J'ai récemment été ébahi de constater chez un ami intelligent et informé combien nous étions intoxiqués par le bourrage de crâne qu'on nous impose à propos de la guerre en Ukraine. Je remercie mon ami le Général Christian Raviart d'avoir bien voulu écrire ce billet qui permet d'avoir un avis éclairant de la part d'un militaire expérimenté et de haut rang.
Bonne lecture!
La guerre en Ukraine préoccupe les pays européens et l’ensemble du monde occidental depuis bientôt trois ans… Chacun s’en fait son idée, souvent façonnée par les médias et les experts des plateaux télé…
Il est irréfutable que dans cette affaire, il y a un agresseur : la Russie, et un agressé : l’Ukraine. Pour autant, quel est le processus qui a conduit le président Vladimir Poutine à agresser son voisin et cousin ukrainien ?
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A l’évidence, l’Europe a raté un rendez-vous historique majeur lors de l’effondrement de l’URSS : celui de constituer « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » appelée de ses vœux par le général de Gaulle… Mais l’émergence d’une telle superpuissance économique aurait fait de l’ombre à la première puissance mondiale historique, soucieuse de conserver sa place et préoccupée davantage par une Europe ouverte à ses produits qu’à une Europe concurrente (Cf. L’ami américain d’Éric Branca)…
De 1991 à la première décennie 2000, bien des aléas se sont produits en Russie et dans les anciens pays soumis, concomitants cependant, en dépit des sanctions occidentales, d’une véritable remontée en puissance de l’économie de la Russie, de son industrie et de son armée…
Or, les pays de l’ex-URSS, sous le joug des soviétiques pendant soixante-dix ans, n’ont jamais envisagé d’assurer leur sécurité en dehors du parapluie américain, et leur tropisme otanien les a conduits, en dépit de la disparition du pacte de Varsovie et des propositions avérées de Poutine de constituer une alliance nouvelle, à céder aux sirènes d’outre Atlantique… Et contrairement aux engagements de l’administration américaine, l’OTAN a progressivement repoussé vers l’Est sa zone d’influence, jusqu’à atteindre une limite peu acceptable pour la Russie. Rappelons-nous à cet égard l’affaire des missiles soviétiques à Cuba en 1962…
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Si l’agresseur du 24 février 2022 est bien identifié, on ne peut pas passer sous silence les mesures vexatoires prises par le régime ukrainien à l’encontre des minorités russophones du Donbass, ni les agressions certes « mineures » mais bien réelles et dont le bilan de plusieurs dizaines de milliers de morts de 2014 à 2022 est documenté. On ne peut pas davantage mettre sous le tapis la réalité de l’entrisme des USA, soucieux d’éliminer le concurrent russe de la compétition économico-stratégique mondiale afin de pouvoir se consacrer totalement à la « maîtrise » de la Chine, son seul véritable alter-ego. La Grande Bretagne et les pays européens étant inféodés de facto voire de jure à l’oncle Sam par l’intermédiaire des institutions européennes, Commission en tête.
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Il semble clair que sans l’appui décisif des forces occidentales, l’Ukraine aurait été rapidement écrasée. L’équipement et la formation des unités étant au demeurant de longue date un souci américain, le choc de l’attaque du 24 février s’inscrivait dans un processus d’alimentation « à la demande » des armées ukrainiennes, notamment depuis l’annexion de la Crimée, dont au passage il ne me semble pas inutile de souligner la réalité russe et russophone depuis Catherine II, et qui a été « donnée » à l’Ukraine par son « grand frère », l’URSS, très généreuse pour ses vassaux, comme chacun sait…
A cet égard, la question peut se poser de savoir pourquoi l’annexion de la Crimée en 2014 (décidée après un « référendum ») n’a-t-elle pas été acceptée par la communauté internationale à l’instar de l’appropriation de la moitié nord de Chypre par la Turquie (membre de l’OTAN) en 1974 ?… Pourquoi une telle différence de traitement ?
Et aujourd’hui, après bientôt trois ans de guerre, après plusieurs centaines de milliers de morts, n’est-il pas temps de se mettre autour d’une table et de trouver une porte de sortie à cette crise ? On ne fait la paix qu’avec ses ennemis ! Il faudra donc bien que Poutine et Zelenski s’assoient face à face, même de part et d’autre d’une longue table de type Covid…
C’est malheureusement sans compter sur le club des politiciens atlantistes et européistes alarmistes et autres va-t-en-guerre de tout poil, soi-disant experts, parfois anciens titulaires de hauts postes otaniens, qui lubrifient sans vergogne cet engrenage mortifère que les prochaines élections présidentielles pourraient cependant bientôt gripper. N’oublions pas que quelques mois après le déclenchement du conflit, le président Zelenski était prêt à négocier sur la base des accords de Minsk et que le Premier ministre britannique Boris Johnson l’en a dissuadé en lui promettant toutes les armes du monde…
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Zelenski ne peut pas gagner. La récupération de la Crimée est un vœu pieux, celle du Donbass, complétement russifié désormais, également. La fuite en avant des pays membres de l’OTAN et de ses affidés ne peut aboutir qu’à une impasse ou à une catastrophe mondiale. Alors que les Russes n’ont à l’évidence ni la volonté ni les moyens humains d’étendre leur empire (cf. Emmanuel Todt : la défaite de l’Occident), l’alternative est la suivante : soit une négociation est engagée, et c’est sans doute la sagesse que d’y songer après bientôt trois années de souffrances, de destructions, de sang et de larmes ; soit un cessez le feu est décidé et une ligne « à la coréenne » est tracée pour séparer les belligérants…
Il est temps d’arrêter cette folie !
Christian RAVIART
Général de division (2s)
Parfaitement d'accord . La pensée Gaulliste en géopolitique fait toujours référence et nous sommes manipulés.
RépondreSupprimerLe conflit perdure à cause du comportement impérialiste de la commission européenne .
RépondreSupprimerAprès avoir attirés et tenant maintenant captifs financièrement ,une grande partie des pays de l'ex URSS, elle veut étouffer la Russie , qu'elle considère toujours ,sous la pression de l'anticommunisme primaire grand-breton,comme un ennemi.
Sans parler (ce qui ne se dit jamais au grand jour) d'un "règlement de comptes" , entre les conceptions societales " wokistes et autres libéralités de mœurs " occidentales ,et celles , plus traditionnelles , dont la Russie se proclame la garante et le refuge !
Là réside d'ailleurs ,peut-être, la véritable cause profonde de ce drame humain ?