L’écologie est devenue notre priorité collective, malgré la guerre à nos portes, malgré la crise économique, malgré bien d’autres maux. Tous verts! Sous ces réserves que faut-il penser de la priorité écologique ?
Le Président de la République dont ce n’était pas « le trip » en 2017, en a fait la préoccupation centrale de son second mandat. La gauche l’avait préemptée depuis bien longtemps. La droite dite de gouvernement en avait pris son parti de gestionnaire. La droite nationale n’en avait jamais fait son cheval de bataille tout en s'y soumettant. Toutefois derrière cet unanimisme souvent contraint, qu’il s’agisse de dialectiser ou de gérer le tournant écologique qualifié de majeur, ni les uns ni les autres ne me semblent pour autant avoir une analyse de fond du problème. Combattre la cause impulsive et déterminante! Mais laquelle ? Une cause qui ne peut pas être celle à laquelle on répond en proposant aux Français d’acheter des voitures électriques ou en inondant leurs paysages d’éoliennes …
Je viens de lire un livre passionnant de Stefano Boni « HOMO CONFORT » ou « le prix à payer d’une vie sans efforts
ni contraintes ». Derrière ce titre qui nous interpelle l’auteur pose la problématique
de la crise écologique du XXIe siècle et cherche les pistes de solutions à y apporter.
Le raisonnement qui le sous-tend me semble appréhender LA cause motrice dans toute son ampleur, ce que ne fait par exemple pas Aurélien Barreau le célèbre astrophysicien dans sa croisade écologique quelle que soit la qualité de ses constats, sans doute à cause d’un certain aveuglement idéologique https://www.youtube.com/watch?v=XO4q9oVrWWw
Que nous dit notre auteur ?
Il part d’une rupture entre l’hypo
technologie et l’hyper technologie . Celle-ci résulte d’une inversion de notre
rapport avec la technique par l’effet d’une délégation aveugle d'"homo faber" à la technologie
de toutes les tâches qui conditionnaient son rapport au monde. « La
rupture historique qui s’est produite à l’époque contemporaine se rapporte
essentiellement la conception et à la puissance de l’acte technique, qui
bouleverse désormais plusieurs aspects de ce processus : le rôle du sujet
opérant et son degré de spécialisation, le lien qu’entretient l’acte technique
avec l’environnement et son impact sur celui-ci, la force déployée et les
modalités d’apprentissage de l’acte technique, et enfin l’unicité des produits
fabriqués et l’autonomie même de ce processus opérationnel ». Selon l’auteur
l’acte technique a ceci de particulier qu’il n’est plus attribuable à une
personne en particulier. Telle est la rupture. Rupture systématique de l’homme
avec son environnement dans tous les domaines de la vie, dans tous les actes de
sa vie qu’elle soit privée, professionnelle ou ludique. Nous ne touchons plus
les choses mais des écrans... etc...
La révolution matérialiste qui constitue l’épine dorsale de l’hyper technologie a des origines philosophiques que l'auteur n'évoque mais qu'il faut rappeler pour mémoire. Galilée et l'ouverture à maîtrise de la nature par l'homme nouveau. Vico pour qui seul ce qui est fait par l'homme peut-être en réalité connue de lui. Descartes qui définit la matière comme de la substance étendue et ouvre la voie à une compréhension mécanique des corps en mouvement et à la possibilité d'agir mécaniquement sur eux. Leibnitz et sa conception de la matière comme forcée énergie capable de sensibilité et d'auto organisation. Enfin le matérialisme issu de la science économique à partir de l'empirisme de Hume qui ramenait la matière au phénomène sensible, ouvrant ainsi la voie au marxisme. Et il est incontestable que tous nos problèmes écologiques résultent et procèdent de la révolution technologique qui accompagna et prolongea la révolution industrielle.
Parallèlement notre auteur observe de quelle manière la rupture identifiée créa des zones de confort pour l’être humain en l’affranchissant des
efforts et des contraintes. Il n’est qu’à voir nos modes de vie pour le
constater. Inutile d’insister et de détailler.
Dans un chapitre absolument passionnant Stefano Boni analyse ce phénomène à travers nos cinq sens. Allant dans tous les détails du quotidien d’avant et après la rupture « hypo – hyper » il met en évidence cette transformation, cette inversion, ce divorce entre l’être humain et tout ce qui l’entoure. Sans parler du conditionnement qui peut en résulter ni du contexte normatif qui le contraint dans cette voie de nature hygiéniste.
Comme un hasard, au moment d'écrire ce billet la providence avait mis entre mes mains un livre d’Antoine Vidalin, théologien, « PERSONNE !
» sous-titré « l’existence numérique ou la négation de la chair » ; petit opus
dans lequel l’auteur démontre de manière ardue mais claire comment nos cinq sens, encore eux…, semblent progressivement
refaçonnés et guidés sur les chemins pré tracés du monde virtuel….
Mais revenons à notre anthropologue italien.
