dimanche 7 avril 2019

JE SUIS ALLE BOIRE A LA SOURCE DU PROGRESSISME SELON MACRON


J’ai voulu boire le lait nourricier du progressisme ; aller à la source afin de savoir quel est l’esprit qui souffle chez ceux qui nous gouvernent. Je me suis donc imposé la lecture de « Le progrès ne tombe pas du ciel ».



Ce manifeste du progressisme écrit par deux des têtes pensantes qui ont inspiré la campagne et les premières années d’exercice du pouvoir d’Emmanuel Macron, David Amiel et Ismael Emelien, est difficile à identifier sur les plans intellectuel, philosophique et politique. 

Bâti sur des formules à l’emporte-pièce il se veut décapant et novateur. La Révolution selon Macron !

Il s’affirme comme la théorie de la sortie du clivage droite – gauche, de l’opposition soi-disant dépassée entre un libéralisme de droite conservateur et un libéralisme de gauche marxisant. Opposition dépassée qu’il y aurait lieu de renouveler au moyen d’une nouvelle clé : le progressisme. Il est contre l’immobilisme source de frustrations. Il veut permettre à chacun de choisir sa vie. Il est pour la maximisation des possibles aux lieux et place de l’égalité des chances. Pour l’école contre les diplômes. Il est contre toutes les discriminations. Il est pour une forme renouvelée d’individualisme s’appuyant sur la richesse du collectif. Promesse d’autonomie. Nourri d’optimisme, rejetant toute forme de pessimisme. Voilà pour les slogans… De quelle vision sont-ils l’expression ?

Les auteurs dénoncent les fantômes de l’ancien monde et prônent trois principes qui structurent leur réflexion :
  • La maximisation des possibles.
  • La nécessité d’agir ensemble.
  • L’exigence de commencer par le bas.
Ces axiomes sont ceux d’un mode d’exercice du pouvoir, une stratégie. Ils ne définissent pas une politique ; et encore moins une politique pour la France, dans l’Europe. La France est d’ailleurs la grande oubliée de l’inspiration de ce livre car on ne retrouve sa mention que lorsqu’il s’agit de dénoncer l’identité nationale. 

S’agissant justement de l’identité leur pensée est ambiguë ; elle ne serait qu’une mémoire sans frontières. S’ils admettent l’existence d’un péril identitaire ce n’est pas autour de la question des frontières mais autour de celle de la culture. Mais que mettent-ils derrière cette formule? David Amiel et Ismael Emelien ne nous disent pas ce qu’est cette culture sans frontières qui serait une identité… Ils en donnent seulement une idée de manière négative en dénonçant le risque de l’intégrisme sous toutes ses formes : la caserne, le kolkhoze et le couvent !

Au-delà des formules et de cette réduction de la réflexion politique à une question de méthode, les incohérences et les contradictions sont malheureusement nombreuses. Après l’identité je prendrai l’exemple de l’Europe. Les auteurs écrivent qu’il ne s’agit pas pour eux « de vouloir des abandons de souveraineté mais un surcroît de souveraineté ». « L’union européenne ne serait pas en concurrence avec les nations, mais à leur service. Ce n’est pas une supra nation européenne que nous voulons bâtir mais une Europe des supers nations » ! … Et quelques pages plus loin « il faut faire accepter des transferts de souveraineté » ! En l’absence de toute définition de la souveraineté, ce discours est incohérent et contradictoire comme d’ailleurs celui de Madame Loiseau lors du premier débat de jeudi soir fut l’illustration…. Plus ou moins d’Europe ? Quels abandons de quelle souveraineté ? Le ni droite ni gauche a ses limites…

