Emmanuel MACRON abat de nouvelles cartes. Derrière une expression décidément approximative que faut-il retenir de son interview du 4 juin à la presse régionale ?
« Nous sommes dans une ère historique qui impose
de changer profondément de modèle » ! Et d’ajouter comme s’il y
avait un lien entre notre situation intérieure et l’invasion de l’Ukraine : « et
puis la guerre est là ».
De ce rapprochement opportuniste entre un diagnostic biaisé
et un événement extérieur nait l’idée audacieuse mais sans aucune justification
historique de s’inspirer de la période de l’immédiat après-guerre et du Conseil
national de la Résistance initié par le Général de GAULLE. A l’époque tout était
à construire. Aujourd’hui l’édifice est là...Il s’agit de le faire
fonctionner...à moins qu'il ne faille le détruire mais Jean-Luc MELENCHON n’est pas encore au
pouvoir…
J’avoue être perplexe devant le diagnostic du Président et
l’utilisation de la guerre pour donner du sens à sa tentative de
refondation. Elle a bon dos la guerre…. Quant à la cause du malaise historique
en quoi relève-t-elle des modalités des prises de décision ou d’un manque de
concertation ?
Le Président de la République table sur l’illusion d’une
participation à l’élaboration des décisions grâce à un tour de passe-passe… La
vieille lune de la participation rocardienne et de la démocratie participative
de Ségolène ROYAL…. Ultime lâcheté d’un pouvoir aux abois qui veut associer
le peuple à ses échecs afin d’essayer de se dédouaner de sa responsabilité ou de culpabiliser ses mandants ! Une manière de se laver les mains tout en gardant la maîtrise
du pouvoir.
Emmanuel MACRON explique : « Les Français
sont fatigués des réformes qui viennent d’en haut. Ils ont plus de bon sens que
les circulaires. Paris doit être au service du terrain. »
Ce n’est pas un adepte de la décentralisation et du
principe de subsidiarité comme moi qui sera opposé au fait que Paris doive être au
service du terrain ; mais la concertation n’est ni la déconcentration, ni
la décentralisation, ni bien sûr, de près comme de loin, la subsidiarité ! Derrière
le processus de concertation le « Paris » d’Emmanuel MACRON entend
conserver le pouvoir de décision sous couvert d’une théâtralisation participative.
Derrière les débats il reste maître du modèle…
Le Conseil National de la Refondation sera une nouvelle instance
d’enfumage ; rien de plus. Les grands mots et la pompeuse audace de
prétendre se hisser à la hauteur des défis historiques n’y changeront rien. D’ailleurs
la Constitution n’est pas modifiée… Le pouvoir n’est ni déplacé, ni
réorganisé ! On est dans l'artifice !
Or la solution n’est pas d’associer fictivement les citoyens
aux décisions. Le problème ce sont les décisions ! Si elles sont mauvaises
peu importe comment elles sont élaborées. Idem si elles sont bonnes ….
Le problème c’est l’échec de l’Etat.
La réalité est que les Français sont à juste titre fatigués de cet échec.
A tous les niveaux ! Sécurité, santé, justice, enseignement… etc...
Et pour aggraver le tout il y a la démission des acteurs : Police
démobilisée. Magistrature en plein doute. Personnels de santé désabusés et
dégoutés. Enseignants démotivés…
Ça ne fonctionne plus. L’Etat est paralysé dans tous les
domaines. Inertie. Asphyxie de ceux qui doivent agir par la machine
administrative qu’on ne parle plus de réformer ni d’alléger. Le système inamovible
se perpétue.
Les Français ont perdu confiance. Ils ne veulent pas se
substituer à un pouvoir défaillant. Ils n’attendent plus rien de l’Etat. La
concertation n’y changera rien ; ils le savent très bien eux dont le
Président loue le bon sens… Ils aspirent à un Etat qui soit gouverné.
Alain SUPIOT cité par Arnaud TEYSSIER dans un article du
FIGARO[1]
résume remarquablement la situation : « On n'en sortira pas sans
nouvelles idées-forces, qui redonnent sens à l'action politique. La première de
ces idées consiste à dire que le destin de l'humanité n'est pas écrit dans des
lois immanentes qui lui échappent. N'est-ce pas la principale leçon à retenir
du 18 juin 1940 et du programme du CNR ? L'agir politique ne consiste pas à
réagir aux contraintes extérieures pour s'y adapter, mais bien à agir,
c'est-à-dire mettre en œuvre des idées qui ne sortent pas de la tête des
experts, mais de l'expérience des peuples. Seule une démocratie vivante est à
même de les faire éclore ».
