dimanche 18 mars 2012

DE L'ARGENT ET DU DROIT DE PROPRIETE

Avons-nous un problème avec l'argent ?

En quête de voix, les candidats à l'élection présidentielle se livrent dans l'improvisation et l'approximation à une surenchère pour « faire payer les riches ».

Synonyme de richesse, de propriété, de pouvoir, dans une société consumériste, libérale et déstructurée, l'argent est le catalyseur de bien des dérives économiques, sociales et politiques.
La crise économique et financière, les salaires à évolution exponentielle au profit d’une petite minorité, les profits extravagants réalisés par certains groupes, constituent un cocktail explosif conduisant à la nécessaire dénonciation des inégalités criantes de notre société. Mais la dénonciation n'est pas suffisante ; l’incantation et la démagogie non plus. Il faut aller plus loin, au fond des choses et des causes.

Aujourd'hui, tout s'achète, tout se consomme, tout est objet d'appropriation. La gratuité n'a plus de place dans la vie économique. Nous vivons sous le dogme et les diktats du marché comme du libéralisme le plus excessif que la social-démocratie, qui en est la sœur jumelle, n'a pas su combattre. Le consumérisme induit un rapport dévoyé de l'homme avec la nature, les biens et ses congénères. Il en est de même de la phobie de l'avoir qui s'est substituée à l'éthique de l'être.

En cette matière le bras armé de l'État est la fiscalité. Redistribuer et réguler par l’impôt. Mais qui dit fiscalité, dit politique fiscale et qui dit politique fiscale dit justice fiscale. Pour déterminer ce qui est juste il faut un fléau et une balance. Or aujourd'hui nous n'avons que les girouettes ou des miroirs aux alouettes. Nous sommes dans la redistribution idéologique, anarchique, hasardeuse et clientéliste.
Ce désordre cache un problème fondamental. D'autres que moi y travaillent de manière beaucoup plus approfondie, avec de vraies compétences et au prix d'analyses extrêmement sérieuses. Plusieurs questions se posent.

La première est de savoir comment faire évoluer une société consumériste vers un modèle permettant la poursuite d’objectifs autres que ce qui est éphémère.

La deuxième, qui est le prolongement de la première, est de déterminer quel peut être le rôle de l'argent et quel doit être notre rapport à l'argent et au pouvoir qu'il donne.

La troisième question concerne la valeur du travail qui ne se réduit pas à son seul coût et à une dimension exclusivement économique. Peut-on s'approprier le travail de l'autre, comme le proxénète s'approprie la fille qu’il met sur le trottoir ? Comment bâtir une économie dans lequel la propriété sert le travail de l’homme, et non l’inverse ?

La quatrième question est naturellement celle du droit de propriété. Paul Jorion développe actuellement son idèe de la remise en cause de l’abusus du droit de propriété[1]. Son travail est très intéressant. Il pose la question de savoir s'il est légitime de permettre aujourd'hui au titulaire du droit de propriété de revendiquer une part de richesse créée par le travail des autres. Cela nous renvoie aux rapports entre le capital et le travail, mais aussi et plus fondamentalement à la conception même du droit de propriété. Et la réponse n’est pas réduite à l’alternative entre le libéralisme et le marxisme….
Le droit de propriété a été érigé en absolu par le code Napoléon. Cette conception était contraire à la doctrine chrétienne forgée par saint Thomas d'Aquin dont il faut relire ce texte : « l'homme ne doit pas posséder des biens extérieurs comme étant propres et comme étant communs en ce sens qu'il doit être disposé à en faire part aux autres dans leurs nécessités »[2]. Ce que la doctrine sociale de l'Eglise a depuis lors toujours affirmé, et qu'elle continue d'enseigner. Quelques citations : « Les moyens de production ne sauraient être possédés contre le travail et ne peuvent être non plus possédés pour posséder »[3]. « La propriété privée et publique, ainsi que les divers mécanismes du système économique, doivent être prédisposés en vue d’une économie au service de l’homme »[4]. «  La propriété privée quelles que soient les formes concrètes des regimes et des normes juridiques relatives à celles-ci n’est par essence qu’un instrument pour le respect du principe de la destination universelle des biens et, par conséquent en dernier ressort, non pas une fin mais un moyen »[5].
L'homme doit rendre compte de son exercice du droit de propriété; il n'est qu'un gestionnaire, intéressé mais soumis aux impératifs du bien commun, débiteur d'une obligation de rendre des comptes…

Le pouvoir de l’homme a été accru par le développement technique et économique ainsi que par le capitalisme financier. Les dérives résultant de cette notion pervertie du droit de propriété et de la relation de l'homme avec les biens ont de ce fait pris des proportions de plus en plus intolérables. Celles-ci ont été dénoncées par d’innombrables apprentis sorciers séduisants mais piègeant le débat par des approches dialectiques qui se nourrissant de ce qu’elles dénoncent, et qui n’apportent pas de solutions. Il n’y a qu’à constater l’incapacité de toutes nos politiques à apaiser les maux dont nous souffrons collectivement et individuellement.

Nous le voyons, la problématique est celle des valeurs qui fondent les rapports économiques. C'est une remise en cause fondamentale de notre système juridique, économique et social qui est nécessaire. Comment et quand en prendrons-nous conscience ? Que faudra-t-il pour que nous nous y résignions ? Il ne semble pas que ce soit pour mai 2012…

[1] http://www.pauljorion.com/blog/
[2] Somme théologique II-II 66 2
[3] Jean Paul II « Laborem exercens » , 14
[4] Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 283
[5] Paul VI « Populorum progressio », 22-23

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