dimanche 2 octobre 2022

DISCOURS DE POUTINE: QUELS PRESAGES ?

30 septembre 2022. Discours de Vladimir Poutine. Une diatribe et une dialectique redoutables ! Une détermination à faire frémir. Fuite en avant? Que craindre ?


Voici le texte complet de ce discours: https://legrandcontinent.eu/fr/2022/10/01/la-guerre-mondiale-de-poutine/ afin de vous permettre de vous faire votre idée si vous ne l'avez pas encore lu.

Ce conflit nous plonge petit à petit dans les profondeurs de l'histoire et dans les affres du choc des civilisations que l’on nous prédit depuis si longtemps. Les événements actuels dépassent dorénavant le seul problème ukrainien qui ne me semble plus être qu’un prétexte dramatique à l’inéluctable poursuite de l’extension de ce conflit tant en raison de la détermination russe que de celle des américains, que de notre aveuglement et de notre entêtement.

Nous avons le devoir d’essayer de comprendre les événements sans nous en tenir à la voix cathodique qu'il faut savoir décrypter;  en même temps qu'il nous faut analyser les « ingrédients » mis en avant par Vladimir POUTINE afin de justifier l'intensification et l'extension du conflit à l'égard de l'Occident.

Vladimir Poutine a volontairement élargi son propos, se plaçant dans une perspective historique - pas toujours à bon escient par exemple lorsqu'il évoque la renaissance - culturelle, religieuse, de civilisation. Il a évoqué la fin de l'URSS qu’il ne veut apparemment pas entériner « les derniers dirigeants de l’Union Soviétique ont déchiré notre grand pays ». Il s’est placé en héritier des dirigeants les plus prestigieux de la grande Russie. Et surtout, après avoir pris le soin de souligner les intérêts communs qu'il peut avoir avec les grandes nations de l'axe qu'il veut revigorer à savoir la Chine, l'Inde pour ne citer qu’elles, il n'a pas hésité, de manière particulièrement insistante à souligner que le combat mené était civilisationnel. Pour lui l'Occident cherche à détruire l'identité russe, à la contaminer: « Les pays occidentaux clament depuis des siècles qu’ils apportent la liberté et la démocratie aux autres nations. C’est exactement le contraire. Au lieu de la démocratie, ils apportent la répression et l’exploitation ; au lieu de la liberté, l’asservissement et l’oppression. L’ordre mondial unipolaire est intrinsèquement anti-démocratique et non-libre, menteur et hypocrite de bout en bout. ». Et plus loin:  "Je le répète : la dictature des élites occidentales vise toutes les sociétés, y compris les pays occidentaux eux-mêmes. C’est un défi adressé à tout le monde. Cette négation profonde de l’humanité, cette subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, cet écrasement de la liberté prennent les traits d’une « religion à l’envers » – d’un satanisme pur et simple." !!!

Il se bat donc contre l’Occident ; en clair : contre nous…. si les mots ont encore un sens…. même si très habilement il tente d'enfoncer un coin entre les EU et nous autres européens : « Dans les faits, l’élite américaine se sert de la tragédie que vivent ces personnes pour affaiblir ses rivaux, pour détruire les États-nations. Cela vaut également pour l’Europe, pour l’identité de pays comme la France, l’Italie, l’Espagne, et d’autres nations à l’histoire multiséculaire. »

A ce jour notre guerre, en soutien à l'Ukraine, n'est qu'économique; nous l'avons déclarée par mesure de rétorsion. Notre ministre de l'économie ne l'a-t-il pas affirmé ? D'autres l'ont dit comme lui, avant lui, après lui. Mais elle n’est plus seulement économique. Les satellites qui guident les tirs ukrainiens ne sont-ils pas américains ? L'Occident mené par les EU d’un président BIDEN à la limite de la sénilité veut mettre la Russie à genoux. Mais les signes d’un futur épuisement sont plutôt de notre côté que de celui de la Russie. Et Vladimir POUTINE qui n'est pas prêt à baisser la garde se pose en libérateur de ce qu'il estime être l'oppression américaine: « La Russie a conscience de sa responsabilité envers la communauté mondiale et fera son possible pour ramener ces têtes brûlées à la raison. »

