Avec nos agriculteurs c’est une partie de notre identité
qui s’en va. La crise agricole n'a pas qu'un aspect économique. Elle ne se
limite pas à la disparition d'une partie des entreprises agricoles françaises.
Il s’agit d’une déstabilisation profonde du monde rural français pourtant
essentiel dans le maillage du territoire national. C'est une partie de
nous-mêmes qui est menacée. Membres de la majorité de nos familles, nos
agriculteurs, sont chacun, un peu de nous-mêmes. Le lien entre la France et son
agriculture ne remonte pas qu'à Sully et son célèbre « labourage et pâturage
sont les deux mamelles de la France ». Fille de la Rome paysanne chantée par
Virgile et ses « Georgiques », la France est agricole. Ses paysages sont
marqués par l’empreinte de ses exploitations ; il faut les survoler en
avion pour s'en convaincre, encore aujourd'hui, même si l'industrialisation de
l'agriculture a déjà fait de grands ravages. La France ce sont des champs
cultivés ; la Beauce enserrant la cathédrale le de Chartres dans un écrin
de blés mûrs. Ce sont des animaux qui
paissent pour nous donner leur lait ou leur viande ; sans passer par des
abattoirs qui sont à l'image de ce que cette modernité peut produire de plus
insupportable. La France ce sont des produits agricoles que nous avons appris à
aimer et à magnifier. La France c'est l’amour de ses produits et de leur transformation.
Ce sont ses fromages. Ce sont ses viandes de qualité exceptionnelle. C'est son
blé, son orge, ses fruits et ses légumes.
Tout ce que la terre est capable de
produire, le paysan français l'a fait mûrir sur notre territoire aussi riche que
diversifié. Nous n'aurions pas la cuisine la meilleure du monde si nous
n'avions pas notre agriculture. Nous n'aurions bien sur nos vins si nous
n'avions pas notre agriculture. Et puis nous n'aurions pas ce lien si fort avec
notre terre ; cette terre que nos anciens ont appris à soupeser, à sentir, à
faire fructifier. Cette terre que nos écrivains ont fait vivre, que nos poètes
ont chantée, que nos peintres ont sublimée et que nos troubadours et nos artistes
ont chantée.
Tout cela est en train de partir sous nos yeux
impuissants. On nous le vole en le soustrayant d’abord à ceux qui de père en
fils en ont été les artisans à force de travail, d’amour et d’abnégation !
Au bord du désespoir nos agriculteurs se
suicident à une cadence qui glace le sang. Notre politique agricole est un
échec cinglant. Roland Hureaux en fait la démonstration irréfutable dans un
blog que je vous invite à lire[1]. Tous nos gouvernants sont
responsables. La politique agricole commune que le général De Gaulle imposa au
grand dam de certains planificateurs qui depuis lors ont pris leur revanche, a
été dénaturée, abandonnée, bradée sur le marché international. Et nous nous
apprêtons à continuer avec les négociations internationales en cours. L'Europe
a été incapable de préserver ce qui faisait précisément la force et l'identité
de son agriculture, c'est-à-dire au-delà de l'aspect alimentaire et de
survivance, la qualité de ses produits. Est-il concevable, acceptable que nous
ne puissions plus boire un bol de ce lait dont la cuisson produit cette belle
crème épaisse et jaune que nos grands-mères retiraient minutieusement avec leur
écumoire ? Est-il normal qu'il faille se cacher aujourd'hui pour acheter un
litre de lait qui ait encore « le goût de vache »? (Je viens de le
vivre il y a quelques jours à la montagne ; ce fut un véritable parcours
du combattant pour en acheter…) Est-il normal que tous nos produits perdent
progressivement leur substance et leur qualité à coups de réglementations et de
contraintes insupportables ? Est-il normal que ces contraintes fassent le lit d’une
agriculture dévisagée qui perd son identité en sacrifiant la qualité de ses
produits pour devenir un immense marché de produits alimentaires tous
identiques, sans goût, sans attrait ? Ce dont le lait des mille vaches est
la parfaite illustration.
Ce soir je suis « agriculteur » !
Face à cette situation nous avons un devoir. Celui d'être
solidaires. Nous ne pouvons pas laisser mourir nos agriculteurs et laisser disparaître
avec eux ce qui fait notre fierté, notre identité, notre richesse et en même
temps leur propre raison de vivre. Mais quand on a dit cela, on n'a rien dit… Nous
avons le devoir impérieux d'aller au-delà de la seule manifestation de notre
solidarité. Il faut qu'elle se concrétise. Aussi pour ma part je vous engage d'abord
et très simplement à prendre la décision de ne plus acheter que des produits français.
Et dans toute la mesure du possible d'essayer de rechercher des produits de
qualité. Cela est possible avec les circuits courts. Ils sont la chance de nos
agriculteurs. Cela peut très vite faire boule de neige…
Et, puisque tous n'auront pas les moyens de s'acheter des
produits nécessairement plus chers, il faut que nous développions des trésors
d'imagination afin qu'avec nos commerçants nous soyons capables d'imaginer
d'immenses chaînes de solidarité. Je prendrai l’exemple de ce coiffeur qui dans
sa petite ville a décidé de proposer à ses clients de lui verser
systématiquement la somme qu'ils veulent pour abonder une caisse qu'il alimente
lui-même également afin de permettre à ceux qui ne peuvent pas se payer ses
services de venir dans son salon et d'être coiffé sans avoir à payer. Voilà un
exemple de ce que sur le terrain nous pouvons imaginer les uns et les autres,
alors faisons de même pour notre agriculture qui en a le plus grand besoin. A
nous de jouer !
Arrêtons de nous payer de mots, d'idées, de révolte à bon
compte, de propos de comptoir, de discours. Au stade où nous en sommes arrivés,
l'agriculture française ne peut plus être sauvée que par elle-même et par les
Français. C'est une œuvre de salut public. Elle s'impose. Nous n'avons pas le
droit de nous défiler…
Oui nous sommes « agriculteurs » et nous allons
le montrer !
J'apprécie beaucoup votre blog et vos articles sur Bd Voltaire ; je partage votre point de vue sur bien des domaines. A Saint Raphaël, on aurait besoin de gens comme vous pour proposer une autre politique municipale ; j'espère que vous rejoindrez une liste d'opposition à l'équipe en place
RépondreSupprimer