dimanche 11 mars 2018
DE BONNES RAISONS DE LIRE!
Ce soir je commencerai par un paradoxe.
Nous craignons la digitalisation à venir de nos métiers et plus généralement de notre société. En même temps nous renonçons chaque jour à exercer nos prérogatives d'humains, celles qui pourraient nous permettre de garder la maîtrise sur nos existences et sur la vie sociale.
Pourquoi ce paradoxe?
Thierry Vieville, directeur de recherches en Neurosciences à l'INRIA de Sophia Antipolis explique qu'il faut rendre les choses bêtes pour les faire faire par une machine. Réduire notre langage, notre raisonnement, tout ce qui fait le propre de l'homme, à du calcul consiste à accepter notre abêtissement, à nous y résoudre.
Il ne s'agit pas de refuser la délégation ou l'abandon de certaines tâches à l'intelligence artificielle, mais de ne pas accepter de renoncer à l'exercice de nos facultés intellectuelles, d'être techno-critique au plein sens du terme. Au passage il y a un abus de langage dans l'utilisation du terme intelligence pour désigner l'exercice des facultés de calcul et de réduction de certaines de nos tâches à du calcul. L'évolution de notre système éducatif et de tous nos apprentissages consiste à nous inscrire dans le fonctionnement et la réduction algorithmique et que nous avons intégré le diktat des GAFA selon lequel la soi-disant intelligence artificielle ressemble à notre intelligence, qu'elle serait de même nature!
Comment faire? Comment faire pour rester intelligents, pour ne pas se laisser abêtir?
La lecture est le seul véritable antidote à l'abêtissement propre à la boulimie algorithmique manipulée par des acteurs qui ont un intérêt à l'entretenir.
Elle est le socle sans lequel il n'y a plus de réflexion possible. Nous ne parlons pas ici de la lecture de messages ou de textes utilitaires mais de la lecture attentive, en dehors du bruit médiatique, sans être interrompus ni distraits; lire avec attention et concentration. La lecture de livres choisis pour ce qu'ils vont apporter. Des livres de maîtres à penser. Des chefs d’œuvre de la littérature. Des livres d'analyses approfondies contrastant avec les informations superficielles dont nous sommes assommés. Des livres d'histoire qui donnent la perspective du temps long. Bref une activité intellectuelle en rupture avec le rythme moderne et connecté; grâce à une prise de distance avec le fil du quotidien et du nécessaire. Un voyage en terre inconnue de la réflexion qui nous ouvre sur nous-même et le monde. Un parcours initiatique qui nous donne les armes de la libération et de la connaissance de ce qui fait en nous l'humain.
En complément je vous suggère la lecture de deux articles de Jean Grimaldi d'Esdra:
https://www.jean-grimaldidesdra.com/single-post/2018/03/09/Billet-interdit-aux-analphab%C3%A8tes-dipl%C3%B4m%C3%A9s
https://www.jean-grimaldidesdra.com/single-post/2018/02/08/Savoir-ecrire-l-alchimie-d-un-style-
La lecture est le vaccin contre la réduction algorithmique au calcul qui est le propre de l'ordinateur et pour lequel il est imbattable. Elle entretient les facultés qui seules peuvent nous doter de l'esprit critique qui permettra de maîtriser la virtualité et l'artificialité de la technologie numérique et connectée. Non pas pour la refuser, mais pour qu'elle demeure notre objet; afin que nous n'en devenions pas les sujets!
Lecture, Éducation, Éthique, Histoire et temps long, transmission...
RépondreSupprimerCela me fait penser, cher Bernard, à une très récente déclaration du président du comité consultatif national de la bioéthique, Jean-François Delfraissy, qui affirmait qu'il n'existe pas de principes intangibles, ni d'interdits fondamentaux ; que les lignes rouges sont relatives, à preuve : en Chine, on accepte bien des milliers de transplantations réalisées à partir d'organes de condamnés à mort...
L'affichage d'un tel relativisme me semble placer les états-généraux de la bioéthique sous de bien sombres auspices.
Et sans doute conviendrait-il qu'un maximum de personnes "censées" et convaincues de l'existence de principes et valeurs immuables fassent connaître leur point de vue pour éviter le développement, ici comme ailleurs, d'une pensée unique destructrice.
Rien de plus facile : il suffit de s'inscrire en ligne (https://etatsgenerauxdelabioethique.fr) pour participer à ces états-généraux et de réagir aux propositions, prises de positions avec la possibilité de développer ses arguments.
C'est peut-être l'un des moyens - pour ceux qui le souhaitent - de transmettre des valeurs aux générations futures, de leur éviter d'être absorbées complétement par le monde déshumanisé des algorithmes, et de leur donner une chance de conserver le goût de la lecture ...
CR
Le lecteur « sensé » est évidemment « censé » avoir corrigé de lui-même la faute qui s’est glissée dans mon commentaire ci-dessus...
RépondreSupprimerCR