Quelques pages plus loin j’ai cru voir poindre la lumière lorsque j’ai lu : « l’union européenne doit permettre de protéger des choix de civilisation contre des décisions trop volatiles ». Je m’attendais, à tomber enfin sur la définition de quelque chose de profond, d’ancré dans une philosophie, une conception de l’être, du collectif. Que nenni ! Les auteurs n’évoquent ensuite dans la même phrase …, que des enjeux d’intelligences artificiels ou environnementaux. Il ne s’agit pas de dire que ces derniers soient inintéressants ou sans importance mais on n’est pas au niveau de la civilisation… ; il est toutefois encore écrit un peu plus loin qu’il faut accepter que « l’Europe se charge de grands sujets quitte à se rendre temporairement impopulaire » ; mais on retombe immédiatement encore dans la technique… les grands sujets ne sont pas définis, à moins qu’il ne s’agisse de la décarbonation qui est invoquée quelques lignes plus loin. Là encore, sans minimiser le sujet ni son importance, nous ne sommes pas au niveau de la civilisation et de ses enjeux… Explication embrouillée donc et malheureusement vide de contenu politique au sens noble du terme…
Je n’ai pas trouvé de vision politique…

L’un de leurs objectifs serait d’utiliser le sentiment d’appartenance à une organisation - la camaraderie et la fraternité - non pour le pire mais pour le meilleur. C’est ce qu’ils proclament en dénonçant les périls nazis et intégristes mais sans jamais les définir, ni chercher à en identifier les racines. Les auteurs écrivent ne pas vouloir repeupler la Terre de mythes ou inventer une nouvelle religion politique ; c’est donc bien la fin du politique dont il s’agit ! Mais fuir le terrain politique au motif qu’il est dangereux ne fait pas une politique…
Certes les auteurs nous distillent sous l’intitulé « l’individu sans l’individualisme » qu’ils ne veulent plus être ni de la chair à canons, ni de la chair à dogmes, ni de la chair à partis. D’accord… mais alors, que veulent-ils être ? Une humanité augmentée ! C’est-à-dire pour eux une humanité dégagée de tout frein, de toute retenue, de toute frustration, de toute barrière. Le progressisme est une course vers l’idéal individualiste de la définition de soi par soi… Ils pensent que l’homme est un idéal et que le rendre capable de s’accomplir est une idéologie suffisamment révolutionnaire pour inciter à l’engagement. « Si l’homme est un idéal nous ne pensons pas que chacun puisse être son propre idéal ». Voilà ce qui serait croire à l’individu sans individualisme, l’apport du progressisme par rapport au libéralisme…

Par contre bien que voulant casser tous les intégrismes ils ne s’affranchissent pas de certains poncifs de la République la plus républicaine… Car ils veulent affranchir les enfants de l’obéissance source de frustrations…, les soustraire à l’autorité de leurs parents et de leurs familles : « nous savons que la pression de la famille, des voisins, des camarades de classe peut très forte sur les enfants qui n’ont pas la capacité de choisir de manière autonome leurs convictions. Il faut les protéger, et d’abord à l’école » ! Car le principe fondamental c’est l’autonomie et la possibilité pour chacun de choisir lui-même sa vie ! Et au fond pour les auteurs il n’y a qu’une seule contrainte qui soit à la fois juste et efficace car elle fait confiance au jugement de chacun pour traiter chaque situation de manière appropriée : c’est la contrainte sociale ! Comprenne qui pourra…. Ce que j’ai compris pour ma part avec ces développements c’est que leur projet est constructiviste et qu’il tombe sous le coup de la condamnation pour totalitarisme de tous les projets individualistes telle qu’elle est formulée par Paul-François Schira (voir mes billets à ce sujet).

Leur conclusion enfin désigne l’ennemi - le populisme - celui que le progressisme s’est choisi pour exister ! Nous retrouvons ainsi la ligne martelée par le Président du progressisme contre le populisme… Technique profondément révolutionnaire, mais au plus mauvais sens du terme, de tous les totalitarismes qui consiste à désigner ses ennemis et à les cataloguer pour les discréditer…
Car leur véritable adversaire n’est pas celui-là !

L’antithèse de la politique qu’ils veulent sournoisement nous imposer en la déguisant par des slogans c’est l’enracinement ! La politique de l’enracinement dont les fondamentaux sont développés par Paul-François Schira dans le sillage dans la grande Simone Weil…

Semper idem…

1 commentaire:

  1. Pas de frontières, pas de murs, pas de famille, pas de vérité, pas de valeurs, du mouvement, rien que du mouvement, sans racines... Comme dirait Philippe de Villiers,on est en plein délire lili-bobo.
    CR

    RépondreSupprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog