dimanche 13 décembre 2020

CHACUN SA COURONNE!

Regardant - enfin ! - « The crown » j'ai eu une intuition fulgurante face à une scène étonnante: la princesse Diana étreint la reine Elizabeth qui ne lui rend pas cette étreinte et reste les bras le long du corps dans une attitude raide, d’une intransigeante dignité. La reine racontant cette scène à sa mère, sa sœur et sa fille ces dernières s'exclament qu'une telle attitude est inconcevable. Excessif ? Anachronique ? Certainement, la reine Elizabeth semble elle-même le penser a posteriori.. ; mais comme d'habitude, n'y a-t-il pas une part de vérité et un enseignement à retirer d'une forme d'excès comme des legs du passé et de la tradition ?

 

Les rois et les reines, les têtes couronnées, doivent s'astreindre à une forme de retenue, corollaire de la dignité de leur état, imposée par la charge qui les dépasse et les transcende. D'où le fait qu'une reine ne peut pas embrasser son enfant avec la même liberté qu'une mère non couronnée.

Cependant, la dignité n'est pas l'apanage des seuls rois et têtes couronnées.

Elle est aussi nôtre...

De nos jours tout le monde s'embrasse. Les hommes entre eux. Les femmes entre elles. Hommes et femmes bien sûr. Le serment de main devient vieux jeu. Ne parlons pas du baisemain ! Adieu la distance ! C'est donc rien de dire au passage que le confinement et ses règles de distanciation sont particulièrement anachroniques...

Qui aurait imaginé le général de Gaulle embrassant Madame Thatcher ou Angela Merkel ? Et même Chirac ou Giscard sans parler de Mitterrand...

La distance, la retenue, la dignité du port et le refus des personnes de se laisser aller à des manifestations extérieures réservées à l'intimité sont-elles totalement discréditées ? N'ont-elles aucun sens ?

Je me pose très sincèrement la question...

Et si toutes ces habitudes dites d'un autre temps reflétaient une force  et une capacité d’être pleinement qui nous font défaut ?

Et s'il était profitable de ne pas faire ce qui ne se fait pas comme disait ma grand-mère ?

Et si Camus qui ne passe pas pour un écrivain traditionaliste avait raison ? Et s’il était vrai qu’un homme ça s’empêche ?

Faut-il tout envoyer balader au prétexte que ces us et coutumes sont obsolètes, dépassés, ridicules et inutilement contraignants ?

Nous avons la manie de refuser et de supprimer toutes les règles, toutes les habitudes sociales, tous ces petits riens qui font l’épaisseur et la profondeur d'une civilisation, ainsi que la nécessité pour les humains de respecter certaines formes afin de se préserver la vie sociale et de protéger les autres de tout dérapage, de tout excès, des manifestations désordonnées et déréglées de notre sensibilité.

D'une certaine manière le tutoiement généralisé et l'abandon du vouvoiement sont aussi la manifestation de la même évolution.

Une vieille tante disait toujours qu’elle aurait plus de mal à dire « je vous em… » que « je t’em… » ce qui en dit long sur le sens de ces règles...

Sans doute aurions-nous beaucoup à apprendre des leçons de port et de savoir-vivre réservées aux princes aux princesses et aux futures têtes couronnées...

Si nous n'avons pas de couronne chacun d'entre nous a un devoir d'état, des obligations, des responsabilités diverses et variées avant d’exercer dans la retenue toujours nécessaire son droit à la libre jouissance de l'existence. Notre hédonisme nous fait placer le plaisir en tête de nos préoccupations. La retenue est devenue une incongruité…

Toutes ces règles qui ne nous empêchent plus nous empêcheraient de céder à la part la moins glorieuse de nous-mêmes pour faire prévaloir ce qui construira, ce qui transmettra, ce qui laissera une trace et signifiera l'accomplissement de notre destin. Chacun a une destinée…

Ces digressions me font par exemple penser à la relation que les avocats entretiennent avec leur robe professionnelle, à la manière dont ils le revêtent comme on met une veste ou un manteau, à la façon dont ils la portent, souvent comme un déguisement ou un costume.

Peut-être devrions-nous tous vivre avec l'impression que nous portons une couronne ; non pas pour nous en glorifier mais pour être dignes de ce que la vie, la société et les autres attendent de nous … Chacun sa couronne!

Il ne fait guère de doute que la vie deviendrait moins compliquée, plus simple et pour ne prendre qu'un exemple cette crise que nous traversons et qui n'est rien par rapport à ce que nos arrières grands parents et nos grands-parents ont eu à subir et à vivre, serait vécue de manière plus facile, plus efficace et avec une discipline qui aiderait nos gouvernants à être moins médiocres...

2 commentaires:

  1. La sagesse a ses excès et n’a pas moins besoin de modération que la folie ( Montaigne)
    L’excès en tout est un défaut ( proverbe )

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  2. Cher Bernard,
    Il est vrai que lorsque mon épouse m'accompagnait alors que j'étais en uniforme, il ne me serait guère venu à l'esprit de lui tenir la main, ce qui serait apparu en contradiction avec la dignité de ma fonction...
    Il ne me serait pas davantage venu à l'esprit de pousser le landeau de mes enfants quand j'étais jeune officier, ou de porter un paquet, quel qu'il fût...
    Pour faire le lien avec l'un de tes précédents billets, je n'aurais même pas envisagé de me rendre à un dîner sans cravate !
    C'est dire si je considère comme toi que la Dignité est une vertu qui s'effiloche dans toutes ses dimensions et que nous y perdons sans doute beaucoup plus que nos y gagnons !
    Bien à toi.

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