La tentation du rêve pour un monde meilleur dont JJ ROUSSEAU nous a fourni l'illustration est grande.
Elle cache souvent des erreurs fondamentales dont l’histoire a montré qu’elles
peuvent nous conduire à de graves erreurs..
Illustration avec le livre à succès de Rutger BREGMAN " humanité une histoire optimiste".
Rutger BREGMAN a déclaré dans une interview qu'il avait failli intituler son livre « ROUSSEAU avait raison ». Revoilà le mythe du bon sauvage. De la civilisation néfaste, pire … criminelle.
A partir d'un certain nombre d'observations archéologiques, historiques et sociologiques l’auteur développe une thèse salon laquelle il serait temps de faire preuve d'un nouveau réalisme basé sur l'idée fondamentale selon laquelle la plupart des gens sont bons. Ce serait en nous persuadant que nous sommes mauvais que nous commettrions et reproduirions le mal.
Je ne peux pas dans ce court billet répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien de cette thèse, mais il m’a semblé intéressant d’essayer d’identifier en quoi elle est pernicieuse.
Entreprise délicate car une partie de l'analyse est séduisante. Les exemples factuels et historiques qui ont selon lui été les révélateurs de son idée, ne sont pas faux. Tout y est choisi pour justifier cette thèse que l'auteur cherche à imposer comme vraie, évidente, révélée par l’expérience.
Expérimentale ? Scientifique ? Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une œuvre qui se veut fondatrice d'un nouveau mode de vie, d'un nouvel art de vivre. Elle est donc nécessairement d'ordre philosophique, ontologique. Or l'auteur s’en garde et prétend justifier son point de vue par l’observation des faits et le rétablissement de leur vérité. Or les expériences qu'il utilise sont le résultat d'un tri sélectif. Il ne s'agit que de celles au travers desquelles la civilisation a entraîné l'homme vers le mal et jamais l'inverse.
Bien sûr, le point de départ est dans la négation du principe même du péché originel à peine évoqué dans l’introduction comme une invention humaine de certains philosophes et théologiens. Négation donc de cette aptitude de la nature humaine à faire le choix du mal plutôt que du bien. Or le péché d’Adam et Eve dans la Bible ne signifie pas nécessairement que l'homme soit fondamentalement mauvais, contrairement à ce que soutient Rutger BREGMAN. Il ne peut pas l'être puisque pour celui qui croit au péché originel l’homme est une créature de Dieu. Le péché originel n'est autre qu'un dévoiement de la liberté, un abus de la liberté, une dénaturation de cette dernière. Notre idéaliste l’ignore, n’en parle même pas… Il passe à pieds joints sur la question. Il est vrai que la philosophie et la théologie ne sont pas son terrain…
Pour lui toute civilisation est négative puisqu’elle fait sortir l'homme du statut béatifié du cueilleur chasseur ; c’est l’un de ses fils conducteurs. Pour ce faire, dès l'introduction de son livre Rutger BREGMAN dénonce les thèses de Gustave LE BON sur la psychologie des foules ; mais les réduisant à l’extrait d’une phrase il en dénature le sens véritable. Comment exposer ainsi une analyse que l’on va combattre tout le long de son livre ? Gustave LE BON n'a pas prétendu que le comportement des foules était exclusivement positif. Il a par contre soutenu qu'il pouvait faire osciller l'homme sur une échelle entre la barbarie et la civilisation et que c'était en cela que l'on pouvait déterminer si le mouvement « dit de foule » était bénéfique ou ne l'était pas.
Rutger BREGMAN oublie totalement les apports bénéfiques de
la civilisation par rapport à l'état du bon sauvage. Il les ignore. La
civilisation n’est évoquée que sous son prisme maléfique ! Même si
l'histoire comporte nombre de pages violentes, négatives et regrettables dont
nous ne pouvons pas toujours être fiers, elle nous montre aussi combien
l'humanité a su collectivement entraîner les hommes vers le haut. Le bilan des
civilisations est plus que positif ! Le nier est aberrant, voire
contradictoire ; car celui qui écrit en est le premier bénéficiaire ;
son livre aurait tout simplement été impossible sans l’apport de la
civilisation dans laquelle il vit !...Ce mystère des civilisations que Régis DEBRAY résume dans son dernier livre D’un siècle l’autre par cette interrogation:" Comment transmettre l'essentiel de siècle en siècle?". L'essentiel n'est pas la préoccupation principale de Rutger BREGMAN...
