dimanche 17 décembre 2017

ERIC DUPONT MORETTI A-T-IL TRAHI LES AVOCATS?



Eric DUPONT MORETTI a-t-il franchi les limites?

Il a obtenu le report du dossier TRON devant la Cour d'assises en violant un des principes les plus anciens et les plus fondamentaux de l'institution judiciaire: "LA FOI DU PALAIS" et le secret qui la couvre.


La défense voulait récuser le Président de la Cour d'Assises. C'était son droit. Son combat était légitime au regard de toutes les informations dont on dispose et de la mise en scène détestable de ce procès. Pour y parvenir elle pouvait employer tous les moyens lors des débats et par exemple faire ressortir et prouver son manque d'impartialité, y compris de manière violente et intransigeante. Car la défense pénale est un combat, et parfois un combat de l'extrême... Mais elle ne s'est pas contentée de ces moyens habituels.... 

Notre médiatique confrère a provoqué un incident dont voici la relation par la presse: 


Ce faisant il a enfreint une règle ancestrale qui constitue une  garantie fondamentale de la pratique judiciaire. Hasard des circonstances, dans une interview récente les futurs Bâtonnier et Vice-Bâtonnier du Barreau de Paris en rappelaient la nécessité:


La discipline et le retour de la confraternité. - "Nous déplorons, comme bon nombre d'avocats, un trop grand nombre d'incivilités dans les relations entre les confrères ou avec les magistrats. Il faut retrouver la confraternité et la foi du palais. Cela passe par une discipline forte, un rappel des règles et une volonté farouche de ne pas laisser impunis des comportements déviants et les manquements à notre déontologie."

Dans un secret partagé et protecteur, la FOI DU PALAIS permet aux avocats et aux magistrats de se parler en confiance des problèmes soulevés, des difficultés rencontrées, de leurs impressions, de leurs point de vue; elle a souvent permis de solutionner des incidents toujours possibles eu égard à la difficulté et la tension des débats devant une Cour d'Assises. Il en est ainsi de ces conversations provoquées par le Président d'une Cour d'Assises, l'Avocat général ou les avocats des parties, dans le secret du bureau du premier nommé. 

Contrairement à ce que certains semblent croire, y compris chez les avocats - j'ai été stupéfait de le constater à cette occasion - la "foi du palais" n'est pas réservée aux conversations entre avocats. Elle n'est pas non plus l'occasion de sordides marchandages ou de deals entre avocats et magistrats comme les mêmes semblent le penser! Elle est un moyen d'échanges apaisés, déchargés du poids de la publicité des débats judiciaires afin de chercher des solutions à certaines problématiques, voire même d'échanger sur le dossier librement, sans pour autant tomber dans la connivence ou l'arrangement. Elle est le fait de gens de justice capables de s'extraire de la passion des débats, de se situer au-delà, au-dessus de ce qui les contraint et les entraine dans le débat judiciaire au travers des exigences de leurs missions respectives. Il s'agit d'aider à la poursuite du débat judiciaire en l'apaisant ou en le remettant sur ses rails. Exercice sans doute difficile et parfois périlleux elle est utile et nécessaire. 

Certains répondront qu'elle peut être un leurre dangereux, surtout dans un dossier d'assises pour l'avocat de la défense confronté aux exigences de la défense de leur client. Auquel cas il revient aux avocats de rester prudents et réservés jusqu'à l'abstention s'ils craignent le piège du leurre. Mais peuvent-ils trahir la confiance inhérente à cet échange particulier et secret en y participant et ensuite en s'en servant et en divulguant publiquement le contenu?.... Le tort du Président dans le cas d'espèce ayant été d'accepter de rentrer dans le piège que lui tendit notre confrère, orfèvre en la matière, en l'interpellant publiquement au sujet de ce qui avait été dit sous le sceau de la ... foi du palais....

Un ami très cher me rappelait que le procès pénal est un authentique conflit de loyauté. L'avocat doit pouvoir tout mettre en œuvre pour faire triompher l'innocence de son client? Tout?  Peut-il aller jusqu'à enfreindre un principe consacré par la pratique judiciaire et sa déontologie?

En violant ce pacte fondateur de la sérénité judiciaire et de sa loyauté, notre confrère vient de créer un précédent d'une extrême gravité avec la complicité passive d'un Président maladroit... 

Dans un contexte où la confiance n'est pas toujours partagée entre deux corps qui vivent des relations souvent difficiles, cette atteinte au secret des discussions sous la foi du palais risque de nous mettre dorénavant dans l'impossibilité d'user de cette pratique pacificatrice, empreinte de loyauté, dégagée de la pression de l'audience et de ses enjeux procéduraux.

Ce précédent peut avoir des conséquences irréparables ! La défense ne peut s'exercer que dans le cadre défini par les principes fondateurs, sans pour autant devenir une défense complice, ca il ne s'agit pas de transiger ou de pactiser avec le diable si tel est le cas....

Nous sommes tous concernés...

Eric DUPONT MORETTI a-t-il trahi sa profession?

J'ai tendance à le penser, la mort dans l'âme, sans animosité à l'égard de sa personne. J'ai eu la chance de le rencontrer en dehors du palais dans un contexte ludique qui lui est cher, nous avons partagé les joies d'une passion commune. J'admire son talent. Je l'ai entendu plaider de manière admirable. Mais le talent n'excuse pas tout et surtout n'autorise pas tout! Aquitator emprunterait-il les traits de terminator?...

Il y a des limites.... que manifestement il ne veut pas se fixer!
L'avocat n'est ni un franc tireur ni un tueur à gages, et encore moins un justicier. Il doit rester un auxiliaire intransigeant d'une justice  qui le transcende sans en être pour autant ni la caution ni la bonne conscience.

2 commentaires:

  1. Maitre, je comprends votre inquiétude, sinon indignation mais c'est ainsi, les choses vont.... En la matière on peut d'ailleurs s'interroger vu le peu de réaction de l'institution sur la réalité, de ce manquement à la déontologie de l'avocat, j'ai l'impression que ce renvoi à retiré une belle épine du poed du Juge, de là à penser qu'il y a eu connivence sinon concertation, il y a une marche ....que je franchirais pas !
    Anne Bader
    Expert Judiciaire
    bader.anne@orange.fr

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  2. Manque de déontologie, certes, et de la part d'un avocat, c'est inquiétant...
    Mais que dire de la violation du secret de l'instruction devenue apparemment monnaie courante pour certains magistrats ?, que penser en outre du "mur des cons", etc.
    Et de la part de certains représentants de la Nation violant le secret d'une séance à huis clos de la commission de la Défense nationale ?, et de la réaction en chaîne qui s'est ensuivie, pour le moins consternante...
    A vrai dire, je crois que c'est l'ensemble de notre système qui est corrompu, et qu'il conviendrait de faire un vaste aggiornamento de notre corpus de valeurs mis a mal il y a bientôt 50 ans...
    Bien à toi Bernard
    CR

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