dimanche 31 juillet 2022

MON ETE AVEC CHESTERTON (3) : DE L'IMAGINATION

HERETIQUES et ORTHODOXIE pour ne citer qu’eux sont des livres de Gilbert K. CHESTERTON à lire, relire et à méditer. 


Pour cela il faut rentrer dans le monde imaginaire de leur auteur. Ce dernier soutient la nécessité de l’imagination face à un monde difficile à comprendre et dans lequel l’homme est fatalement à l’étroit : « Dès qu’on pénètre dans le monde des faits, on pénètre dans un monde de limites ».

Avec son génie du maniement du paradoxe Gilbert K. CHESTERTON envoie son lecteur tutoyer les sommets de la philosophie :

« Il me semblait que l’existence était elle-même un legs si excentrique que je ne pouvais me plaindre de ne pas comprendre les limites de cette vision alors que je ne comprenais pas la vision qu’elles limitaient. »

Gilbert K. CHESTERTON a une exceptionnelle capacité d’émerveillement qui passe par l’acceptation et l’humilité sans laquelle il écrit qu’il « est impossible de jouir de quoi que ce soit ». Or pour lui nous souffrons d’une « humilité mal placée » : « Car la vieille humilité faisait douter un homme de ses efforts, ce qui pouvait l’encourager à travailler dur. Alors qu’en faisant douter l’homme de ses objectifs, la nouvelle humilité finira par le faire renoncer complètement au travail ».

Son monde n’est pas celui des savants. C’est celui de l’enfance, de l’imagination. Suivons le guide : « Tout accepter est un exercice, tout comprendre est une rude épreuve ». Accepter c’est-à-dire s’émerveiller avec humilité. Tout comprendre, vouloir tout comprendre, revient à s’enfermer dans les lois du réel au point de s’y emprisonner et donc, oui, de sombrer dans la folie. Il insiste, presque en boucle ; la volonté de tout expliquer scientifiquement nous aveugle, alors que notre capacité d’imagination nous en délivre. Et de poursuivre : « l’imagination n’engendre pas la folie. Ce qui engendre la folie c’est précisément la raison ». Pour conclure avec cette fameuse formule tant de fois entendue mais si souvent sortie de son contexte : « Le fou n’est pas un homme qui a perdu la raison. Le fou est un homme qui a tout perdu sauf sa raison ».

Il précise : « l’homme vraiment sain d’esprit sait qu’il a en lui quelque chose de fou. Pour le matérialiste, toutefois, le monde est parfaitement simple et stable, de même que le fou est sûr de sa santé mentale. Le matérialiste est persuadé que l’histoire se résume uniquement à une chaine de causalités. »

Le risque est grand pour l’homme quand la raison devient objet de foi parce qu’elle affirme que nos pensées n’ont aucun lien avec la réalité (on retrouve là les erreurs de la philosophie moderne).

D’où le recours à l’imagination, la libre imagination !

Car « l’imagination n’engendre pas la folie. Ce qui engendre la folie c’est précisément la raison. Les poètes ne deviennent pas fous mais les joueurs d’échecs le deviennent. » Mais qu’on se comprenne bien, Gilbert K. CHESTERTON ne sombre pas dans je ne sais quel refus de la logique ou de la science : « je n’ai pas l’intention d’attaquer la logique ; je dis seulement que le danger provient de la logique et non de l’imagination ».

Il nous invite à adhérer à la morale du pays des Elphes ! « ce à quoi je crois le plus aujourd’hui c’est les contes de fées » ! Leur monde n’est pour lui rien d’autre que « le pays ensoleillé du bon sens » !

Certains souriront, se moqueront. Et pourtant... faisons l’effort de le suivre encore.

Prise de distance. Prise de hauteur. Savoir s’abstraire du réel sans le nier ni en nier les lois ; mais se soumettre à une autre logique dans laquelle l’imagination peut plonger ses racines.

Il y a une fraicheur inouïe chez cet auteur atypique. Il faut du temps pour rentrer dans son univers, dans son expression, dans ses paradoxes qui ne sont pas un jeu mais le fruit de son observation grâce à un regard décapant !

Il peut ainsi débusquer les complexités de la modernité transformant la pensée en un labyrinthe ou un univers kafkaïen. Un exemple avec son attaque du déterminisme. Tel le judoka, il déstabilise. « Le monde moderne tel que je l’ai découvert était nettement favorable à la nécessité que les choses soient telles qu’elles sont. Mais quand j’ai interrogé ces modernes, je me suis rendu compte qu’ils n’avaient en réalité d’autre preuve de l’inévitable répétition de toutes choses que le fait qu’elles se répétaient ». Le philosophe des contes de fées est heureux que les choses soient et qu’elles se répètent. Et notre écrivain du monde des Elphes en conclue qu’il est préférable pour l’homme de se réjouir des répétitions ou de l’ordre naturel des choses que de toujours chercher à décortiquer ces phénomènes pour tenter de les comprendre, car se faisant il s’interdit de dépasser la réalité et de s’en émerveiller. Et ceci à l’image de ces scientifiques ou apprentis scientifiques qui cherchant toujours à comprendre, se focalisant sur les causalités dégagées par la science, ne sont plus capables de se poser la question métaphysique fondamentale. Pourquoi ? Quelle est la cause première, motrice ? Dès lors : « La dimension de cet univers scientifique ne procurait rien de nouveau ni d’apaisant.... Nous étions soit incapables de faire les choses soit destinés à les faire » ! Sortir de la prison cul de sac en quelque sorte...

Après une digression sur la capacité de l’enfant, à l’inverse de l’adulte, d’en redemander toujours – ce « encore une fois ! Refais-le ! » tant de fois entendu par les parents et les grands-parents- il en arrive à cette conclusion « il se peut que l’homme demeure sur la terre génération après génération, mais que chaque naissance soit en réalité sa dernière apparition ! » et à cette autre affirmation : « seules les histoires de magie expriment mon sentiment que la vie est non seulement un plaisir mais aussi une sorte de privilège excentrique ».

Gilbert K. CHESTERTON est un poète. Il croit au pouvoir de la poésie. Les poètes ne sont-ils pas princes dans le monde de l’imaginaire ? Ces poètes dont nous avons relevé que pour lui ils ne sombrent jamais dans la folie ; sauf lorsque comme Rimbaud, devenus fous ils ne le sont plus et n’écrivent plus...

Le monde de cet écrivain est décidément un vrai bain de jouvence !

 

 

 

 

 

1 commentaire:

  1. Plaidoirie pour le retour de « l’honnête homme » et des « humanités » éclairées (pas trop) par l’esprit scientifique…
    CR

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