Gilbert K. CHESTERTON décrasse notre regard. Il en va ainsi avec la démocratie que nous avons érigée en valeur indépassable. Nous savons ce qu’en disait son compatriote William CHURCHILL "un mauvais système, mais le moins mauvais des systèmes...
Notre auteur en a une approche atypique hors systèmes, de nature à nous
faire écarquiller les yeux de curiosité et de surprise. Il considère que le
principe de la démocratie doit être exposé en deux propositions :
Ø « Les
choses ordinaires ont plus de valeur que les choses extraordinaires ;
mieux, elles sont extraordinaires ! Les choses essentielles parmi les
hommes sont celles qu’ils possèdent en commun, non pas celles qu’ils possèdent
séparément.
Ø L’instinct
ou l’ambition politique est l’une de celles qu’ils possèdent en commun.
Gouverner est un acte comparable à celui d’écrire des lettres d’amour sans
personne ou à se moucher le nez. Ces choses-là nous voulons qu’un homme les
fasse par lui-même même s’il les fait mal. »
Et il conclue : « Bref, la foi démocratique
tient à ceci : les choses les plus terriblement importantes doivent être
confiées à des hommes ordinaires. »
Afin de bien percer la profondeur et l’intérêt de cette
réflexion il faut se plonger dans l’œuvre de Gilbert K. CHESTERTON. Philippe
MAXENCE estime « qu’il faut prendre le chemin de l’homme commun, de l’homme
ordinaire ».
Je vous propose un détour par certains articles du merveilleux livre « Petites choses formidables ».
En particulier un bijou intitulé « le vent et les arbres ». Partant de
la réflexion d’un enfant demandant qu’on enlève les arbres pour qu’il n’y ait
plus de vent (!) notre guide retient que qui regarderait les arbres pour la
première fois s’imaginerait qu’ils sont d’énormes ventilateurs. En découle une
parabole ... « le vent est l’esprit qui souffle où il veut – l’auteur
met une note pour se référer à Jean 3, 8 « le vent souffle où il veut et
tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il
de quiconque est de l’Esprit » - et les arbres sont les choses matérielles
de ce monde, envoyées là où l’esprit veut. »
IL prolonge sa réflexion « Dans le monde sens dessus dessous ». Ce monde dans lequel
« les hommes croient que les choses matérielles, si noires et si
tordues qu’elles soient, sont plus importantes que les réalités spirituelles,
si puissantes et pures qu’elles soient ». Le monde à l’envers, celui dans lequel on pose
comme essentielles les questions qui ne soulèvent pas le problème de l’adéquation
du moyen à la fin mais celui de l’adéquation de la fin au moyen. Un monde dans
lequel « on dit la vérité à l’envers ». Or les oligarchies
modernes sont nées de la perte du sens de la vérité.
D’où la nécessité de donner le pouvoir aux hommes
ordinaires qui ne voient pas le monde sens dessus dessous...L’homme ordinaire
est celui qui a gardé le sens commun. Il est l’opposé de l’expert. Oui comme le
souligne Philippe MAXENCE Gilbert K . CHESTERTON développe une pédagogie
du renversement du regard. Chez lui le sentiment démocratique prend en compte l’homme
en raison de sa dignité intrinsèque.
C’est ainsi que la démocratie selon CHESTERTON peut se
retrouver dans la monarchie – pour lui la vieille monarchie française était
plus démocratique qu’aucune démocratie contemporaine, « le peuple y
possédait le monarque » - versus despotisme héréditaire qui « s’il
ne proclame pas que tous les hommes peuvent gouverner... proclame que n’importe
qui peut gouverner ».
C’est ainsi à juste titre que Philippe MAXENCE considère
que le sentiment démocratique chestertonien rejoint la théorie de la démocratie
exposée par SS PIE XII dans son magistral discours de Noël 1944 https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/les-textes-officiels/343-radiomessage-de-noel-1944-au-monde-entier dans lequel on
lit notamment que les peuples « s’opposent avec plus de véhémence aux
monopoles d’un pouvoir dictatorial, incontrôlable et intangible, et ils
réclament un système de gouvernement qui soit plus compatible avec la dignité
et la liberté des citoyens ».
Quelle actualité !
Que de leçons à tirer alors que nous nous apprêtons à
devoir refonder nos systèmes qui dans une schizophrénie du changement sans
direction n’ont cessé de dériver depuis des décennies !
Et que dire pour conclure, dans le pur esprit de Gibert K. CHESTERTON, de son combat symbolique contre la disparition des tavernes et des auberges, par exemple dans son merveilleux roman « l’auberge volante » ?
Ces
tavernes qui à l’image de nos cafés en voie de disparition sont les lieux de la
démocratie la plus authentique – une démocratie formelle que dans une vaste
comédie nous avons réduite à un bulletin de vote en forme de blanc-seing pour
les soi-disant experts - tant ils mettent tous leurs participants sur un pied d’égalité !
Lieux de rencontre, de proximité et d’échanges que nos réseaux sociaux,
véritables emplâtres sur une jambe de bois sont incapables de remplacer...
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