Je rentre d'un voyage dans le Rajasthan.
J'éprouve des difficultés pour évoquer ce voyage et formuler des réflexions pertinentes, intéressantes et utiles à la réflexion. Est-ce parce que je l'ai fait en tant que curieux oisif, soucieux de vampiriser les recherches culturelles qui s'offraient à moi pour me divertir, ou parce que je n'ai pas voulu ou su ouvrir les yeux sur la réalité qui m'était offerte ? Choc ou barrage des civilisations ? Des mentalités ? Des cultures ? Il est si délicat de juger ce qui se passe ailleurs avec nos yeux d’occidentaux égocentrés, faussement et prétentieusement universalistes.
Inaptitude donc à percer les mystères de ce monde inconnu et lointain autant
géographiquement que culturellement. Impression dont la caricature est exprimée
par mon image pas très fier de moi-même si je tentais de sourire, installé sur
un Cycle Pousse, Rickshaw sur 3 roues, péniblement actionné par un Indien
pédaleur trainant mon quintal et mon épouse dans le bazar coloré de la vieille
ville de Jaipur!
D’autres images me viennent à l'esprit. Quelques clichés
que je vous livre en guise d’aphorismes…
Il y a bien sûr celles architecturales, religieuses et culturelles d'une civilisation qui, comme la nôtre plonge ses racines loin dans le passé, et qui, comme la nôtre, a connu l'invasion des huns, les mêmes que nous, ainsi que les conflits avec le monde islamique, comme nous. Un patrimoine dont j'ai apprécié la beauté mais que je n'ai pas aimé. Sans doute est-ce là le fruit de l'éloignement entre nos deux civilisations qui ne m'a toutefois pas empêché de constater et d’admirer toute l'énergie collective concentrée sur la réalisation de monuments fastueux à la gloire des régnants comme à la gloire des créations de la spiritualité hindoue ou en hommage aux morts. Des dimensions qui ont disparu chez nous et dont je ne sais pas dire quel est le niveau d'imprégnation actuel dans la société indienne moderne.
Celles de la rue bien sûr avec ces vaches, ces chiens,
ces étales de légumes exposés au nuage étouffant des gaz d’échappement de véhicules
pétaradant et klaxonnant. Et puis la pauvreté, les mains tendues, les regards
implorants. La misère est prégnante. Mais l'atmosphère est active,
entreprenante. Il n’y a pas de résignation. On sent une ébullition qui devrait -pourrait ?
- se traduire par un ruissellement concret au profit de beaucoup.
Des chantiers partout ! Étonnants par la diversité
des ouvriers, car on retrouve des manœuvres sur tous ces chantiers, efficaces,
actifs, travaillant à l’entreprise commune, nationale. Le progrès économique est
la marque incontestable et actuelle de la nation la plus peuplée au monde. J'ai
à cet égard été étonné par le nombre de touristes indiens qui visitaient comme
nous les monuments du Rajasthan. C'est donc bien que cette population s’enrichît
... ; et manifestement nous ne côtoyions pas une population particulièrement
riche ou privilégiée. C’était la couche supérieure certes, puisque capable de se
payer un voyage, mais une classe de gens comme vous et moi.
Les clichés donc d’une population encore dans la misère
pour une grande partie d'entre elle mais qui a été gagnée par la technologie et
qui dorénavant est connectée à la planète entière, comme une grande partie du
reste du monde … Étonnante, brutale immixtion de la technologie dans un
monde qui semble encore arriéré voire sous-développé. Des téléphones portables font tache dans les mains de femmes ou d’enfants préparant des briques
de bouses de vaches encore abondamment utilisées dans la vie quotidienne !
Paradoxe dont je ne parviens pas à mesurer les impacts nécessairement
dévastateurs ici comme ailleurs, ici plus qu’ailleurs ?
Le moment particulier de notre trajet dans un train qui
traverse l'Inde de part en part sur 3 jours ; nous y avons passé 3 h au
cœur d'une vie commune étonnante, très loin des clichés ; bonne humeur,
échanges, sourires, convivialité. Nous n’étions pas dans la classe la plus
économique mais pas non plus la plus luxueuse… Mon voisin s’endormit sur mon
épaule pendant que son épouse habillée de manière traditionnelle se nourrissait
de manière frugale. Rien à voir avec nos tgv…. Où est la violence indienne ?
Comment s’y retrouver ?
La confrontation avec l'islam n'est pas nouvelle en Inde.
Elle a connu comme nous d'innombrables confrontations historiques avec le
mouvement islamique. Ici l'islam qui se développe ne semble pas encore être
marqué du sceau de l'intégrisme islamique ; il n'en reste pas moins qu'il
y est triomphant et qu'il s'y développe. Face à lui, l'hindouisme résiste mais
ici comme ailleurs la courbe est peut-être en train de s'inverser ... Ce n'est
pas le grand amour... loin sans faux ! L'hindouisme ne veut pas céder un
pouce. On construit des mosquées certes, mais à côté encore plus de temples
hindous comme par défi.
L’indouisme enfin donc. Qu’en penser ? L’honnêteté m’oblige
à dire que nous n’avons pas été témoins du paradoxe de cet indouisme épris de
pacifisme mais cadre d'une vraie violence dans les rapports familiaux, sociaux et
politiques. Il est encore très présent. Quelle en est l’implication ? Je
ne puis l’apprécier pour les raisons déjà évoquées. Je suis en grande partie
resté sur ma faim.
L’Asie est un continent qui nous défie. Jusqu’où ? A
côté de son grand rival la Chine fortement marquée par son communisme caméléon,
l’Inde est en mutation. Je retiens la nécessité d’approfondir notre
connaissance de ce grand pays pour le comprendre alors qu’au cœur des BRICS cet Etat de près de 1,5
milliard d’âmes, fort d’une identité prégnante et ambiguë, s’apprête à jouer un
rôle majeur sous l’impulsion d’un premier ministre dont la laïcité selon nos
codes n’est pas la caractéristique première mais dont l’intelligence politique
n’est pas une illusion.
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