Une autre étape de son raisonnement est de mettre
en évidence la marchandisation qui a accompagné ce phénomène et sa prise en
charge par des Etats uniquement déterminés que par des
considérations d’ordre économiques et financières. De telle sorte que l’être
humain fasciné par son confort, conditionné par son environnement, contraint
par les normes est dépossédé de toute capacité d’influence sur un processus qu’il
ne maîtrise plus. Alors que dans le système hypo technologique l’homme avait
gardé la main. Il avait gardé la main sur son environnement immédiat. Il avait
gardé la main sur les conséquences du fonctionnement de la grande machinerie
humaine à laquelle il participait.
Antoine Vidalin démontre de son côté que la rupture vit sa quintessence avec le numérique dans lequel la matérialité de l'humain n'est plus que de l'information capable de rendre compte de l'homme, de le produire voire de le dépasser sans plus tenir compte de la nature, c'est-à-dire du réel.
Stefano Boni analyse successivement:
· Les conséquences sociales et physiques du
passage d’outils en prise directe sur le monde extérieur à des dispositifs de
filtrage et de protection ne servant plus qu’à contrôler les interactions
physiques entre l’homme et son milieu… l’être humain a de moins en moins l’occasion
de se soumettre à la nature… jusqu’y compris dans son alimentation, dans les
matériaux qu’il utilise, dans son travail etc.
·
La récupération de la nature dans une logique purement et exclusivement
marchande. Il relève une exaltation de la nature tenant lieu d’une compensation
schizophrénique ! ... la muséification de la nature ... la paradoxal destin du monde animal
etc.
·
La production du bien-être en tant que
modalité émergente du confort qui engendre la commercialisation de produits et
de pratiques naturelles spécifiques. Les styles de vie. Le sport et le
bien-être. Les excursions dans la nature. Et cet au-delà du confort - le
bien-être - à travers trois tendances : tout d’abord l’idée que la
recherche du bien-être serait un moyen de revenir à la nature, puis celle que
la moralité d’une personne doit être assimilée à son état physique, esthétique
émotionnel (bio moralité) et enfin une injonction collective et politique au
bien-être. Antoine Vidalin de son côté démontre que l'échange de biens n'est plus que du traitement de l'information et que l'information devient de l'argent, objet de marketing ...
·
La spirale de l’éco phobie: HOMO CONFORT étant
né et ayant grandi dans des milieux artificiels protégés, caractérisés par une
hygiène accrue et par un contrôle minutieux des phénomènes extérieurs. Antoine Vidalin pour sa part conclut que le numérique n'exploite personne mais tend en réalité avec l'intelligence artificielle à achever le remplacement du travail humain par des processus anonymes. La chair ne souffre plus, elle est évincée au profit d'un corps consommateur et jouisseur. On est bien au-delà des analyses du défunt Pierre Rabhi.
·
La destruction programmée des savoir-faire et
de l’environnement.
Même si tout n'est peut-être pas à valider dans cette analyse, une politique écologique se doit de traiter les causes du phénomène
dans cette globalité quitte à l'amender, la rectifier et l'améliorer. Or tel n’est manifestement pas le cas.
On gère. On légifère. Le système hyper
technologique reste aux manettes; il « fait son business ». On investit dans de
nouvelles technologies qu’il s’agisse des énergies éolienne, solaire, ou des
véhicules électriques ou… ou… ou… car le système ne peut pas scier la branche
sur laquelle il est assis. Comme l’évoque Aurélien Barrau les effets de la dernière canicule dont on a beaucoup parlé se sont principalement traduits par des ventes record de climatisations!
Dans sa conclusion Stefano Boni prone audacieusement une attitude de type anarchiste. Anarchiste ? Oui vous avez bien lu. Pourquoi pas? Son idée
est que le problème ne peut se résoudre que selon un schéma horizontal par
opposition au schéma vertical qui nous administre aujourd’hui. Ce n’est qu’à la condition pour l’homme d’appréhender à nouveau son
destin, par la manifestation de sa volonté pratique et concrète de vivre à
nouveau sa relation de manière directe et possible avec son environnement qu’il
pourra atteindre le moteur de la crise écologique.
À titre d’illustration voici ce que notre
auteur propose :
·
Défense de l’environnement en remettant à l’honneur
les pratiques de production artisanale.
·
Limitation du confort.
·
Régionalisation.
·
Meilleure diffusion des ressources et accès
aux services essentiels.
·
Simplification notamment par la suppression
des produits de luxe et la restriction de la diversité des marchandises disponibles
sur le marché. (Antoine Vidalin évoque une ascèse, un véritable jeune de l'âme par ailleurs recommandée par les Papes.)
·
Production de longue durée par opposition à l’obsolescence
programmée…
Il y a de la révolution dans l’air chez l'anarchiste Stefano Boni !
