A la lumière d’échanges et de discussions estivaux il m’apparaît que la transmission culturelle comme religieuse ne se fait aujourd’hui plus que dans un cercle fermé, en vase clos. Nos concitoyens en sont exclus en majorité. Ils ont perdu confiance. Il est loin le temps de l'école de la transmission…
Vous le savez, je pense que la transmission est un
problème majeur. J’ai déjà évoqué le très riche livre de Jean Grimaldi d’Esdra l’odyssée de la transmission [1]qui
décortique cette problématique sous tous ses angles.
Sans doute faut-il penser à transmettre mais il faut
aussi se demander comment accéder à ce qui est l’objet de la transmission et se
poser la question de savoir pourquoi cette rupture s’est produite.
Que transmet-on ? Tout ! Et notamment la
culture.
La culture constitue le cœur battant de la civilisation.
Elle est un ensemble d’éléments divers et variés permettant de donner sens à la
vie, de l’orienter. Il ne s’agit pas d’un amas de connaissances. Faisant sens elle
permet d’orienter sa vie de manière positive, fructueuse, bonifiée, pleine,
autrement que par notre seule réflexion personnelle et notre démarche
individuelle.
Pour cela il faut croire qu’il y a un sens et espérer le
trouver. Une très large majorité d’entre nous vit une défaillance de
l’espérance et de la croyance.
Espérer pour croire. Croire pour espérer.
Mais que croire ? En quoi espérer ?
En fait le problème que nous rencontrons c’est celui de l’extinction
par mort cérébrale de notre patrimoine culturel et de notre civilisation. Le
cœur ne bat plus. Le sang ne circule plus. Prenons une autre image, l’eau vive
ne s’écoule plus.
Rémi Brague considère à juste titre qu’il est trompeur de
parler des racines chrétiennes ou gréco-romaines de l’Europe mais qu’il est
préférable d’évoquer la source de cette civilisation.
La culture ne circule pas aussi facilement que la sève dans
une plante ou un arbre. Elle se transmet à celui qui la désire. Il faut aller à
la source, vouloir y boire, croire que l’eau est bonne, espérer qu’elle soit
vivifiante.
Il est donc extrêmement important de revenir à ce que c’est
que la culture.
Nous en avons fait soit une accumulation de savoirs épars,
divers et variés ou encore un terrain d’épanouissement de notre moi, de nos
sentiments, de nos impressions, de nos ressentis. En retenant l’une ou l’autre
de ces deux définitions on tombe dans un piège inévitable car on perd le sens
de la culture. Je me référerai encore à Rémi Brague et à sa conférence de
carême à Notre Dame de Paris le 14 février 2016[2].
« Une information n’est appelée «
culture » que dans la mesure où elle constitue un code permettant de se
reconnaître comme appartenant à une même entité, qu’il est aisé de désigner
elle aussi par le mot, justement, de « culture ». »
…
« La culture est ce qui permet
l’orientation dans le monde. L’orientation n’est pas un simple repérage, car si
le repérage nous permet de savoir où nous sommes, l’orientation nous aide à
savoir vers où nous allons. Le repérage nous situe, par exemple, dans un groupe
socioprofessionnel, il nous éclaire sur notre appartenance. L’orientation
implique un dynamisme, elle nous dit par où nous passerons si nous allons dans
une direction déterminée. Quant à savoir quelle direction nous devrions
choisir, c’est l’affaire de la culture. »
…
« Dans toutes les règles de la culture,
on fabrique du sens, et on le fabrique avec ce qui permet aussi de le fabriquer
dans d’autres domaines, en se servant de la même matière première : on fait du
sens avec de la différence. »
L’accès à la transmission nécessite donc une démarche
positive d’adhésion à un corpus qui fait sens.
La difficulté que nous rencontrons résulte de notre
incrédulité et de notre individualisme. Chacun pense pouvoir se forger son
chemin, donner du sens à sa vie sans plus accepter l’argument d’autorité.
Toutes les autorités sont ébranlées, remises en cause, contestées, décrédibilisées
de telle sorte qu’il devient impossible de faire confiance à qui que ce soit, à
quelque institution que ce soit, à quelques tiers que ce soit.
Cela est vrai dans tous les domaines de l’art – je pourrais
multiplier les exemples - mais encore et surtout dans celui de la religion
réduite au sentiment religieux et affranchie de toute pratique au cœur d’une
institution comme l’Eglise catholique. Chacun se suffisant de sa relation à la
conception qu’il se fait de Dieu et de la morale.
Il s’agit donc de retrouver le chemin de la source… L’envie.
Le désir. La soif !
Pour cela, il faut combattre l’indifférentisme, le
relativisme, le multiculturalisme ; en clair toute cette culture qui n’est en
réalité qu’une absence de culture par suite du rejet du sens qu’elle doit avoir.
Refuser le dogmatisme des apprentis sorciers de la « new culture »,
de l’a-culture ! Il nous appartient, au quotidien, autour de nous, dans
nos échanges, dans nos discussions, dans nos transmissions de garder à l’esprit
la nécessité d’avoir un cap. Faute de cap, pas de sens. Faute de sens pas de
soif et donc pas d’espérance et pas de croyance.
C’est un combat quotidien. Le nôtre. Notre responsabilité. Transmettre.
Donner du sens. Susciter le désir du bien et du beau pour croire et donner à
croire. Tels sont les ressorts de la confiance.
Difficile de transmettre dans une société délibérément nihiliste et inféodée à tout ce qui fait du passé table rase…
RépondreSupprimer« Un homme sans mémoire est un homme sans vie ; un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » (FOCH).
Espérons que l’avenir continue d’être éclairé par ce qui fait sens… et que Philippe de Villiers n’ait pas complètement raison dans ses prévisions apocalyptiques…
Excellente analyse!
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