Il faut revenir sur les causes historiques de l’invasion du 24 février dernier. Je vous renvoie aux analyses de Jacques BAU https://www.youtube.com/watch?v=0ByNRApNVoM ou https://www.youtube.com/watch?v=QfvI2ayXPrs qu’il faut sans doute croiser avec d’autres, tant la vérité est difficile à cerner, mais qui ont le mérite de s’appuyer sur des faits et des déclarations vérifiables et d'émaner d'un homme indépendant et compétent. Il souligne les provocations du gouvernement ukrainien dans le but d'amener l'Occident à affronter la Russie afin de la mettre à genoux. La démonstration de Jacques BAU semble imparable ; ce qui n’excuse pas Vladimir POUTINE et la Russie, loin de là. Or nous n’entendons malheureusement que le narratif ukrainien qui a sa légitimité mais qui est nécessairement de parti pris ; comment pourrait-il ne pas l’être ? De même que le narratif russe…. Notre problème est que les analyses des médias mainstream restent au niveau de ces narratifs et ne font pas l’effort de rassembler les informations objectives de nature à nous éclairer sur la réalité de ce qui se passe, des oppositions, des enjeux. Un exemple récent encore avec les "fuites" du gazoduc Nord Stream parfaitement analysé par Natacha POLONY.https://www.youtube.com/watch?v=ZgeMAOk2xRw

Vladimir POUTINE a vécu les événements politiques russes depuis 1989. Ne reculant pas devant le paradoxe alors qu'il a fait envahir l'Ukraine il proclame que la Russie est agressée par un Occident décadent et contagieux. Il montre du doigt tout ce qui fait aujourd'hui notre « fierté démocratique » comme autant de signes de notre crise, de notre effondrement moral, de notre décadence. Il stigmatise nos « valeurs » au nom de l’intérêt supérieur de son peuple qu’il prend à témoin de même que les peuples voisins également concernés, refusant que ces valeurs envahissent et gangrènent sa Nation. Il se positionne en défenseur d'un nouvel ordre mondial :« Le monde est entré dans une période de transformations fondamentales, révolutionnaires. De nouvelles puissances émergent. Elles représentent la majorité – la majorité  ! – de la communauté mondiale et sont prêtes non seulement à proclamer leurs intérêts, mais à les défendre. Elles voient dans la multipolarité un moyen de renforcer leur souveraineté et ainsi de conquérir la liberté véritable, une perspective historique, leur droit au développement indépendant, créatif, original, à un développement harmonieux. »

Ainsi posé le débat n'est plus le même. Sans vouloir défendre Vladimir Poutine ce qui n'est pas mon propos - je récuse formellement toute interprétation contraire - ne devons-nous pas prendre cette menace au sérieux plutôt que de la réduire à une simple réaction d'Etat blessé ou en perdition ?

La confusion règne. Les problèmes posés sont complexes. Tout est mélangé, certes. On peut tout confondre. Il ne le faut pas. C'est ainsi par exemple que le fait que Vladimir Poutine s'insurge contre des évolutions sociétales que nous contestons pour certains d'entre nous ne saurait pour autant justifier son combat, la stratégie qu'il mène et les horreurs qu'il fait commettre à son armée. Mais d'un autre côté nous ne pouvons pas fermer les yeux sur cet enjeu tant il est vrai que la guerre trouve d'abord ses justifications dans des questions identitaires, nationales et civilisationnelles.

Oui, j'ai vraiment été frappé par l'ampleur des enjeux évoqués par le président russe et par leur conjonction avec notre situation et avec les menaces qui pèsent sur l'ordre actuel du monde.

Jean-François COLOSIMO dont le dernier livre souligne la nature religieuse des oppositions dont l’Ukraine fut historiquement le carrefour synthétise pour sa part ainsi l'idéologie poutinienne :

« Voyez combien il a multiplié les justifications de ses buts de guerre depuis l’invasion de l’Ukraine. Après s’être autorisé de l’ingérence humanitaire ou de la légitime défense, il est passé à la défense de la civilisation. Il a argué qu’il lui revenait de dénazifier l’Ukraine, de la libérer d’un régime illicite et belliciste, réincarnation du passé hitlérien et avant-garde d’une coalition liberticide.

Puis, il a sauté du répertoire antifasciste au registre théologico-politique. Il s’est assigné un rôle messianique à la fois saint et sacré : sauver l’orthodoxie, les religions russes et la «russité», lesquelles ne feraient qu’une et seraient simultanément menacées d’extinction. Enfin, il a déclaré la guerre totale contre l’Occident décadent, destructeur de l’humanité.».https://www.lefigaro.fr/vox/monde/jean-francois-colosimo-poutine-est-d-autant-plus-dangereux-qu-il-n-a-plus-rien-a-perdre-20220928

Comment faire l'impasse sur cet enracinement idéologique ? Comment le négliger ? … alors et surtout comme Élisabeth LEVY le faisait encore récemment observer sur CNEWS que Poutine stigmatise les symptômes d'une décadence que nous dénonçons nous-mêmes. 

Voilà qui amène à se poser la question de savoir jusqu'à quel niveau de sacrifices les occidentaux seront prêts à aller pour défendre des valeurs abstraites et absconses qui sont le réceptacle de leur impuissance civilisationnelle dénoncée par celui qu’on leur désigne comme leur ennemi irréductible. Comme le souligne, je le crains à juste titre Alexis CARRE, Vladimir POUTINE semble faire le pari que nous n'y sommes pas prêts; sa stigmatisation de ce qu'il décrit comme notre décadence relevant du défi et/ou de la partie de poker…https://www.lefigaro.fr/vox/societe/guerre-en-ukraine-les-occidentaux-sont-ils-prets-a-mourir-pour-la-democratie-20220228

Car enfin, ce que Vladimir POUTINE dénonce habilement, avec perversité et de manière machiavélique, a été stigmatisé chez nous par nombre de nos grands intellectuels depuis des décennies ! Car enfin, aujourd’hui, nos vrais intellectuels, ceux qui mobilisent leur intelligence, leur culture et leur sensibilité, sont unanimes pour dénoncer notre faiblesse morale, culturelle, religieuse et civilisationnelle ! Car enfin, on n’obtient pas d’un peuple qu’il se sacrifie si son identité et son avenir en termes de vie et de mort ne sont pas en jeu ! Car enfin, comment admettre que face à de tels enjeux nos gouvernants puissent encore chercher à satisfaire les caprices libertaires et liberticides – euthanasie, GPA, théorie du genre etc... - de leurs minorités agissantes ; minorités dont l’agitation aussi dérisoire, que lamentable, serait risible si la situation n’était pas aussi grave ? Comme s’il s’agissait de nous distraire en nous occupant pour nous détourner des risques qui nous menacent.

Oui je suis interpelé par cette conjonction entre les enjeux mis en avant par Vladimir POUTINE et la crise de notre Occident inconscient et inféodé à la lecture utilitariste des EU qui ne poursuivent quant à eux que leurs propres intérêts au prix souvent de mensonges dont nous avons déjà fait les frais au Moyen Orient. Un Occident qui a manqué l’opportunité offerte en 1991 de constituer l’Europe de l’atlantique à l’Oural que voulait le Général de Gaulle; ce que Vladimir POUTINE souligne indirectement: « Nous gardons en mémoire les années 1990, ces années terribles, de faim, de froid et de désespoir. Mais la Russie a survécu. Elle renaît, se renforce, réclame à nouveau la place qui lui revient dans le monde. »

Je ne tire de tout cela que des interrogations. Aucune certitude. Aucun parti pris. Que des inquiétudes aggravées par le fait que nous ne sommes plus gouvernés que par des girouettes sans intelligence stratégique qui  plutôt que d'écouter leurs services secrets subissent les pressions de leurs opinions publiques elles-mêmes manipulées par des médias mainstream sans aucune objectivité…

Notre Europe, dont les nations ont pour certaines d’entre elles tendance à se réveiller, est un baril de poudre !... Puissent nos saints et nos anges veiller sur elle et sur nous ! Mon Dieu que la situation est complexe ! Que les nœuds reliant les événements sont fragiles, ténus et dangereux ! Il faut toutefois se dire qu’ils restent en même temps sous la garde de la Providence ; cet impénétrable guide de l’humanité au cœur de ses tribulations …

Prière et discernement dans le traitement des informations sont plus que jamais nécessaires en même temps que la détermination à « être » contre vents et marées…, à la condition toutefois de savoir encore ce que « être » signifie ! Vladimir POUTINE pour sa part a sa petite idée … 

Que nous réserve l'avenir? Quels présages?

 

1 commentaire:

  1. Tout est dit, et bien dit.
    Je crains pour ma part que le seuil bénéficiaire véritable à terme soit les USA. Et que le principal perdant soit l’Europe puissance, renvoyée aux calendes grecques…
    Quant à la Providence, elle ne peut pas nuire…
    CR

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