dimanche 5 juin 2022

LA REFONDATION SELON MACRON; PALABRE, JEU DE BONNETEAU, ENFUMAGE...

Emmanuel MACRON abat de nouvelles cartes. Derrière une expression décidément approximative que faut-il retenir de son interview du 4 juin à la presse régionale ?


« Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle » ! Et d’ajouter comme s’il y avait un lien entre notre situation intérieure et l’invasion de l’Ukraine : « et puis la guerre est là ».

De ce rapprochement opportuniste entre un diagnostic biaisé et un événement extérieur nait l’idée audacieuse mais sans aucune justification historique de s’inspirer de la période de l’immédiat après-guerre et du Conseil national de la Résistance initié par le Général de GAULLE. A l’époque tout était à construire. Aujourd’hui l’édifice est là...Il s’agit de le faire fonctionner...à moins qu'il ne faille le détruire mais Jean-Luc MELENCHON n’est pas encore au pouvoir…

J’avoue être perplexe devant le diagnostic du Président et l’utilisation de la guerre pour donner du sens à sa tentative de refondation. Elle a bon dos la guerre…. Quant à la cause du malaise historique en quoi relève-t-elle des modalités des prises de décision ou d’un manque de concertation ?

Le Président de la République table sur l’illusion d’une participation à l’élaboration des décisions grâce à un tour de passe-passe… La vieille lune de la participation rocardienne et de la démocratie participative de Ségolène ROYAL…. Ultime lâcheté d’un pouvoir aux abois qui veut associer le peuple à ses échecs afin d’essayer de se dédouaner de sa responsabilité ou de culpabiliser ses mandants ! Une manière de se laver les mains tout en gardant la maîtrise du pouvoir.

Emmanuel MACRON explique : « Les Français sont fatigués des réformes qui viennent d’en haut. Ils ont plus de bon sens que les circulaires. Paris doit être au service du terrain. »

Ce n’est pas un adepte de la décentralisation et du principe de subsidiarité comme moi qui sera opposé au fait que Paris doive être au service du terrain ; mais la concertation n’est ni la déconcentration, ni la décentralisation, ni bien sûr, de près comme de loin, la subsidiarité ! Derrière le processus de concertation le « Paris » d’Emmanuel MACRON entend conserver le pouvoir de décision sous couvert d’une théâtralisation participative. Derrière les débats il reste maître du modèle…

Le Conseil National de la Refondation sera une nouvelle instance d’enfumage ; rien de plus. Les grands mots et la pompeuse audace de prétendre se hisser à la hauteur des défis historiques n’y changeront rien. D’ailleurs la Constitution n’est pas modifiée… Le pouvoir n’est ni déplacé, ni réorganisé ! On est dans l'artifice !

Or la solution n’est pas d’associer fictivement les citoyens aux décisions. Le problème ce sont les décisions ! Si elles sont mauvaises peu importe comment elles sont élaborées. Idem si elles sont bonnes …. Le problème c’est l’échec de l’Etat.

La réalité est que les Français sont à juste titre fatigués de cet échec. A tous les niveaux ! Sécurité, santé, justice, enseignement… etc...

Et pour aggraver le tout il y a la démission des acteurs : Police démobilisée. Magistrature en plein doute. Personnels de santé désabusés et dégoutés. Enseignants démotivés…

Ça ne fonctionne plus. L’Etat est paralysé dans tous les domaines. Inertie. Asphyxie de ceux qui doivent agir par la machine administrative qu’on ne parle plus de réformer ni d’alléger. Le système inamovible se perpétue.

Les Français ont perdu confiance. Ils ne veulent pas se substituer à un pouvoir défaillant. Ils n’attendent plus rien de l’Etat. La concertation n’y changera rien ; ils le savent très bien eux dont le Président loue le bon sens… Ils aspirent à un Etat qui soit gouverné.

Alain SUPIOT cité par Arnaud TEYSSIER dans un article du FIGARO[1] résume remarquablement la situation : « On n'en sortira pas sans nouvelles idées-forces, qui redonnent sens à l'action politique. La première de ces idées consiste à dire que le destin de l'humanité n'est pas écrit dans des lois immanentes qui lui échappent. N'est-ce pas la principale leçon à retenir du 18 juin 1940 et du programme du CNR ? L'agir politique ne consiste pas à réagir aux contraintes extérieures pour s'y adapter, mais bien à agir, c'est-à-dire mettre en œuvre des idées qui ne sortent pas de la tête des experts, mais de l'expérience des peuples. Seule une démocratie vivante est à même de les faire éclore ».

