu à son image et à sa ressemblance (non pas vers sa ressemblance) et que chercher à s’extraire de l’humanité pour être comme un dieu, c’est commettre le péché d’orgueil originel.
Le rejet d’une partie de la création voulue entière par Dieu conduit à des sentiments suicidaires : rejet de l’esprit au profit du corps égale mort de l’âme. Rejet total du corps au bénéfice de l’esprit égale mortification, rite sacrificiel, exécution de l’incroyant, de l’infidèle, du musulman, du protestant, brûlage de la sorcière, lapidation de la pécheresse.
RépondreSupprimerJésus venant sur terre ne nous demande pas de devenir des dieux ou des anges, il nous apprend à redevenir les humains qu’il a créé entièrement. Il soigne aussi bien les esprits que les corps, il soigne le lépreux, guérit le paralytique, fait entendre les sourds, voir les aveugles, il va même jusqu'à faire ressusciter son ami Lazare, esprit et corps.
Le jour de Pâques, qu’est ce qui ressuscite de Jésus ? son âme ? Serait-elle morte ? impensable, une âme morte n’est plus, un dieu mort n’est pas Dieu.
Le jour de Pâques, c’est l’humanité qui ressuscite, d’ailleurs Jésus invite Thomas à toucher son corps pour lui montrer que c’est bien lui, tout son être avec ses plaies encore apparentes cicatrisées par la résurrection. Sur le chemin d’Emmaüs, à quoi ses disciples reconnaissent Jésus ? Les disciples pressentent le Seigneur à son discours « nos coeurs n’étaient-ils pas brûlants », le cœur parle, le cœur entend, mais les disciples le reconnaissent vraiment seulement lorsque Jésus partage le signe de l’humanité : le pain, indispensable à la vie du corps. (Jean 20.20 et 27.28 - Luc 24.35 et 39.43)