Lorsque les nuages s’accumulent formuler des vœux dans un billet de réflexion politique culturelle et religieuse est un exercice délicat.
Les années passant je me rends à l'évidence que cela peut
apparaître d'une grande vanité en même temps que velléitaire tant il fait
toucher du doigt le paradoxe d’une politique en trompe l’œil jouant au
bonneteau avec ce qui fonde la civilisation.
Mais nous devons « faire avec… », dans un
univers contraint. Le Président de la République ne changera pas. La guerre
restera à nos portes. ChattGPT et l’IA ne lâcheront pas prise sur nos vies
quotidiennes et sur nos enfants. Le terrorisme islamique frappera encore. Le
délitement du tissu de notre civilisation ne va pas se retourner du jour au
lendemain. L'Eglise de Rome ne se réformera pas comme par un coup de baguette
magique du paraclet même si celui-ci a la puissance du Dieu dont il est l’une
des trois personnes. Nous ne referons pas le monde. Non.
Nous nous exposons de plus en plus aux risques de l'isolement des fausses
certitudes, de l’autojustification dans des chapelles individuelles, idéologiques,
communautaires ou médiatiques et de la croyance en notre pouvoir d’influence.
La lucidité ne doit pas pour autant nous conduire à la résignation.
Il ne s'agit pas de baisser les bras. Pas plus que de céder ni à un optimisme
béat ni à un pessimisme désastreux. Georges Bernanos n'a-t-il pas écrit de
manière très juste que « le pessimiste et l'optimiste s'accordent
à ne pas voir les choses telles qu'elles sont. L'optimiste est un imbécile
heureux, le pessimiste, un imbécile malheureux » ?
Le millénarisme de nos sociétés occidentales avancées –
qui se jettent aveuglément dans les bras d’hérésies pourtant démasquées depuis
bien longtemps par l’Eglise catholique - nous a convaincus d'un pouvoir
illusoire : celui de l'idéal démocratique, non qu'il faille supprimer la
démocratie – ce n’est ni le sujet ni le moment - mais il faut rompre avec la
crédulité en notre capacité de refaire le monde, les autres, la cité, la morale,
la religion, le bonheur. Le pouvoir politique du citoyen en démocratie n'est
qu'illusion. La saga démocratique quasi religieuse que l’on nous ressasse avec
toujours plus d’insistance n’est qu’un écran de fumée. Non, nos prochains votes
ne changeront pas le monde. Ils ne rendront pas la vie meilleure. Ni les
sondages. Ni je ne sais quelle chaine d’information orientée. Ni je ne sais
quelle femme ou quel homme providentiel.
Si rien ne peut nous empêcher d’avoir des avis - et il le faut! - encore
faut-il que ceux-ci soient orientés vers des actions concrètes ou des exercices effectifs
de pouvoirs quels qu’ils soient ou encore vers la préparation réfléchie du lendemain.
Alors, face à cette difficile équation que peut-on sérieusement
et sincèrement se souhaiter ? Quels vœux puis-je formuler à notre
intention commune de citoyens français en attente de sécurité, de liberté
civile et de bien commun assuré ?
La vérité est dans nos fors internes. Au niveau
personnel. Déjà écrit ? Il faut savoir se répéter. Insistons, développons.
Le plus important n’est-il pas notre destin personnel quelles que soient les vicissitudes du temps et de l'espace ? Nous n'avons plus conscience du fait que nos destins dépassent, outrepassent et transcendent le contexte relatif de nos vies. Disparition de l’âme. Perte du sacré. Surexposition du moi.
N'est-il pas désespérant de tout miser sur des changements conjoncturels qui ne viennent pas, sur des progrès qui n’existent que dans les programmes de machines à attraper les électeurs, sur des utopies qui ne sont qu’autant de baudruches gonflées à l’air de la démagogie et d’être ainsi réduits à un inéluctable désespoir ?
Nos vies valent plus et mieux que ces marchés d’illusions et que
cette crédulité entretenue pour nous détourner de notre véritable sujet :
nous-mêmes, notre conscience, notre devenir d’êtres humains non exclusivement
consuméristes et lourds du poids de leur destin au-delà du temps !
Rappelons-nous ce dialogue déjà maintes fois évoqué entre
sainte Teresa de Calcutta et un journaliste.
« Mère Teresa, qu’est-ce qui doit changer
dans le monde ? » pose un journaliste.
Réponse : « Vous et moi ».
Le journaliste poursuit : « Vous avez 70 ans.
Quand vous mourrez, le monde aura exactement la même apparence qu’avant.
Qu’est-ce qui va bien pouvoir changer après tous ces grands efforts ? »
« Vous savez, lui répond Mère Teresa, je n’ai
jamais cru que j’étais capable de changer le monde. J’ai seulement essayé
d’être une goutte d’eau propre dans laquelle l’amour de Dieu peut se refléter.
Vous trouvez que cela ne suffit pas ? »
Le silence s’installe. Profond. Pénétrant. En nous. Sur
nous, et sur ceux qui nous sont proches. Le silence de nos châteaux intérieurs
dans lesquels nous sommes seuls maîtres.
Georges Bernanos, encore lui, considérait qu’il fallait
refaire des hommes libres. La politique est un instrument de redressement
illusoire si nous ne commençons pas par là.
Tout est toujours à recommencer. Recommencer donc par le
... commencement… Sans illusion ni prétention, avec pragmatisme et lucidité. Chaque
matin remettre le métier sur l’ouvrage.
Relisons Charles Péguy : « J'ai vu toute mon
enfance rempailler les chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de
la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales ».
Je vous souhaite de retravailler l’ouvrage de vos vies sur
le métier du destin, comme si chaque jour de 2024 était une page blanche. Non
avec égoïsme, mais avec cette certitude que vous entreprendrez la tâche sans
cesse renouvelée de la vie commune en société qui est autant un trésor qu’un
chemin de damnation selon qu’on l’aborde de manière active ou subie, consciente
ou aveuglée par les mirages du temps. Chemin de lumière s’il en est. Parce que,
comme l'écrivait Saint Grégoire de Nysse « une fois débarrassé de la
rouille qui cachait sa beauté, le cœur retrouve l'image première et sera bon. Rien
ne peut ressembler au bien sans être bon. » Notre âme n’est qu’un miroir !
A nous de faire en sorte qu’elle rayonne autour de nous. Que vouloir de mieux
alors que les ténèbres semblent envahir notre quotidien commun ?
Je vous souhaite encore de vous en remettre à la Providence, non par faiblesse ni fatalisme, mais par amour de ce qu’il vous est donné de vivre !
Hauts les cœurs !
Bonne et heureuse année !
Puisse cette année nous permette d’accéder au Vrai, au Beau, au Bon, au Juste…
RépondreSupprimerCher Monsieur
RépondreSupprimerJe vous remercie de vos réflexions partagées au fil des semaines et je vous souhaite, moi aussi, une sainte année nouvelle.
Merci pour le partage de l'interview de Mère Teresa! fr. Gilles