L'enjeu de la réforme de la SNCF est emblématique et éclairant. Au-delà de la défense du statut, c'est la question de nos services publics qui est en cause.
Le Président Emmanuel Macron veut imposer sa vision économique et compétitive de la politique. Il veut nous faire imiter les autres pays européens, à commencer une fois de plus par l'Allemagne! Cette vision n'a rien d'innovant. Il s'agit de prendre notre place dans l'orchestre concurrentiel que la politique européenne veut nous imposer. Le rail et ses réseaux ne peuvent plus être les outils d'une politique d'aménagement du territoire. Sous prétexte de compétitivité ils doivent être mis au service d'une conception sacrifiant les territoires aux métropoles régionales; une fois encore...
Que devons-nous faire de nos services publics? Nous les avons sacrifiés pendant des années à une politique syndicaliste et socialisante; permettant ainsi à quelques classes et à des syndicats d'en faire leur chasse gardée, de les utiliser au bénéfice d'une vision de la société héritée d'une conception qui a conduit à la faillite. Les chantres de la compétitivité ont le champ libre et peuvent prôner une politique sacrificielle. Et du fait d'un authentique dévoiement nous nous apprêtons à abandonner ce qui pourrait être le fleuron d'une politique moderne, visionnaire et tournée vers le bien commun.
Le bien commun est réduit à la compétitivité, à la concurrence! L'économique d'abord! Ce que le socialisme prétendait combattre, alors qu'en réalité il en avait fourvoyé les fondements et les principes directeurs! Le libéralisme et le socialisme sont frères siamois, semper idem!...
La vraie question est de savoir de quels services publics la France a besoin pour conduire une politique tournée vers le bien commun. La mode est de dénoncer un Etat héritier du colbertisme et de tout ce que ce grand ministre et Louis XIV avaient créé pour faire de la France un Etat moderne et puissant permettant de servir les intérêts du peuple dans toute sa diversité . Malgré la parenthèse révolutionnaire, la structure de nos services publics est héritée de ce qui fut imaginé au cours de ce règne historique à de multiples égards. Il est impressionnant et révélateur de dresser l'inventaire de ce qui fut édifié à cette époque.... Car ce que la France du Président Emmanuel Macron s'apprête à casser sous prétexte de construire un Etat performant, ce sont précisément ces corps de l'Etat qui avaient structuré une politique du bien commun vieille de plusieurs siècles.
La politique française, à l'image de sa langue et de sa culture, se fonde sur la richesse
de l'humain, sa grandeur, sa beauté et sa fragilité! Grâce à un Etat né
de la politique, de la volonté politique, dans une Nation diverse et
unie grâce à cette action unique dans l'histoire des nations. Une chose est de
proclamer la grandeur de la France, une autre est de la soutenir et de
l'assurer!
Il en sera de manière significative, et peut-être surprenante pour certains..., de la SNCF comme de la Justice! De l'efficacité! De la compétitivité! L'humain doit s'adapter. La politique ne doit plus se plier à ses exigences; c'est l'homme qui doit s'adapter! La parallèle avec la Justice est significatif. Au-delà du fait que les deux réformes sont concomitantes, elles ont en commun de sacrifier les services publics qu'elles incarnent et assurent. La France en tant que Nation à travers ses territoires est devenue une variable d'ajustement. Ce qui compte est de se soumettre aux impératifs économiques et financiers définis à un niveau international. L'aménagement du territoire ne pèse pas! Les contraintes d'une justice de qualité, non plus! Nous pourrions évoquer la médecine qui subit le même sort avec la disparition de l'exigence de proximité et de qualité... Qu'en sera-t-il de l'enseignement au-delà des discours opportunistes et rassurants de notre ministre? Nul doute que là encore le service public, miné de l'intérieur par le clientélisme syndical et des visions destructrices des conditions d'un enseignement de qualité, ne pèsera pas lourd....
Nous le voyons l'enjeu est dans le choc entre une modernité dominée par les dogmes économiques du capitalisme financier et la vision d'un Etat tourné vers la recherche de l'intérêt des citoyens autour et à partir d'une véritable conception du bien commun. Le problème est qu'à l'instant où nous nous trouvons aucun parti n'incarne cette vision "a-capitalistique" et politique au sens classique du terme....
Faudra-t-il attendre que cet Etat approprié par un pouvoir dévoyé s'effondre parce qu'il a perdu sa légitimité? Faudra-t-il une révolution pour obtenir ce retour à une saine soumission à nos intérêts et nos véritables besoins?
Quels sont tes besoins ? Ou sont tes intérêts ? Le savent-ils ? Comme tu le dis, ce sont les syndicats qui parlent pour nous... les syndicats et les blocs de puissants (finance, certains industriels comme la pharma, le pétrole etc...) Peu de chance de trouver des points communs entre la classe moyenne catho et ceux là. Dès lors, il faut revoir le dialogue du peuple avec ses politiques ou alors attendre des politiques attentifs à nos vrais besoins.
