Comme toutes les épidémies la crise sanitaire nous impose
la distanciation. La distance semble interdire la communion. Nous enrageons,
nous nous révoltons. Nous crions à l’injustice ! En vain... C’est ce que je fis, de manière disproportionnée,
excessive, manichéenne, sur ce blog à propos de la messe. Mea culpa ! Distance et communion sont-elles vraiment incompatibles?
Certes nous prive-t-on de la messe, comme on nous prive de ceux qui nous sont chers, et donc de cette relation charnelle que nous pouvons avoir avec nos familles et nos amis, comme avec notre Seigneur qui s'immole réellement pour nous sur l'autel.
Nous ne décidons pas !... Sans s’interdire de réfléchir et d’avoir une opinion, force est d’admettre qu’il ne sert au fond pas à grand-chose de se faire juge de ceux qui nous gouvernent et de gaspiller son temps, son énergie à refaire le monde en permanence…
Ne devons-nous pas plutôt prendre ce qui vient, qui nous est imposé, l'accepter, le faire nôtre même si nous ne l'avons ni voulu ni désiré ? Dire oui, avec humilité comme Marie dont nous célébrions hier la fête de la présentation au temple...
Ces événements douloureux ne sont-ils pas au fond l'occasion offerte de vivre autrement, plus intensément, plus profondément la relation à l'autre et la relation à Dieu ?
Voilà pourquoi il m'a semblé intéressant et judicieux de demander à un homme d’Église de bien vouloir nous soumettre une réflexion sur la communion spirituelle que l’Église a toujours mise en avant et que les fidèles ont trop souvent ignorée. Grand merci à Mgr Jean-Marie Le Gall d’avoir accepté de nous livrer ses réflexions. Je lui laisse la plume.
De la communion sacramentelle à la communion spirituelle…
Je me souviens d’une très belle réflexion de S. Jean Paul II méditant sur les liens qui unissent la vie spirituelle personnelle et la vie sacramentelle, tout particulièrement celle qui nous est offerte dans l’Eucharistie. Il parlait d’un accomplissement, d’un achèvement lorsque nous savions orienter jusqu’à unir notre vie intérieure personnelle à la vie liturgique que propose l’Eglise.
« Je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un ouvre la porte, j’entrerai chez lui… »
En effet, notre prière personnelle n’est autre qu’une soif de communion, un désir d’être un seul cœur avec le Seigneur, d’accomplir à tout moment Sa volonté de Salut sur les hommes. Et bien sûr, cette union sponsale entre le serviteur et le Maître trouve son achèvement lorsque c’est le Maître Lui-même qui vient à nous pour nous nourrir de Sa Vie !
Cet accomplissement, bien sûr, n’est pas au programme de chacune de nos journées puisqu’il nous est rarement possible de nourrir quotidiennement notre vie par l’Eucharistie.
Mais cette réflexion a l’immense avantage, en retour, de nous interroger sur la manière dont nous communions. Il n’est pas question ici des rites, de la main, de la bouche, mais de la préparation des cœurs.
Car si l’on retient cette analyse de S. Jean Paul II, on comprend alors que si l’Eucharistie vient achever notre désir d’union au Christ, elle n’aura d’efficacité réelle que si ce désir d’union préexiste à sa réception. Autrement dit, il y a une certaine relation de réciprocité entre notre vie spirituelle personnelle et notre vie sacramentelle eucharistique. Si la deuxième achève la première, la première fonde la deuxième, et c’est aussi sur ce point que voulait insister S. Jean Paul II.
« De même celui qui me mange vivra par moi »
Souvenons-nous du discours eucharistique de Jésus rapporté par Jean en son chapitre 6.
Au verset 57, Jésus dit : « De même celui qui me mange vivra par moi » ! Nous sommes ici en face du joyau de la révélation chrétienne qui nous dévoile qu’en communiant au Christ on ne fait littéralement plus qu’un avec Lui, comme Lui ne fait qu’un avec le Père précisait-Il juste avant.
Mais attention, Jésus précisera plus loin au verset 63 : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. » Autrement dit, ce n’est pas le geste rituel qui sauve, mais l’ouverture intérieure de notre cœur qui permet à Jésus d’y entrer pour y demeurer et m’envahir de Son Amour (cf. Apoc.3, 20)
Et cette ouverture intérieure de notre cœur, que nous sommes seuls capables d’accomplir et de mesurer, c’est la préparation spirituelle de notre âme par la prière personnelle et le désir de communion spirituelle qui en sont l’énergie.
« Pour moi, vivre c’est le Christ… »
Il est donc logique de dire qu’il vaut mieux, pour notre vie chrétienne, une tension intérieure omniprésente vers Jésus, (ce que les Pères appelaient « la garde du cœur »), même si elle n’est pas toujours achevée dans la perfection divine par la réception physique du Pain de Vie, qu’une communion eucharistique sacramentelle qui n’a pas été préparée par le désir profond de nous unir sponsalement à Celui dont nous voulons accomplir la volonté en vivant de Son Amour, et qui sera donc stérile.
Quand Jésus dit aux apôtres : « Sans moi vous ne pouvez rien faire », c’est-à-cette présence sponsale qu’Il se réfère (en utilisant l’image de l’union des sarments au cep), une présence active comme Paul l’avait bien compris lorsqu’il écrivait : « Pour moi, vivre c’est le Christ… » Et encore : « Ce n’est pas moi qui vit mais le Christ qui vit en moi ! »
« Afin que nous portions du fruit et que notre fruit demeure ! »
On est donc bien face à la mystérieuse réalité sponsale de la vie chrétienne qui nous offre de diminuer jusqu’à n’être plus rien pour que l’Epoux grandisse en nous jusqu’à être Lui-même notre tout !
C’est pourquoi, si l’on me demandait mon avis sur la situation actuelle de confinement qui nous empêche d’assister en présentiel à nos messes et d’y recevoir l’Eucharistie, je dirai que c’est une occasion à saisir pour nous de voir avec quelle profondeur, dans notre vie personnelle de prière, nous désirons, déjà ou non, nous unir au Christ, et travailler à développer cette faim intérieure !
Afin que lorsque les communions sacramentelles seront à nouveau permises, nous puissions nous avancer avec un appétit spirituel plus grand et nous laisser nourrir avec abondance pour demeurer en Lui et Lui en nous, afin que nous portions du fruit et que notre fruit demeure !
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