Le Président de la République doit AGIR. C’est cela que les Français attendent. Ils veulent une police qui soit en mesure d’assurer leur sécurité, une Justice qui juge et fasse effectivement régner la justice, des écoles, des collèges, des lycées qui enseignent pour de bon, des hôpitaux dans lesquels ils puissent être soignés !

On a reproché à Emmanuel MACRON de décider seul - Jupiter !...- mais au fond qu’a-t-il décidé…. si ce n’est la distribution de l’argent public pour faire face à la crise du COVID ? Il n’a pas agi en tant que Chef d’Etat. Un chef ça cheffe comme disait Jacques CHIRAC (même si....) ! Ça se mouille. Ça entraine. Ça met de l’ordre. Ça fait fonctionner ce qui dysfonctionne.

Or nous avons un chef qui parle, qui concerte plus ou moins bien, qui demande des rapports, des audits et qui quand il s’adresse à ses concitoyens le sourire aux lèvres - ce sourire narquois dont il ne parvient pas à se défaire tant il reflète sa nature profonde - est incapable de créer ce lien innervant, vivifiant, rassurant et sécurisant de celui qui transmet sa vision du bien commun et donne l’assurance qu’il le poursuit concrètement. Il n'est pas celui qui donne l’exemple et suscite l'envie d’accomplir leurs propres missions du plus haut au plus bas de l’échelle chez ceux dont il est le chef .

La dégradation des services publics est un démenti éclatant de toute action véritable à la tête de l’Etat. Rien n’est fait depuis des années pour améliorer le service attendu par la France et les Français. Rien ! Des échecs à répétition. L’enlisement dans une spirale négative. Chaque réforme aggrave un peu plus la situation. Les dysfonctionnements s’accumulent comme les couches administratives et les directives. C’est la « chienlit »...

La preuve en est la tentative du Président réélu de faire soi-disant autrement, et son affirmation en trompe l’œil de la nécessité de changer de modèle.

La preuve en est encore donnée dans sa récente interview par son aveu désespéré pour justifier la « mission flash » sur l’hôpital : « Sinon quoi ? Je me contente de lire les articles de presse ? ». Avec tous les services de l’Etat, après 5 ans d’exercice du pouvoir, il n’a donc pas les moyens de poser un diagnostic ? Soit il se moque de nous, soit c’est qu’il est à la tête d’administrations incontrôlées et incontrôlables ! Quoi qu’il en soit c’est l’aveu que l’information ne circule plus au sein de l’Etat, obligeant son dirigeant à demander des audits, des missions etc...L'Etat ne sert plus la chose publique…Il ne sert plus que sa survie dans la confusion et le rejet de tout contrôle.

La réélection d’Emmanuel MACRON est le fruit de la résignation contrainte du peuple ; d’un peuple auquel on fait croire que la solution est dans la perpétuation d'un fonctionnement stérile ! Et ça marche !

Il est évident que la nouvelle méthode annoncée n’est qu’un coup du jeu de bonneteau d’un pouvoir aux abois… Car la mise en place de ces fausses assemblées délibératives n’a pas d’autre but que de faire cautionner ses décisions par ce pouvoir, comme pour l’exonérer de sa responsabilité. Voilà qui est une authentique escroquerie.

Il devient de plus en plus évident que si l’heure est grave, si nous sommes à un tournant de notre histoire comme le dit Emmanuel MACRON il va nous falloir autre chose que des paroles, des palabres et des échanges même savamment organisés et orchestrés par je ne sais quel cabinet de conseil.

Non Monsieur le Président de la République devant les défis de l’histoire d’une Nation, il y a un moment où il faut trancher et agir. Tous les chefs militaires le savent. Il y a un moment où il faut savoir se faire mal, être exigeant, faire des mécontents et mettre de l’ordre dans la maison. Quel meilleur exemple que le fiasco du Stade de France à propos duquel l'Etat couvre le lamentable déni des responsabilités d’une délinquance française et parfaitement identifiée ?

Les précédents Présidents avaient inventé les commissions. Sous couvert de « refondation » Emmanuel MACRON organise des concertations avec le concours de ses précieux cabinets de conseil… Tel est son vrai modèle. Celui de la palabre et de l’audit...Celui de l’enfumage… Jusqu’à quand ?

Pendant ce temps nous admirons Elizabeth II  qui incarne la continuité d'un Etat dont les britanniques ne cherchent pas à revoir le modèle!



[1] https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/arnaud-teyssier-aujourd-hui-l-heritage-du-cnr-est-designe-comme-source-de-notre-impuissance-20220605

1 commentaire:

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog