Basculons-nous dans une société de la défiance ?
Demander pourquoi on ne fait plus confiance nécessite de
s’interroger sur la nature de la confiance et des raisons pour lesquelles on
fait confiance. Peut-être même faut-il se demander pourquoi on a besoin de
faire confiance…
Le sociologue Georges Simmel considère que la
confiance est la force de synthèse la plus importante de la vie en société.
L’homme a besoin de faire confiance pour faire société, pour vivre en commun.
Pourquoi ? Parce que seul il ne peut pas résoudre tous les problèmes que lui
pose la vie en société. D’ailleurs le même Simmel a écrit : « celui qui sait
tout n’a pas besoin de faire confiance ; à l’inverse celui qui ne sait rien ne
peut raisonnablement même pas faire confiance ».
Ainsi donc nous avons besoin de faire confiance par ce
que nous sommes limités et imparfaits, parce que nous avons besoin du concours
et du soutien d’autrui.
Dans nos relations avec les autres on peut distinguer
la confiance en amitié ou en amour et la confiance sur un plan économique,
politique ou professionnel qui se conçoit en termes d’échanges, d’intérêts et
de réciprocité.
La confiance en amitié ou en amour est extrêmement
tributaire du facteur personnel, du sentiment, plus encore bien sûr en amour
qu’en amitié. On n’y calcule peu. On ne réfléchit pas toujours. L’échec de la
relation amicale ou amoureuse résulte d’ailleurs assez souvent de ce manque de réflexion
rationnelle venant soutenir ou accompagner le sentiment.
Les anglo-saxons distinguent le trust consistant à « se
fier à » et la reliance consistant à « compter sur ».
Se poser la question de la fiabilité de la personne en
qui on va faire confiance en même temps que de savoir pourquoi on va lui faire
confiance sont deux questions distinctes et complémentaires. Et d’ailleurs dans
la relation nouée par exemple avec des professionnels comme un avocat ou un
médecin on constate cette dualité. On fait parfois confiance à un avocat qui
n’est pas réellement fiable et inversement on va parfois ne pas pouvoir faire
confiance à un avocat pourtant particulièrement fiable. Nous retrouvons ainsi une
notion irrationnelle comme dans la relation amoureuse ou amicale même si ce n’est
pas à la même échelle.
À ce stade on peut encore signaler la confiance
aveugle des enfants pour leurs parents ou celle de l’élève comme de l’étudiant
à l’égard de son maître ou de son professeur même si une dégradation doit être
relevée qui tient au fait qu’un autre tiers détenteur de savoir au surgi sur le
net.
On peut aller un peu plus loin encore en considérant que
l’on fait très souvent confiance de manière à se rassurer. Il y a une forme
d’opposition entre la confiance et la peur. La peur nous enferme sur
nous-mêmes. La confiance nous ouvre aux autres et au monde.
Il faut aussi prendre en considération le fait que cette
relation de confiance que l’on noue avec les autres nous fait dépendre d’eux.
C’est une forme de saut dans le vide ; en tous les cas de pari qui nous expose
à la trahison et à l’infidélité ; d’où la nécessité de soutenir le choix
de manière rationnelle et de se confier à une personne fiable dans quelque
domaine que ce soit. (Si l’on pense à la relation amoureuse on évoque
inévitablement le conseil par exemple des parents ou des amis qui vont juger la
personne aimée de manière parfois plus objective que l’amoureux ou
l’amoureuse).
Montaigne a résumé beaucoup de ce que je viens d’écrire
avec cette belle formule : « la confiance est le seul moyen de communiquer nos
pensées et nos volontés ».
Voilà ce que l’on peut dire à mon sens sur la
confiance et les raisons pour lesquelles on est amené à faire confiance.
Quels sont les éléments de réponse que nous pouvons
dès lors apporter à la question de savoir pourquoi les hommes peuvent avoir
tendance à moins faire confiance à notre époque ?
Je vous propose de recenser un certain nombre de
facteurs plus ou moins importants qui me semblent de nature à orienter notre
réflexion et à expliquer notre perte de confiance en la confiance...
1. La
grande hétérogénéité de la population de nos sociétés contemporaines ; elle
fait que naturellement nous avons une appréhension à faire confiance en un
certain nombre des personnes avec lesquelles nous vivons.
2. La
diminution des interactions physiques entre les personnes. Le monde est de plus
en plus virtuel. On se voit, on se parle de moins en moins. Or la dimension
irrationnelle de la confiance résulte du contact physique entre les personnes
sans lequel leurs esprits ne peuvent pas se reconnaître et se rencontrer.
3. L’affaiblissement
des familles. La famille traditionnelle, stable, est une construction sociale
édifiée sur la confiance. Elle est un exemple vivant de confiance. Cas pratique
de la confiance à l’œuvre, en action. Dès lors que la confiance existe moins
dans une relation familiale fragilisée les hommes et les femmes se font moins
confiance.
4. Le
dysfonctionnement de nos institutions et la perte de crédit des élites. Ce
facteur est à l’évidence déterminant quant à l’absence de confiance dans nos
institutions, dans la politique, dans la gestion du commun par ceux qui nous
dirigent.
5. L’intrusion
croissante de l’État qui prend tout qui s’occupe de tout qui tente et peut tout
faire y compris notre bonheur. Il est évident que cela n’est pas de nature à
inciter les êtres humains à se faire confiance. Ils vont au contraire chercher
à s’appuyer sur le Léviathan moderne…
6. Le
rôle des médias. Cette caisse de résonance exacerbe tout et particulièrement ce
qui ne va pas et les raisons pour lesquelles on ne doit pas on ne peut pas
faire confiance. On ne cesse d’insister sur tous les incidents qui grèvent la
relation de confiance c’est-à-dire la trahison et l’infidélité.
7. Le
déclin de la religion traditionnelle de notre pays. Objectivement nous l’avons
vu la confiance repose sur la foi et même si évoquant la relation aux autres il
ne s’agit pas de la foi en Dieu la matrice de la vie chrétienne en société est
propice à la confiance et inversement…
Voilà qui nous amène à la question de la foi en Dieu
et de la crise de la foi en Dieu. Car dans confiance il y a fides c’est-à-dire
la foi.
Lorsque l’on a la foi en Dieu la question de la
confiance ne se pose pas ; elle est automatique, implicite,
inconditionnelle. On croit et on a nécessairement confiance en ce Dieu en qui
on croit. La question est celle de savoir si on croit ou pourquoi on ne croit
pas.
Et là arrive en boomerang la question de la confiance
car très souvent la question de savoir si on a ou on n’a pas la foi est
déterminée par celle du manque de confiance en ce Dieu dans lequel on n’arrive
pas à croire pour des raisons qui tiennent principalement à la question du mal
que l’on ne sait pas résoudre ou accepter.
D’ailleurs lorsque Jésus-Christ interpelle ses apôtres
ou ses fidèles il pose immédiatement la question de la foi en termes de
confiance. C’est Pierre qui ne parvient pas à marcher sur l’eau sans s’enfoncer
parce qu’il n’a pas confiance. « Homme de peu de foi » !...
Ainsi donc croire conduit à faire confiance.
Mais le manque de confiance alimente le doute et donc
la perte de confiance. Le doute contemporain s’expliquerait-il par notre perte
de confiance en la confiance ?... Et réciproquement ?...
L’explication qui selon moi éclaire de manière complémentaire les éléments
de réponse proposés réside dans notre refus d’accepter nos limites. Pour
faire confiance il faut admettre que l’on est imparfait et dépendant par
nature... Voilà qui n’est pas tout à fait dans l’esprit du siècle...
Il est difficile de répondre de manière définitive à cette question, car la confiance est un concept complexe qui dépend de nombreux facteurs. Cependant, voici quelques raisons potentielles pour lesquelles les gens pourraient avoir moins confiance de nos jours :
Scandales et corruption : Les scandales dans le monde des affaires, la politique, les institutions religieuses et autres domaines ont conduit à une perte de confiance générale. Lorsque les personnes en qui nous avons mis notre confiance se révèlent malhonnêtes ou corrompues, cela peut ébranler notre confiance dans le système dans son ensemble.
Diffusion d'informations fausses ou trompeuses : L'essor des médias sociaux et des plateformes en ligne a facilité la diffusion rapide d'informations, mais cela a également ouvert la porte à la désinformation et aux fausses nouvelles. Lorsque les gens sont confrontés à un flux constant d'informations contradictoires, il peut être difficile de déterminer ce qui est vrai, ce qui peut entraîner une perte de confiance dans les sources d'information.
Évolution des relations interpersonnelles : Les changements dans la façon dont nous interagissons les uns avec les autres peuvent également avoir un impact sur la confiance. Les relations sont de plus en plus numérisées, ce qui signifie que nous pouvons avoir moins d'interactions en face à face et nous fier davantage aux communications en ligne. Cela peut rendre plus difficile l'établissement d'une confiance mutuelle.
Expériences personnelles négatives : Les expériences individuelles jouent un rôle important dans la construction de la confiance. Si quelqu'un a vécu des trahisons, des déceptions ou des abus dans le passé, il peut être plus difficile pour cette personne de faire confiance à nouveau. Les expériences négatives peuvent laisser des cicatrices émotionnelles durables et influencer la confiance future.
Complexité croissante du monde : Le monde d'aujourd'hui est de plus en plus complexe, avec des défis tels que les crises économiques, les problèmes environnementaux, les conflits politiques, etc. Cette complexité peut susciter de l'incertitude et de l'anxiété, ce qui peut affaiblir la confiance envers les institutions et les dirigeants chargés de résoudre ces problèmes.
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