Le Président de la République doit AGIR. C’est cela que
les Français attendent. Ils veulent une police qui soit en mesure d’assurer
leur sécurité, une Justice qui juge et fasse effectivement régner la justice, des écoles, des
collèges, des lycées qui enseignent pour de bon, des hôpitaux dans lesquels ils
puissent être soignés !
On a reproché à Emmanuel MACRON de décider seul - Jupiter !...-
mais au fond qu’a-t-il décidé…. si ce n’est la distribution de l’argent public pour
faire face à la crise du COVID ? Il n’a pas agi en tant que Chef d’Etat.
Un chef ça cheffe comme disait Jacques CHIRAC (même si....) ! Ça se
mouille. Ça entraine. Ça met de l’ordre. Ça fait fonctionner ce qui dysfonctionne.
Or nous avons un chef qui parle, qui concerte plus ou moins bien, qui demande des rapports, des audits et qui quand il s’adresse à ses concitoyens le sourire aux lèvres - ce sourire narquois dont il ne parvient pas à se défaire tant il reflète sa nature profonde - est incapable de créer ce lien innervant, vivifiant, rassurant et sécurisant de celui qui transmet sa vision du bien commun et donne l’assurance qu’il le poursuit concrètement. Il n'est pas celui qui donne l’exemple et suscite l'envie d’accomplir leurs propres missions du plus haut au plus bas de l’échelle chez ceux dont il est le chef .
La dégradation des services publics est un démenti éclatant
de toute action véritable à la tête de l’Etat. Rien n’est fait depuis des années
pour améliorer le service attendu par la France et les Français. Rien ! Des
échecs à répétition. L’enlisement dans une spirale négative. Chaque réforme
aggrave un peu plus la situation. Les dysfonctionnements s’accumulent comme les
couches administratives et les directives. C’est la « chienlit »...
La preuve en est la tentative du Président réélu de faire soi-disant autrement, et son affirmation en trompe l’œil de la nécessité de changer de
modèle.
La preuve en est encore donnée dans sa récente interview par son aveu
désespéré pour justifier la « mission flash » sur l’hôpital : « Sinon
quoi ? Je me contente de lire les articles de presse ? ».
Avec tous les services de l’Etat, après 5 ans d’exercice du pouvoir, il n’a donc
pas les moyens de poser un diagnostic ? Soit il se moque de nous, soit c’est
qu’il est à la tête d’administrations incontrôlées et incontrôlables !
Quoi qu’il en soit c’est l’aveu que l’information ne circule plus au sein de l’Etat,
obligeant son dirigeant à demander des audits, des missions etc...L'Etat ne sert plus la chose publique…Il ne sert plus que sa survie dans la confusion et le rejet de tout contrôle.
La réélection d’Emmanuel MACRON est le fruit de la résignation contrainte du peuple ; d’un peuple auquel on fait croire que la solution est dans la perpétuation d'un fonctionnement stérile ! Et ça marche !
Il est évident que la nouvelle méthode annoncée n’est qu’un
coup du jeu de bonneteau d’un pouvoir aux abois… Car la mise en place de ces
fausses assemblées délibératives n’a pas d’autre but que de faire cautionner ses
décisions par ce pouvoir, comme pour l’exonérer de sa responsabilité. Voilà qui
est une authentique escroquerie.
Il devient de plus en plus évident que si l’heure est
grave, si nous sommes à un tournant de notre histoire comme le dit Emmanuel MACRON il va nous falloir autre
chose que des paroles, des palabres et des échanges même savamment organisés et
orchestrés par je ne sais quel cabinet de conseil.
Non Monsieur le Président de la République devant les
défis de l’histoire d’une Nation, il y a un moment où il faut
trancher et agir. Tous les chefs militaires le savent. Il y a un moment où il
faut savoir se faire mal, être exigeant, faire des mécontents et mettre de l’ordre
dans la maison. Quel meilleur exemple que le fiasco du Stade de France à
propos duquel l'Etat couvre le lamentable déni des responsabilités d’une
délinquance française et parfaitement identifiée ?
Les précédents Présidents avaient inventé les commissions.
Sous couvert de « refondation » Emmanuel MACRON organise des
concertations avec le concours de ses précieux cabinets de conseil… Tel est
son vrai modèle. Celui de la palabre et de l’audit...Celui de l’enfumage…
Jusqu’à quand ?
[1] https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/arnaud-teyssier-aujourd-hui-l-heritage-du-cnr-est-designe-comme-source-de-notre-impuissance-20220605
God save our France…
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