mercredi 28 juillet 2021

MON ETE AVEC LA FONTAINE: LE MIRACLE FRANCAIS DES FABLES

Le miracle « LA FONTAINE » est français.


Dans son « LA FONTAINE ET SES FABLES » H. TAINE le décrit comme l’incarnation d’un esprit gaulois. Il est vrai qu’il y a du RABELAIS chez cet épicurien. Pour ma part je le prends plutôt comme français, classiquement français par son intelligence, sa poétique, son élégance, par la pureté de son écriture et l’universalité de son jugement.

Notre « poète-ami » a adapté et mis au goût du jour des fables grecques d’ESOPE, des fables romaines d’HORACE et de PHEDRE, des fables issues de la littérature brahmanique et bouddhique et enfin du Moyen-âge de BOCCACE qui avait déjà procédé selon une méthode dont il s’inspira.

Maniant paradoxes, palimpsestes et métamorphoses, écrivant avec modernité dans une langue vernaculaire et maniant la versification qu’il révolutionna avec ses vers libres, il a fait œuvre de civilisation. Ses fables dont les histoires sont anciennes et lui viennent en héritage des grecs, des romains et des orientaux deviennent françaises par l’effet de sa talentueuse alchimie. Il adopte. Il transforme. Il actualise. Il éternise. Cela en nous transportant pour les besoins de sa création artistique dans cet univers fabuleux qui devient le sien.

Il a progressivement mis de côté ses contes, pour écrire ses fables dans le but de dire avec  finesse et lucidité comment étaient son époque et l’humanité. Louis XIV qui lui en voulut jusqu’à la fin ne s’y est pas trompé ; il lui en tint rigueur plus qu’à d’autres qui pourtant savaient lui dire ses quatre vérités…. Pourquoi? Sans doute notre grand Roi avait-il compris que les fables étaient d’une cruauté inégalée et sans concession par la finesse de leur analyse, l’intelligence de leur écriture, la vérité des palimpsestes dont elles étaient le théâtre, la signification des métamorphoses mises en scène et la puissance des paradoxes qu’elles permettaient à leur auteur de souligner. Une cruauté créatrice qui était par ailleurs servie par la qualité de l’écriture, sa simplicité, la puissance évocatrice des images utilisées, un style irremplaçable et la musique unique de sa versification.

Ainsi Jean de LA FONTAINE fut-il un artiste insaisissable, unique en son genre et engagé qui jamais ne renonça à écrire ce qu’il pensait en toute liberté, avec un tel talent que même le Roi qu’il avait provoqué et critiqué dut accepter pour finir qu’il soit reconnu comme tel et honoré par l'élection de ses pairs à l’Académie française au siège de Colbert qu'il avait tant critiqué!

Ses fables sont le théâtre de la vie, de l'humanité dans ce qu'elle peut avoir de plus beau comme de plus critiquable. Un théâtre mis en scène et écrit avec tellement de vérité et de profondeur qu’il reste d’actualité contre vents et marées depuis 400 ans. Là n’est pas son moindre mérite ! C’est sans doute ce qui en a fait l’œuvre la plus saluée de notre littérature, par les plus grands et les plus modestes.

Un point doit être souligné et éclairci. Les fables sont morales. Qu'est-ce à dire ?L’auteur lui-même s’exprima ainsi : « l’apologue est composé de deux parties dont on peut appeler l’une le corps et l’autre l’âme. Le corps est la fable. L’âme la moralité. » Mais notre poète de 400 ans ne fait pas la morale ! On ignore au fond toujours ce qu’il pense, quelle est sa morale à lui… Catherine GOLLIAU écrit dans LE POINT que « la moralité selon LA FONTAINE est une invitation é réfléchir » ; elle souligne qu'il s’agit de nous aider à former notre jugement. Jean notre frère poète tire les leçons des comportements qu’il décrit par fables interposées. Il souligne. Il ironise. Il poétise. Il magnifie. Il ridiculise. Il aime. Il critique avec cette distance prise grâce à son alchimie et sans jamais se poser en censeur ou en juge. Quelle habileté! Quelle puissance! Il tire les ficelles de la comédie humaine. En cela il vient en appoint de LA ROCHEFOUCAULT et ses maximes, de LA BUYERE et ses caractères, de MONTAIGNE ou encore de BALZAC mais avec cette singularité et cette accessibilité qui permettent à tous de l’adopter et de se l’approprier. En réalité il n'est pas un appoint. C'est lui le maître de l'analyse de l'humain!

Il est notre et tout est sien. 

Il nous permet de comprendre ce que c’est que cette civilisation que nous pensons avoir perdue et que nous ne savons plus définir…

Voilà pourquoi il faut le célébrer, le lire et faire l'effort de comprendre ce qu'il nous dit de nous! 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog