Johnny est une énigme…
J’ai aimé ses chansons. Je suis allé en moto
assister à un de ses concerts ; je ne pouvais pas y aller en voiture….. J’ai
dansé le twist, le rock en roll, le slow sur ses interprétations. Comme
beaucoup…. Toutefois cela n’explique pas ce à quoi nous venons d’assister
depuis mercredi. Alors, pourquoi ? Johnny pourquoi ?
Comme certains, j’ai été tenté de me dire qu’on
en faisait trop. Et puis, face à l’ampleur et la persistance, à l’indicible
émotion partagée, j’ai voulu comprendre ; comprendre l’énigme de ces amitiés aussi
surprenantes qu’étonnantes, de cette idolâtrie dans toutes les couches de la
société, de ces louanges venant de tous les horizons, de ce deuil
quasi-national… j’ai voulu chercher la vérité qui se cache derrière ce
phénomène hors norme. Comment Johnny a-t-il pu tisser ce lien mystérieux avec le
peuple, avec tout le peuple?
Il y a bien sûr son identification avec une
génération qui a traversé l’après-guerre, les trente glorieuses dans l’insouciance,
sa soif de liberté, de découverte, de paradis artificiels, avec cette France
rock ‘n’ roll qui le voyait un peu subjuguée vivre avec excès tous ses
penchants, ses tentations, ses erreurs, et comme il l’a dit assez crûment
toutes « ses conneries ». Sans doute est-ce une première part de vérité, mais elle
n’explique pas l’ampleur du phénomène; ce n’est ni assez fort, ni assez
puissant ni assez profond…
De tous les éloges c’est celui de Daniel Rondeau
qui m’a aidé à élucider le mystère. Ce saltimbanque sans autre racine que la
musique, se situe dans l’armorial des troubadours français ; un troubadour
très rock ‘n’ roll qui a tissé un lien particulier avec la France, en
particulier dans sa démesure, son inaptitude à accpeter les limites. Rien n’était
impossible à Johnny chanteur. Ça, c’est très français !... Mais surtout, Johnny
Gavroche comme le nomme Daniel Rondeau fut un être vrai. Il n’a jamais triché. Pour
preuve son interview au Monde en 1998 par le même Daniel Rondeau. Il a lui-même
dit et analysé ses excès et ses errements ; sa destroyance !
Daniel Rondeau s’est exprimé dans ces termes
à l’occasion de son éloge funèbre à la Madeleine : « En notre qui
temps détourné des héros et des saints, il me semble que Johnny pourrait entrer
dans cette parade des phénomènes français au sens forain du terme – selon l’expression
de Paul Valery. À la question de son rapport à la France il répondait je suis français
et ma ville c’est Paris, ajoutant un peu plus tard je suis né catholique et je
mourrai catholique ».
À cet égard, constatant qu’il sera mis en
terre comme tout bon chrétien …, je ne peux pas m’empêcher de penser au
paradoxe rétrospectif de ces incinérations accompagnées en musique par sa
chanson « allumer le feu ! »…
Il fut celui dans lequel plusieurs
générations se sont retrouvées mais sans jamais céder au snobisme gaucho
intellectuel à la mode, celui de ce mai 68 dont il épousa pourtant toutes les
dérives…. S’il allait chanter à la fête de l’humanité cela ne le faisait pas
pour autant renier son admiration pour le général De Gaulle… étonnant ce Johnny
!
De fait, ce troubadour, de la France du XXe
siècle qui rejetait toute croyance, a été capable au nez et à la barbe de la
bien-pensance qui devait s’étrangler en silence, d’interpréter sa chanson « Oh
Marie » qui pourrait être une prière ; rappelez-vous la dernière
strophe :
Oh
Marie si tu savais
Tout
le mal que l'on m'a fait
Oh
Marie j'attendrai qu'au ciel
Tu
viennes me retrouver
Oh
Marie j'attendrai qu'au ciel
Tu
viennes me retrouver
Son authenticité, se retrouve encore dans une
confession étonnante: « On peut me faire ce qu'on voudra, je resterai
chrétien. Je suis sûr que Jésus, lui, ne m'en veut pas ». Pour qui se
remémore la lucidité et l’intelligence de ces dernières interview ces quelques
mots résonnent de manière singulière. Ils manifestent une clairvoyance, très
chrétienne. Alors que la providence lui a imposé d’affronter cette mort qu’il
craignait tant lors d’une longue agonie, ne doutons pas un instant qu’il n’a
pas loupé son grand rendez-vous, en vérité. Sans doute a-t-il eu beaucoup d’explications
à fournir. Mais, s’il savait que Jésus ne lui en voudrait pas, c’est parce qu’il
savait qu’Il n’est qu’amour. Alors si les louanges terrestres se sont en même
temps accompagnées des prières que comme tout un chacun il mérite, et plus
encore en raison des drames de son enfance, gageons que l’épreuve en aura été
moins difficile. Paix à son âme.
Adieu Johnny !
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