lundi 5 juillet 2021

TRANSMETTRE DU SENS

A la lumière d’échanges et de discussions estivaux il m’apparaît que la transmission culturelle comme religieuse ne se fait aujourd’hui plus que dans un cercle fermé, en vase clos. Nos concitoyens en sont exclus en majorité. Ils ont perdu confiance. Il est loin le temps de l'école de la transmission



Vous le savez, je pense que la transmission est un problème majeur. J’ai déjà évoqué le très riche livre de Jean Grimaldi d’Esdra l’odyssée de la transmission [1]qui décortique cette problématique sous tous ses angles.

Sans doute faut-il penser à transmettre mais il faut aussi se demander comment accéder à ce qui est l’objet de la transmission et se poser la question de savoir pourquoi cette rupture s’est produite.

Que transmet-on ? Tout ! Et notamment la culture.

La culture constitue le cœur battant de la civilisation. Elle est un ensemble d’éléments divers et variés permettant de donner sens à la vie, de l’orienter. Il ne s’agit pas d’un amas de connaissances. Faisant sens elle permet d’orienter sa vie de manière positive, fructueuse, bonifiée, pleine, autrement que par notre seule réflexion personnelle et notre démarche individuelle.

Pour cela il faut croire qu’il y a un sens et espérer le trouver. Une très large majorité d’entre nous vit une défaillance de l’espérance et de la croyance.

Espérer pour croire. Croire pour espérer.

Mais que croire ? En quoi espérer ?

En fait le problème que nous rencontrons c’est celui de l’extinction par mort cérébrale de notre patrimoine culturel et de notre civilisation. Le cœur ne bat plus. Le sang ne circule plus. Prenons une autre image, l’eau vive ne s’écoule plus.

Rémi Brague considère à juste titre qu’il est trompeur de parler des racines chrétiennes ou gréco-romaines de l’Europe mais qu’il est préférable d’évoquer la source de cette civilisation.

La culture ne circule pas aussi facilement que la sève dans une plante ou un arbre. Elle se transmet à celui qui la désire. Il faut aller à la source, vouloir y boire, croire que l’eau est bonne, espérer qu’elle soit vivifiante.

Il est donc extrêmement important de revenir à ce que c’est que la culture.

Nous en avons fait soit une accumulation de savoirs épars, divers et variés ou encore un terrain d’épanouissement de notre moi, de nos sentiments, de nos impressions, de nos ressentis. En retenant l’une ou l’autre de ces deux définitions on tombe dans un piège inévitable car on perd le sens de la culture. Je me référerai encore à Rémi Brague et à sa conférence de carême à Notre Dame de Paris le 14 février 2016[2].

« Une information n’est appelée « culture » que dans la mesure où elle constitue un code permettant de se reconnaître comme appartenant à une même entité, qu’il est aisé de désigner elle aussi par le mot, justement, de « culture ». »

« La culture est ce qui permet l’orientation dans le monde. L’orientation n’est pas un simple repérage, car si le repérage nous permet de savoir où nous sommes, l’orientation nous aide à savoir vers où nous allons. Le repérage nous situe, par exemple, dans un groupe socioprofessionnel, il nous éclaire sur notre appartenance. L’orientation implique un dynamisme, elle nous dit par où nous passerons si nous allons dans une direction déterminée. Quant à savoir quelle direction nous devrions choisir, c’est l’affaire de la culture. »

« Dans toutes les règles de la culture, on fabrique du sens, et on le fabrique avec ce qui permet aussi de le fabriquer dans d’autres domaines, en se servant de la même matière première : on fait du sens avec de la différence. »

L’accès à la transmission nécessite donc une démarche positive d’adhésion à un corpus qui fait sens.

La difficulté que nous rencontrons résulte de notre incrédulité et de notre individualisme. Chacun pense pouvoir se forger son chemin, donner du sens à sa vie sans plus accepter l’argument d’autorité. Toutes les autorités sont ébranlées, remises en cause, contestées, décrédibilisées de telle sorte qu’il devient impossible de faire confiance à qui que ce soit, à quelque institution que ce soit, à quelques tiers que ce soit.

Cela est vrai dans tous les domaines de l’art – je pourrais multiplier les exemples - mais encore et surtout dans celui de la religion réduite au sentiment religieux et affranchie de toute pratique au cœur d’une institution comme l’Eglise catholique. Chacun se suffisant de sa relation à la conception qu’il se fait de Dieu et de la morale.

Il s’agit donc de retrouver le chemin de la source… L’envie. Le désir. La soif !

Pour cela, il faut combattre l’indifférentisme, le relativisme, le multiculturalisme ; en clair toute cette culture qui n’est en réalité qu’une absence de culture par suite du rejet du sens qu’elle doit avoir. Refuser le dogmatisme des apprentis sorciers de la « new culture », de l’a-culture ! Il nous appartient, au quotidien, autour de nous, dans nos échanges, dans nos discussions, dans nos transmissions de garder à l’esprit la nécessité d’avoir un cap. Faute de cap, pas de sens. Faute de sens pas de soif et donc pas d’espérance et pas de croyance.

C’est un combat quotidien. Le nôtre. Notre responsabilité. Transmettre. Donner du sens. Susciter le désir du bien et du beau pour croire et donner à croire. Tels sont les ressorts de la confiance.

 

 



[1] https://www.decitre.fr/livres/l-odyssee-de-la-transmission-9782378903466.html

[2] https://www.paris.catholique.fr/conferences-de-careme-a-notre-dame-19381.html

2 commentaires:

  1. Difficile de transmettre dans une société délibérément nihiliste et inféodée à tout ce qui fait du passé table rase…
    « Un homme sans mémoire est un homme sans vie ; un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » (FOCH).
    Espérons que l’avenir continue d’être éclairé par ce qui fait sens… et que Philippe de Villiers n’ait pas complètement raison dans ses prévisions apocalyptiques…

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