UN ETE AVEC GUSTAVE THIBON: RETOUR AU REEL

Dans son livre "retour au réel" Gustave THIBON nous donne une leçon de civisme. Certains le trouveront trop marquée par l'époque de l'occupation et les débats sur les engagements des uns et des autres. Mais comme toujours Gustave THIBON va plus haut que tout le monde et se situe au-delà de la chicane politicienne du quotidien même le plus dramatique.  D'où son actualité et son intérêt pour nous.

Cette leçon est double : politique et spirituelle.

Gustave THIBON dénonce la mystique démocratique en ce qu'elle écarte l'individu de sa responsabilité au bénéfice d'une mystique déresponsabilisante qui éloigne chacun de sa place, de ses exigences, de ses devoirs et donc de ses responsabilités. L'individu s'en remet progressivement à la collectivité, à l’État, à ce grand monstre anonyme que nous appelons systématiquement au secours. Voici comment il s'explique : " ce que nous blâmons, dans l'idéal démocratique moderne, ce n'est pas le pouvoir de tous, c'est l'absence de hiérarchie dans les pouvoirs, c'est la confusion des pouvoirs ; ce n'est pas le pouvoir du peuple, c'est l'octroi au peuple d'un pouvoir souverain, mais fictif et stérile, au détriment du pouvoir limité, mais authentique et fécond, qui lui revient par nature". Puis, marquant ainsi sa totale indépendance partisane comme d'esprit, il explique que " à droite, on tend à séparer la terre et le ciel, à ne plus voir que la terre. Réalisme étroit et charnel. A Gauche, on semble vouloir amener tout le ciel sur la terre, mais, en réalité, au confond les nuées avec le ciel. Et les nuées, en crevant, se résolvent en fange et en corruption. Idéalisme vide et impur. " Et il poursuit, rejoignant ainsi son idée initiale selon laquelle la mystique démocratique est une corruption du christianisme : " le christianisme unit vraiment la terre et le ciel : il sait que le ciel est non seulement plus pur, mais aussi plus solide que la terre. Réalisme total, réalisme non plus de la chair, mais de l'incarnation". Un ni droite ni gauche qui a une autre tenue que ce que nous entendons dans la bouche de nos politiques...

Sur le plan spirituel et religieux Gustave THIBON dénonce le surnaturalisme qu’il oppose au surnaturel et qui tend à séparer l'homme de son quotidien, de la nature, pour s'en remettre un appel mystique déraciné et donc impuissant. Il insiste sur le fait que le surnaturel ne peut passer que par le naturel. Il met en garde contre les risques d'une mystique qui ferait perdre pied à l’homme. " La nature humaine n'est pas une prison dont il faut s'évader pour entrer en Dieu : c'est une demeure qu'il faut purifier pour que Dieu y rentre.... Le sur naturalisme est incapable de purifier la nature parce qu'il n'accepte pas la nature. " Plus loin encore " la surnaturalisation des choses naturelles a fatalement pour rançon la naturalisation des choses surnaturelles ; le surnaturalisme est le pire naturalisme. » Il me revient ainsi en mémoire la merveilleuse formule de Charles PEGUY évoquant un spirituel "couché dans le lit de camp du temporel" ! Puis Gustave THIBON enfonce le clou : " Dans ce désarroi des mœurs où la nature humaine perd de plus en plus le goût d'elle-même, de sa destinée et de son bien véritable, l'invitation évangélique à dépasser la nature rencontre fatalement le lâche désir manichéen de la renier. L’exhortation à se dépasser devient un prétexte à se fuir : l'appel du néant usurpe à son profit l'appel du ciel."

Voilà de quoi nous soigner bien des errements de notre époque moderne...