Eric
DUPONT MORETTI a-t-il franchi les limites?
Il
a obtenu le report du dossier TRON devant la Cour d'assises en violant un des
principes les plus anciens et les plus fondamentaux de l'institution
judiciaire: "LA FOI DU PALAIS" et le secret qui la couvre.
La
défense voulait récuser le Président de la Cour d'Assises. C'était son droit.
Son combat était légitime au regard de toutes les informations dont on dispose
et de la mise en scène détestable de ce procès. Pour y parvenir elle pouvait
employer tous les moyens lors des débats et par exemple faire ressortir et
prouver son manque d'impartialité, y compris de manière violente et
intransigeante. Car la défense pénale est un combat, et parfois un combat de
l'extrême... Mais elle ne s'est pas contentée de ces moyens habituels....
Notre
médiatique confrère a provoqué un incident dont voici la relation par la presse:
Ce
faisant il a enfreint une règle ancestrale qui constitue une garantie
fondamentale de la pratique judiciaire. Hasard des circonstances, dans une
interview récente les futurs Bâtonnier et Vice-Bâtonnier du Barreau de Paris en
rappelaient la nécessité:
La
discipline et le retour de la confraternité. - "Nous
déplorons, comme bon nombre d'avocats, un trop grand nombre d'incivilités dans
les relations entre les confrères ou avec les magistrats. Il faut retrouver la
confraternité et la foi du palais. Cela passe par une discipline forte, un
rappel des règles et une volonté farouche de ne pas laisser impunis des
comportements déviants et les manquements à notre déontologie."
Dans
un secret partagé et protecteur, la FOI DU PALAIS permet aux avocats et aux
magistrats de se parler en confiance des problèmes soulevés, des difficultés
rencontrées, de leurs impressions, de leurs point de vue; elle a souvent permis
de solutionner des incidents toujours possibles eu égard à la difficulté et la
tension des débats devant une Cour d'Assises. Il en est ainsi de ces
conversations provoquées par le Président d'une Cour d'Assises, l'Avocat
général ou les avocats des parties, dans le secret du bureau du premier nommé.
Contrairement
à ce que certains semblent croire, y compris chez les avocats - j'ai été
stupéfait de le constater à cette occasion - la "foi du palais" n'est
pas réservée aux conversations entre avocats. Elle n'est pas non plus
l'occasion de sordides marchandages ou de deals entre avocats et magistrats
comme les mêmes semblent le penser! Elle est un moyen d'échanges apaisés,
déchargés du poids de la publicité des débats judiciaires afin de chercher des
solutions à certaines problématiques, voire même d'échanger sur le dossier
librement, sans pour autant tomber dans la connivence ou l'arrangement. Elle
est le fait de gens de justice capables de s'extraire de la passion des débats,
de se situer au-delà, au-dessus de ce qui les contraint et les entraine dans le
débat judiciaire au travers des exigences de leurs missions respectives. Il
s'agit d'aider à la poursuite du débat judiciaire en l'apaisant ou en le
remettant sur ses rails. Exercice sans doute difficile et parfois périlleux
elle est utile et nécessaire.
Certains
répondront qu'elle peut être un leurre dangereux, surtout dans un dossier
d'assises pour l'avocat de la défense confronté aux exigences de la défense de
leur client. Auquel cas il revient aux avocats de rester prudents et réservés
jusqu'à l'abstention s'ils craignent le piège du leurre. Mais peuvent-ils
trahir la confiance inhérente à cet échange particulier et secret en y
participant et ensuite en s'en servant et en divulguant publiquement le
contenu?.... Le tort du Président dans le cas d'espèce ayant été d'accepter de
rentrer dans le piège que lui tendit notre confrère, orfèvre en la matière, en
l'interpellant publiquement au sujet de ce qui avait été dit sous le sceau de
la ... foi du palais....
Un
ami très cher me rappelait que le procès pénal est un authentique conflit de
loyauté. L'avocat doit pouvoir tout mettre en œuvre pour faire triompher
l'innocence de son client? Tout? Peut-il aller jusqu'à enfreindre un
principe consacré par la pratique judiciaire et sa déontologie?
En
violant ce pacte fondateur de la sérénité judiciaire et de sa loyauté, notre
confrère vient de créer un précédent d'une extrême gravité avec la complicité
passive d'un Président maladroit...
Dans
un contexte où la confiance n'est pas toujours partagée entre deux corps qui
vivent des relations souvent difficiles, cette atteinte au secret des
discussions sous la foi du palais risque de nous mettre dorénavant dans
l'impossibilité d'user de cette pratique pacificatrice, empreinte de loyauté,
dégagée de la pression de l'audience et de ses enjeux procéduraux.
Ce
précédent peut avoir des conséquences irréparables ! La défense ne peut
s'exercer que dans le cadre défini par les principes fondateurs, sans pour
autant devenir une défense complice, ca il ne s'agit pas de transiger ou de
pactiser avec le diable si tel est le cas....
Nous
sommes tous concernés...
Eric
DUPONT MORETTI a-t-il trahi sa profession?
J'ai
tendance à le penser, la mort dans l'âme, sans animosité à l'égard de sa
personne. J'ai eu la chance de le rencontrer en dehors du palais dans un
contexte ludique qui lui est cher, nous avons partagé les joies d'une passion
commune. J'admire son talent. Je l'ai entendu plaider de manière admirable.
Mais le talent n'excuse pas tout et surtout n'autorise pas tout! Aquitator
emprunterait-il les traits de terminator?...
Il
y a des limites.... que manifestement il ne veut pas se fixer!
L'avocat
n'est ni un franc tireur ni un tueur à gages, et encore moins un justicier. Il
doit rester un auxiliaire intransigeant d'une justice qui le transcende
sans en être pour autant ni la caution ni la bonne conscience.
Maitre, je comprends votre inquiétude, sinon indignation mais c'est ainsi, les choses vont.... En la matière on peut d'ailleurs s'interroger vu le peu de réaction de l'institution sur la réalité, de ce manquement à la déontologie de l'avocat, j'ai l'impression que ce renvoi à retiré une belle épine du poed du Juge, de là à penser qu'il y a eu connivence sinon concertation, il y a une marche ....que je franchirais pas !
RépondreSupprimerAnne Bader
Expert Judiciaire
bader.anne@orange.fr
Manque de déontologie, certes, et de la part d'un avocat, c'est inquiétant...
RépondreSupprimerMais que dire de la violation du secret de l'instruction devenue apparemment monnaie courante pour certains magistrats ?, que penser en outre du "mur des cons", etc.
Et de la part de certains représentants de la Nation violant le secret d'une séance à huis clos de la commission de la Défense nationale ?, et de la réaction en chaîne qui s'est ensuivie, pour le moins consternante...
A vrai dire, je crois que c'est l'ensemble de notre système qui est corrompu, et qu'il conviendrait de faire un vaste aggiornamento de notre corpus de valeurs mis a mal il y a bientôt 50 ans...
Bien à toi Bernard
CR