Par ailleurs, car je ne peux pas le passer sous silence, réduire le mal du nazisme du peuple allemand au suivisme passif, par solidarité, de tous les allemands me semble un peu facile et court. Rutger BREGMAN n’hésitant pas à écrire parmi les slogans de son épilogue « ne frappez pas les nazis ou tendez la main à votre pire ennemi » !
Derrière les beaux principes sur lesquels il construit cette épilogue de son livre tels que « partir du principe que l'autre vous veut du bien », « penser en terme de scénario gagnant-gagnant », « changer le monde en posant une question, tâchez de comprendre autrui même si vous n'y comprenez rien », « aimez vos proches comme les autres eux aussi aiment leurs proches », « tendez la main à votre pire ennemi », « n'ayez pas honte de faire le bien », je crois pouvoir déceler une conception narcissique de l’homme et du comportement social humain ainsi qu’une ode déguisée à la facilité et à l’égoïsme. C’est d’ailleurs en cela que ce livre est séduisant, qu’il connait le succès et qu’il a été salué par HARARI « ce livre m’a fait voir l’humanité sous un nouveau jour ». Je m’explique.
Les idées qui président à la construction de ce livre, l'option de la confiance en l'autre et de la bonté de la vie sociale spontanée procèdent d'un optimisme béat et confortable pour l’idéologue. L'un des slogans de l'épilogue que je n’ai volontairement pas cité plus haut afin de vous le réserver pour la fin est : « tempérez votre empathie, entraînez plutôt votre compassion ». Nous y sommes !
La compassion est le fait d’être attendri des maux d’autrui. L’empathie consiste à entrer dans la souffrance de l'autre.
Rutger BREGMAN conseille la première plutôt que la seconde pour une raison très simple : c'est que pour lui la compassion est plus maîtrisée, plus distanciée et plus constructive. Si elle ne mène pas à partager la souffrance d'autrui elle permet de la voir et ensuite de passer à l'action. La compassion donnerait selon lui de l'énergie. Ce serait exactement ce dont nous avons besoin. Raisonner en termes de gain et de profit individuel quand on évoque l’empathie et la compassion, il faut quand même le faire ! Et l'amour dans tout cela ? Et l'autre ? La plus belle richesse de la relation à autrui n'est-elle pas précisément de parvenir à ce stade de partage de la souffrance, comme de la joie du prochain ?
L'homme qui croit au péché originel pratique la vertu théologale de charité, lui ! La boucle est bouclée. Il est regrettable de constater que celui qui croit en la bonté foncière de la nature humaine affranchie de tout mal, ne pense pas pouvoir s'accomplir pleinement dans la pratique de la charité absolue. Pourquoi ? Parce qu’elle est épuisante nous dit-il ! Courageux mais pas téméraire…
Voilà ce qui m'a convaincu que ce livre tout séduisant qu'il soit et enthousiasmant qu'il puisse être pour certains, est construit sur un mensonge. Un mensonge anthropologique et une conception flatteuse et égoïste de la nature humaine en même temps que très idéaliste.
J'avoue préférer l’éloge de la force de Laurent OBERTONE
et les slogans qui structurent son livre véritable ode au combat contre « Big Brother » à savoir :
- Ta faiblesse tu connaîtras
- La peur tu détrôneras.
- Ton indépendance tu déclareras.
- Le pouvoir tu reprendras.
- Dans la vie tu t'enracineras.
- L'ennemi tu connaîtras.
- Le silence du vaincras.
- Stratège tu seras.
- Le terrain tu occuperas.
- Ta loi tu imposeras.
Non Jean-Jacques, faut pas rêver !
Rousseau, le contrat social : « Or, le citoyen n’est plus juge du péril auquel la loi veut qu’il s’expose, et quand le Prince lui a dit : il est expédient à l’Etat que tu meures, il doit mourir, puisque ce n’est qu’à cette condition qu’il a vécu jusqu’alors et que sa vie n’est plus seulement un bienfait de la nature, mais un don conditionnel de l’Etat. »
RépondreSupprimerLes bases des régimes fascistes, nazis, communistes, maoïstes et autres khmers rouges sont posés : c’est la faute à Rousseau.
"Rousseau était pour la démocratie directe, participative, comme on dit aujourd'hui, ce qui s'est traduit plus tard par les cliques au pouvoir dans les pays communistes, qui se sont légitimées en se définissant comme l'avant-garde du prolétariat.
RépondreSupprimerLa conséquence du triomphe de la pensée rousseauiste chez tous les révolutionnaires des deux siècles suivants s'est chiffrée en millions de morts."
Philippe Vial - "Malaise dans l'inculture" - Grasset.