dimanche 21 janvier 2018

JOUER SA PEAU?

La semaine écoulée a placé les avocats face aux défis de l'immixtion de l'intelligence artificielle dans le monde de la Justice; ce qui n'est pas une surprise même si ma profession a l'impression que le ciel lui tombe sur la tête.... Une fois de plus le Président Macron va faire avancer le France et les français à marche forcée sous le vent déstabilisant  de la modernité. Il en résulte bien des incertitudes.  Il s'agit d'une épreuve de vérité et d'adaptation au coeur d'inévitables bouleversements. Cette actualité a correspondu pour moi avec le début de la lecture du livre d'un auteur qui nous pousse à revoir nos certitudes et dont je crois qu'il pose une question essentielle. Il s'agit de "JOUER SA  PEAU" de Nassim Nicolas Taieb, l'auteur du fameux "CYGNE NOIR".



Quelle est sa thèse? Avoir quelque chose à perdre et accepter les prises de risques constituent des règles essentielles et salvatrices.

Or, pour revenir à l'actualité de la justice et de ses réformes, force est de constater que nos milieux professionnels ne sont pas prêts à accepter les transformations et les remises en cause provoquées par la mutation numérique! Ne rien perdre! Refuser les prises de risques! Mais qui accepterait de gaieté de coeur de revoir son modèle professionnel et économique avec son cortège de sacrifices et d'abandons? Chacun s'interroge sur de quoi demain sera fait, en même temps qu'il est tenté par la défense de ses avantages acquis, aveuglé par son incrédulité, inquiet des répercussions sur son exercice professionnel et incapable de se projeter dans un avenir dont il repoussait la prévisibilité.... L'enjeu est-il vraiment de "jouer sa peau"?

Étrange sentiment pour moi, tant je suis partagé entre la confirmation de ce que je voyais poindre à l'horizon et les doutes comme les questionnements sur la bonne attitude à adopter pour s'adapter avec efficacité!

Notre époque présente cette particularité de nous bousculer dans nos certitudes, de nous déstabiliser en accélérant la course du temps, et de nous faire croire qu'il n'y a plus rien de permanent...Plus rien n'est acquis pour personne. Nous sommes condamnés à l'innovation et à l'adaptation. La disruption nous est proposée comme un défi! Et pour se faire il faut intégrer la notion de prise de risques... Tout l'inverse de ce que nous propose notre modèle social et politique bloqué et sclérosé.

Il nous revient donc de casser les codes d'une sytème social paralysé, non pas par ses traditions chrétiennes ou sa civilisation, mais par son conformisme et son incapacité à admettre que l'essentiel soit ailleurs que dans nos réussites professionnelles même si celles-ci sont légitimes.... Réussir bien sûr, mais accepter que nos réussites ne sont au fond pas une fin en soi. Voir au-delà, plus loin, malgré les tourmentes et en acceptant les exigences de la distinction entre ETRE et AVOIR. 

Au fond ce début de siècle est riche d'opportunités à saisir dans tous les domaines. Tout est à ré-inventer. L'actualité la plus récente nous en fournit de multiples illustrations. Il y a l'irruption technologique dans tous les domaines qui nous impose de chercher les clés de la maîtrise dans les invariants et l'histoire. Mais aussi la place de la vie avec les débats relancés sur la bio-éthique, la complémentarité de l'homme et de la femme, le sens de l'amour, la place de la religion, la définition de la tolérance, le rôle de la conscience...

Tout est nôtre! Tout est à inventer dans la fidélité aux universaux et la capacité à remettre en cause ce qui n'est jamais acquis! A cet égard les réflexions de Nassim Nicholas Taieb sont riches d'enseignement. Il s'agit de jouer sa peau pour sauver l'essentiel, de revoir ses modèles, ses modes d'agir et de penser , pour adopter une attitude positive et profitable au-delà de notre intérêt immédiat....

Semper idem....







2 commentaires:

  1. Nous sommes là, cher Bernard, dans au cœur d'une problématique que la révolution mondiale de l'information rend particulièrement angoissante pour ceux qui sont dépourvus d'Espérance...
    Cela étant dit, est-ce vraiment nouveau pour l'homme de s'inquiéter des conséquences apparemment délétères des innovations ? N'assistons-nous pas simplement à une nouvelle échelle du processus économique de "destruction créatrice" décrit par Joseph Schumpeter ?
    Le problème est sans doute exacerbé aujourd'hui par le fait d'une accélération du processus et par l'apparition de "penseurs" radicaux faisant peu de cas de la spécificité de la nature humaine, et qui considèrent que toute intelligence n'étant qu'"algorithme", rien ne s'oppose à l'émergence à tout le moins de l'homme augmenté, voire du Cyborg ou même du robot qui aurait selon certains scientistes (dont Noah Harari : "Homo Deus") vocation à remplacer l'homme (médecins, avocats, militaires, etc,), dont les connaissances et l'intelligence seront rapidement dépassées par l'intelligence artificielle.
    Mais dans ce cadre, deux questions se posent néanmoins : quid de la conscience, qui donne son sens à l'intelligence, et quid de ceux qui ne seront pas retenus parmi les "happy few" qu'il faudra bien sélectionner comme maîtres du monde ?
    CR

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  2. Oui. Je t’invite à lire une excellente interview dans le dernier numéro de la revue ÉLÉMENTS de deux polytechniciens qui militent pour une interdiction de l’intelligence artificielle

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