En réponse aux critiques formulées contre le
fonctionnement actuel de notre démocratie le Président Macron nous invite vertement,
dans son franc parler bien à lui, à aller voir en dictature comment ça se passe…
Réponse radicale et percutante mais aussi fausse qu’inappropriée.
Comme si la démocratie ne pouvait pas devenir totalitaire
et être le faux nez d’une véritable dictature ?…
Quelques rappels.
La monarchie britannique n’est-elle pas démocratique ?
Les Etats communistes ne se prétendaient-ils pas être des démocraties populaires ?
La République de Chine ne se prétend-elle pas démocratique et n’est-elle pas
invitée dans le concert des régimes estampillés par nos chefs d’Etats
démocratiques dont Monsieur Macron ? Le Général Pinochet ne prétendait-il
pas vouloir fonder une démocratie autoritaire ? Et encore, pour revenir
sur l’argument avancé par le Président de la République selon lequel la dictature
serait un régime dont on ne sort pas : le Général Franco dictateur patenté
selon la doxa n’a-t-il pas installé lui-même en Espagne la monarchie
démocratique actuelle ? Et encore plus loin : Hitler n’a-t-il pas été
démocratiquement élu alors que Mein Kampf était publié, lu, connu et analysé
par tous ?
La démocratie est la tarte à la crème de la politique
moderne. Dit autrement : On en a fait une véritable auberge espagnole,
réceptacle de tous les lieux communs et de toutes les confusions…
La démocratie n’est pas et ne peut pas être en soi la
garantie « contre la tyrannie ou le totalitarisme ». Car elle n’est
qu’un système constitutionnel de désignation des gouvernements et d’exercice du
pouvoir. Et rien n’interdit à une majorité de devenir tyrannique et
totalitaire. Hitler n’a-t-il pas par exemple obtenu le soutien majoritaire de
son peuple ?
Le danger provient de l’art de la manipulation des masses,
art sophistiqué qui recèle bien des secrets et des techniques …
Pie XII exposa dans son magistral discours de Noël 1944
sur la démocratie, alors que l’on sortait de l’horreur nazie et que l’Est était
soumis au communisme démocratique, combien le risque résidait dans la réduction
du peuple à l’état de masse alors qu’il est un corps vivant…
Le risque est que la majorité se croit autorisée à
imposer ce qu’elle veut, ou ce qu’elle croit bon, à un peuple réduit à un état
de massification qui lui interdit toute possibilité de réaction et de défense.
Je me suis expliqué sur ce point dans mon billet de la semaine dernière.
J’ajouterai une double observation éclairante tirée de la
réforme des retraites :
- Elle détruit l’une des dernières survivances de la structure du peuple dans les solidarités naturelles de ses métiers….voilà pour la massification par les retraites !
- Dans sa méthode elle traduit un empressement et un degré d’impréparation que vient de souligner le Conseil d’Etat dans son avis sur ce texte qui témoignent d’un fonctionnement dont le caractère démocratique est loin d’être évident… Nous verrons d’ailleurs ce que le gouvernement en fera ...Voilà pour les techniques de manipulation !
Alors oui Monsieur le Président, une démocratie peut être
totalitaire, et le fonctionnement actuel que vous présidez n’est pas à l’abri
de ce risque, loin s’en faut.
Ceci dit, c’est vrai il y a Churchill et son célèbre
aphorisme lancé selon lequel « la démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion
de tous les autres ».
L’importance qu’il a pris dans nos discussions quand il s’agit
de couper court à tous les défauts accumulés par nos dysfonctionnements démocratiques
actuels il convient de la replacer dans le discours du grand Winston en
1947alors qu’il était dans l’opposition :
«Comment l'honorable gentleman conçoit-il
la démocratie? Laissez-moi la lui expliquer, M. le président, ou au moins
certain de ses éléments les plus basiques. La démocratie n'est pas un lieu où
ou obtient un mandat déterminé sur des promesses, puis où on en fait ce qu'on
veut. Nous estimons qu'il devrait y avoir une relation constante entre les
dirigeants et le peuple. "Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour
le peuple": voilà qui reste la définition souveraine de la démocratie.
[...] Démocratie, dois-je expliquer au ministre, ne signifie pas "Nous
avons notre majorité, peu importe comment, et nous avons notre bail pour cinq
ans, qu'allons-nous donc en faire?". Cela n'est pas la démocratie, c'est
seulement du petit baratin partisan, qui ne va pas jusqu'à la masse des
habitants de ce pays.
[...]
Ce n'est pas le Parlement qui doit régner;
c'est le peuple qui doit régner à travers le Parlement.
[...]
Beaucoup de formes de gouvernement ont été
testées, et seront testées dans ce monde de péché et de malheur. Personne ne
prétend que la démocratie est parfaite ou omnisciente. En effet, on a pu dire
qu'elle était la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes celles qui
ont été essayées au fil du temps; mais il existe le sentiment, largement
partagé dans notre pays, que le peuple doit être souverain, souverain de façon
continue, et que l'opinion publique, exprimée par tous les moyens
constitutionnels, devrait façonner, guider et contrôler les actions de
ministres qui en sont les serviteurs et non les maîtres.
[...]
Un groupe d'hommes qui a le contrôle de la
machine et une majorité parlementaire a sans aucun doute le pouvoir de proposer
ce qu'il veut sans le moindre égard pour le fait que le peuple l'apprécie ou
non, ou la moindre référence à sa présence dans son programme de campagne.
[...]
Le parti adverse doit-il vraiment être
autorisé à faire adopter des lois affectant le caractère même de ce pays dans
les dernières années de ce Parlement sans aucun appel au droit de vote du
peuple, qui l'a placé là où il est? Non, Monsieur, la démocratie dit:
"Non, mille fois non. Vous n'avez pas le droit de faire passer, dans la
dernière phase d'une législature, des lois qui ne sont pas acceptées ni
désirées par la majorité populaire. [...]»
Ce qui replace le propos dans un tout autre contexte !...
et ne permet pas de lui faire dire ce qu’il ne dit pas !
Pie XII avait raison ….. Une démocratie devient
totalitaire quand elle affirme la légitimité du pouvoir de la majorité sur un
peuple que l’on a préalablement transformé en masse en le déstructurant et en le privant de toute défense.
Quant à Emmanuel Macron il me semble plutôt dans la
posture du démocrate à la tête de qui monte l’ivresse de la manipulation des
masses. Une manipulation qui n’est que la première manifestation de la
tentation totalitaire.
« Moi, dictateur? Dieu m’en garde…. Regardez
ailleurs ! »
Non ça ne marche pas! Notre regard restera fixé sur tous les actes politiques qui procèdent de cette dénaturation institutionnelle cyniquement démocratique !
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