dimanche 18 mars 2018

JUSTICE DU XXI° SIECLE A MARCHE FORCEE...JUSTICE EN PERIL?



La justice du XXIe siècle est « en marche » ! Quelle sera son visage ? Un projet de loi du gouvernement vient d'être rendu public...

Les avocats protestent ! A raison compte tenu d’une part de remises en cause inacceptables de droits fondamentaux des justiciables et d’autre part de la méthode contestable de concertation mise en œuvre à l’image de ce qui se pratique depuis près d’un an maintenant en France.

L’heure du grand bouleversement semble sonner pour notre pays. Celui-ci touche notre économie mais aussi les structures mêmes de notre société et de notre État de droit. La justice est donc concernée ; comment pourrait-il en être autrement ?

Le contexte n’est pas favorable aux avocats.

Les français n’aiment ni l’institution judiciaire, ni ses auxiliaires que sont les avocats, sauf lorsqu’ils ont besoin d’eux, et encore… Ce n’est pas nouveau. Les Plaideurs de Racine ont eu le succès que l’on sait ; Rabelais n’avait pas été en reste ; La Fontaine croqua un Raminagrobis auquel les avocats sont aujourd’hui assimilés dans l’esprit du commun des mortels, tant ils considèrent que ces derniers s’enrichissent sur le dos de leurs malheurs. Cela ne changera sans doute pas… ; cela ne peut pas changer tant la Justice se nourrit d’attentes et de déceptions.

Le Président Emmanuel Macron ne nous aime pas non plus. Il l’avait déjà montré du temps où il était ministre. Pour lui, derrière les postures de circonstances, les avocats sont des acteurs économiques comme les autres, un point c’est tout. Tout Jupiter qu’il veut être, sa conception de l’Etat ne reconnait pas ce pouvoir judiciaire qui a trop de restes de ses origines religieuses et chrétiennes. La Justice doit être rationalisée, efficace, moderne, compétitive, privatisée tant que cela est possible, bien sûr digitalisée, et pourquoi pas ubérisée ! Mais elle n’accomplit pas une mission supérieure, ni bien sûr sacrée, faisant de ses auxiliaires des professionnels autres que de simples acteurs sociaux.

Comme de précédents projets, celui-ci comporte bien des aspects inacceptables. Les avocats et leurs représentants ont raison de protester et de s’y opposer. Il n’est donc pas question ici de se désolidariser d’un mouvement qui reste corporatiste même si il met légitimement en avant l’intérêt premier des justiciables et les exigences d’un fonctionnement satisfaisant de l’institution judiciaire.

Pour autant, nous savons d’ores et déjà qu’une loi sera votée, que nous aurons tout fait pour modifier, amender, améliorer ou à tout le moins rendre moins pernicieuse ; comme les précédentes… car, il y a un fil rouge, qui relie une a une comme les maillons d’une même chaîne, les modifications déjà intervenues et à venir. Elles sont le reflet de l’évolution en profondeur de notre système juridique et social.

Il n’est pas question ici non plus de prôner la révolution, même si certains peuvent la souhaiter ou la penser inéluctable. Par contre, sauf à rester des bouchons ballottés sur une mer perturbée, les avocats doivent impérativement, et enfin…, s’interroger sur ce que peuvent et doivent devenir leur profession, leur mission. Il me sera répondu que ce n’est pas l’heure. Je pense au contraire que c’est précisément le moment de prendre conscience des enjeux, de les proclamer et de se décider à les affronter.

Il y a au moins une chose de vrai dans la présentation du projet de loi ; la Justice du XXIe siècle est à imaginer et à organiser. Il ne faut à aucun prix que demain, après les manifestations, une fois qu’un texte aura été voté, comme les fois précédentes, nous reprenions notre « train-train », le cours de nos activités comme si de rien n’était ! Et c’est ce qui risque de se passer, par nécessité ; il faut vivre !....

Au risque d’insister et de donner l’impression de me répéter, nous devons susciter et organiser une réflexion collective sur ce qui point à l’horizon. Les évolutions contenues dans l’actuel projet de loi sont une plaisanterie à côté de ce qui va arriver ! Voulons-nous ménager quelques années d’exercice de ce qui restera de ce métier que nous aimons ou voulons-nous participer à la grande et exaltante entreprise de la définition du rôle rénové de l’avocat dans le monde des datas, des algorithmes, de l’intelligence artificielle et du deep learning ? Qu’allons-nous faire de la nécessaire réponse au besoin de justice ? Que ferons-nous du conseil plus que jamais nécessaire dans ce monde toujours plus complexe, envahi de techniques et de réglementations ? Que deviendra l’art du procès, au civil comme au pénal ? Qu’allons-nous faire du langage fondateur du droit face à la moulinette algorithmique ?  Allons-nous sacrifier le syllogisme judiciaire sur l’autel de la justice prédictive ? Que proposons-nous pour renouer les liens de la confiance avec les justiciables ? Quel humanisme allons-nous offrir à nos concitoyens ? Quelle sera notre conception anthropologique face à l’homme augmenté, à l’humanoïde et toutes leurs déclinaisons ?

Qui sera notre Cicéron?

Il serait temps de se réveiller, d’ouvrir les yeux, de prendre acte des ruptures en train de se préparer et de travailler ensemble, avec le concours de ceux qui se donnent la peine de réfléchir aux incidences de ces mutations. Ils ne nous attendront pas longtemps….

1 commentaire:

  1. Il est toujours difficile de faire la part entre le corporatisme et le vrai attachement à la justice...

    De vos écrits je m'interroge : à quoi ça sert de rendre la justice ? quel est le but poursuivi par l'organisation d'un système judiciaire? Quelle est la place du justiciable dans ce système? Quelle est la place de l'avocat? Quel est le rôle du magistrat...le médiateur pourra t-il endosser ce rôle? Sera t-il incorruptible? Sera t-il compétent? Sera t-il légitime?, tout dépend évidemment de ce que le système attend de lui : rendre la justice ou en éloigner le justiciable et son représentant.

    La technique ne peut pas tout, elle n'est qu'un moyen au service d'une fin. Quelle est la fin? Pourquoi déléguer aux IA le rôle de rendre les décisions. Ce n'est pas parce que c'est possible, que c'est chose à faire. Pourquoi mettre un écran comme interface entre le juge et son justiciable? Pour aller plus vite et moins cher? Mais pourquoi? pour qui? Le plus rapide et le moins cher, à très court terme, est de demander à chacun de se rendre justice lui-même...comme...à quelle époque déjà?

    Et l'on se plaint d'un monde violent...

    Un proverbe iranien : "la loi est faite pour les riches, le châtiment pour les pauvres". C'est un peu manichéen.

    Et la Justice ?

    Bien à vous.

    Anne JOURNAULT

    Votre bien dévouée.

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