RépondreSupprimerDe toutes façons, quand bien même Macron serait-il conscient du bien commun, il classerai ce concept au rang de tous les autres: est- il utile et efficace?
"une idée n'est ni bonne ni mauvaise; elle est utile ou non" disaient les gourous du pragmatisme en 1900. Le bien commun est un concept inefficace et donc inutile.
On se demande bien comment ils font pour juger de l'efficacité sans repères puisqu'il semble qu'il n'y ait plus de vérité.
Plus que jamais je pense que c'est à l'individu de réagir et plus à la classe politique. trop tard puisque la démocratie permet aujourd'hui d'écarter le bien commun de ses axiomes.
donc ça va péter ? ça péte déjà ? encore une fois si il est vrai que les avocats ont fait un peu la grève, ce sont les syndicats qui mènent encore la danse...
alors ok pour la révolution. Le problème c'est que j'ai piscine à 18 h et demain la météo est mauvaise...
"Ce que la France du Président Emmanuel Macron s'apprête à casser sous prétexte de construire un État performant, ce sont précisément ces corps de l'État qui avaient structuré une politique du bien commun vieille de plusieurs siècles", dis-tu mon cher Bernard...
RépondreSupprimerSans doute, mais encore faut-il bien s'entendre sur le contenu de ce concept de "corps de l'État", en d'autres termes sur le contour des missions régaliennes, dont je ne suis pas certain que le transport des usagers du rail fasse partie, cela d'autant moins que le personnel syndiqué qui y sert (ou plutôt qu'y s'y sert...) a vraisemblablement une perception curieuse du service de l'État.
Devrais-je ici rappeler le nombre de militaires français morts du fait des sabotages des cégétistes de l'industrie d'armement aux ordres de Moscou en 39 et 40 ?
Puis-je ici souligner que la place aberrante des syndicats dans des services publics est un anachronisme issu de la fin de la guerre et le résultat d'un "deal" entre le parti communiste et le général de Gaulle qui nous a préservé du danger d'un régime communiste. N'est-il pas temps de remettre en cause tout cela ?
N'est-il pas patent que ce qui est inscrit en filigrane dans cette grève, c'est l'attaque des statuts "sacrés" du cheminot ? dont la disparation - à en croire certains de ses thuriféraires, signerait la mort du service public ?
Faut-il rappeler ici que parmi les services publics, il en est un à qui personne ne saurait faire le reproche de placer ses intérêts catégoriels avant ceux de la Répubique, c'est bien notre Armée...
Les "avocats" de la SNCF savent-ils que 80% des effectifs des armées françaises sont des contractuels en CDD ? la Défense du Pays est-elle compromise pour autant ?
De qui se moque-t-on ?
Bien à toi.
CR
J'ai laissé entendre dans mon billet, peut-être pas de manière suffisamment explicite que les syndicats se sont appropriés les services publics de manière abusive. Je suis donc d'accord avec toi de ce point de vue même si il ne faut pas non plus stigmatiser une catégorie de fonctionnaires de façon excessive; ce qui constitue un risque du conflit social qui éclate. Quant à la question de savoir si "le rail" doit constituer un service public elle mérite en effet le débat. Je pense pour ma part, comme Henri Guaino par exemple, que oui dans la mesure où le rail est un outil de l'aménagement du territoire. La privatisation entrainera la disparition de lignes et accélérera la montée en puissance des grandes métropoles au profit du reste des régions. C'est un risque réel. La question ne se réduit pas à celle du statut comme le conflit actuel le laise à penser....
SupprimerCher Bernard, les cheminots ne sont pas des fonctionnaires à proprement parler... mais c'est vrai que leur statut les place dans une situation assez comparable au plan de la protection. Ce qui à mon sens leur confère justement des devoirs qu'ils semblent peu enclins à remplir... Pour moi qui ai servi l'État pendant 40 ans, si la protection syndicale des travailleurs du secteur privé est une impérieuse nécessité, le secteur public, offre une protection statutaire qui doit permettre de remplir son devoir sereinement... ou presque.
SupprimerEncore faut-il que chacun respecte son rôle et qu'en l'occurrence le sens du devoir du soi-disant "service public SNCF" soit incarné par des employés conscients de leur position singulière, voire exorbitante du droit commun.
Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, je te rejoins partiellement même si la "place de la gare" de notre enfance n'est plus vraiment ce qu'elle était. En outre, la politique d'aménagement dudit territoire par l'État n'est plus vraiment une réussite depuis le début de ce siècle... Par ailleurs, dans le cadre de la directive européenne d'ouverture à la concurrence du rail désormais incontournable, s'il y a une demande, il y aura une offre de la part de tel ou tel opérateur, public ou non.
En toute amitié.
CR