Certains feront le reproche à ces propositions de consister en un retour en arrière, de s'inspirer des thèses de la décroissance promues par Pierre Rabhi. Mais ne faudra-t-il pas s’y résoudre un jour? N'est-ce pas la vraie bonne question? Changer de modèle... Car comme très justement l’auteur le fait remarquer le prix à payer de tout ce que nous vivons en termes de confort n’est-il pas terriblement excessif ? Quel est le bonheur que nous retirons de ce confort et de cette déresponsabilisation ?
Au fond, et tout le monde s’en rend bien compte, mais les intérêts en jeu sont tellement considérables qu’il sera difficile d’obtenir des résultats autrement qu’à la suite de ruptures accidentelles ou historiques, la crise écologique est la manifestation de tous les errements et les excès de nos modes de vie et de notre système de vie actuel. Cela l’Eglise Catholique le dit aussi depuis bien longtemps en ayant l’impression de prêcher dans un désert... ce n'est pas un hasard puisqu'elle combat le matérialisme dont nous avons vu qu'il est le lit de l'évolution qui nous a conduit à cette impasse écologique. Antoine Vidalin, encore lui, écrit de manière tout aussi pertinente que de son côté l'expérience numérique, dont nous avons vu qu'elle a un lien direct avec la crise écologique, en séparant les hommes de leur propre chair, les divise les uns des autres et les livre à une course effrénée et solitaire que seule la mort semble pouvoir interrompre… Au fond, derrière cette crise écologique, et bien au-delà de sa cause, il y a comme le soulignent les deux auteurs chacun avec leur science propre, un pouvoir d'ordre moniste que l'homme a laissé s'installer par ses abandons; un pouvoir qui entretient le mythe d'un avenir toujours meilleur repoussant ainsi notre détermination à le remettre en cause même si le réel s'assombrit à vue humaine… !
De fait le message de l'Eglise si souvent taxée de passéisme, d’obscurantisme et d'intolérance est de nature à offrir la lumière et le souffle nécessaires à ce renversement de nos valeurs de vie, de nos façons de vivre. Il enseigne le détachement sans lequel la marche suicidaire en avant ne cessera pas. Son modèle passe par le retour au désert sans la pratique duquel notre soif de progrès ne s’étanchera pas. La doctrine catholique est la seule qui soit fondamentalement écologiste….
Il y a clairement un choix qui se radicalise pour l'homme ; le vertige qui a saisi Néron devant la puissance immense qu'il détenait et qu'il a conduit à la folie est aujourd'hui devenu l'apanage de chacun dès lors que la technique lui permet une domination immédiate sur le monde matériel écrit Antoine Vidalin ...; domination dévoyée par rapport à celle de la Bible dans la mesure où elle procède du refus originel du jardin d'Eden par cet volonté de s'approprier le terre comme si elle était sa chose et s'il pouvait la soumettre à sa propre loi!
En attendant, face a ces enjeux qui font penser au combat de l'Apocalypse, trois femmes technocrates à qui le monde des
affaires n’est pas plus étranger qu’à leur manager élyséen – Madame Elizabeth
Borne, Madame Amélie de Montchalin et Madame
Agnès Pannier-Runacher - vont conduire la France dans son tournant écologique ...
Sans doute l'analyse philosophique des causes de l'émergence de la politique écologique est-elle intéressante...
RépondreSupprimerMais la question la plus pertinente à se poser n'est-elle pas de savoir si l'homme est l'unique responsable de cette apparente dégradation de notre environnement qui conduit à ériger en dogme la chasse au CO2 et la condamnation à mort des énergies fossiles qui seules peuvent sortir les 2/3 de l'humanité de la pauvreté et demeurent indispensables au fonctionnement des pays développés ?
Quand on sait que l'OMS, chiffres à l'appui, fait état de 6 millions de morts par an provoqués par les foyers domestiques par défaut d'énergie électrique issue des centrales à charbon ou à gaz, on comprend mieux le refus définitif de la Chine et de l'Inde de signer l'engagement de la dernière COP.
Quand on sait que le CO2 (dont l'augmentation du taux dans l'atmosphère continuera quoi qu'on fasse, mais de manière quasiment négligeable par rapport au stock) est indispensable à la vie et participe, en favorisant les cultures, à diminuer la faim dans le monde, on se demande si les recommandations du GIEC ne procèdent pas avant tout dun égocentrisme occidental exacerbé, qui a été très bien démontré et argumenté scientifiquement par Alain Gerondeau dans ses deux ouvrages successifs : "la religion écologiste" et "les douze mensonges du GIEC".
L'analyse n'est pas celle des causes de la politique écologique mais de notre comportement à l'égard de la nature et de notre environnement. Tout progrès n'est pas à proscrire. Le problème posé par cette analyse n'est pas celui du CO2 ou plus généralement du rapport du GIEC que je n'entends pas particulièrement défendre tant nombre de ses présupposés sont souvent idéologiques. Mais d'un autre côté tout ce que dénoncent les écologistes n'est pas sans fondement. Comme d'habitude la vérité n'est pas du côté d'un clan plutôt que de l'autre....
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