samedi 27 août 2022

MON PERIPLE CRETOIS

La Crête en aout. Une chaleur accablante m’attendait ... comme à la maison. Le soleil brillait ... comme en Provence. 


Bien que toujours au bord de la "MARE NOSTRUM " je foulais une autre terre, une terre sœur, celle de PYTHAGORE, PLATON et ARISTOTE ; non loin de là où la mythologie rapporte que ZEUS aurait grandi. Nous avons même failli visiter la grotte de son enfance…

Beauté des paysages. Gentillesse des habitants. Présence visible et invisible d’une civilisation ancestrale. Tout conduisait à l’émerveillement. À la condition bien sûr de ne pas s’en tenir, au moins dans sa tête, au régime touristique universellement recommandé. Voir. Voir ce que l’on voit. Se pénétrer de ce que l’on voit. Se nourrir de ce qui fut et subsiste.

Je ne suis pas un passionné des sites archéologiques. Aussi, la visite de KNOSSOS ne m’a pas enthousiasmé. Cependant quand notre guide m’a conduit à quelques kilomètres plus loin visiter le musée archéologique d’HERAKLION j’ai été saisi, comme happé, par les trésors minoens. Etreint par tant d’adresse, de savoir et de beauté. Des poteries, des outils, des bijoux, des instruments du quotidien, réalisés il y a plus de 5 000 ans, à partir de rien ! Spontanément je me suis écrié : « quand on voit cela on comprend pourquoi l’homme a fini par aller sur la lune » !



La civilisation grecque est vraiment marquée par l’intelligence et la poursuite permanente de la beauté. Rechercher le beau. Faire beau. Oui l’homme est naturellement en quête de beauté …

On a beau me raconter tout ce que l’on veut à partir des théories modernes et darwinistes de l’évolution lorsque je suis face à de pareilles créations réalisées avec des moyens ridicules, ancestraux, rudimentaires dans le seul souci d’atteindre la perfection et la beauté alors que la priorité était humainement de survivre, je me dis qu’il s’est passé quelque chose à un moment ou un autre et que Celui qui a créé ce monde s’est à l’évidence penché sur sa création lorsqu’elle fut achevée pour y introduire l’humain. Un humain qui s’avère un être aussi perturbateur que capable d’atteindre les sommets. Il poursuit depuis toujours, avec des moyens humains, cette perfection qui n’est pas humaine et qui le transcende. Comme l'écrit Gilbert K. CHESTERTON dans l'homme éternel "l'art est la signature de l'homme"!

Une fois cette visite achevée, mais non oubliée, notre périple m’a conduit tout d’abord à l’ouest d’HERAKLION. De villages en villages, de grottes en grottes, de champs d’oliviers multi centenaires en champs d’oliviers tout aussi anciens, de monastères orthodoxes en monastères orthodoxes nous avons parcouru une partie de cette île bénie des dieux de l’antiquité. La magnificence de la nature, la transparence cristalline de la mer, le miracle de fertilité d’une île pourtant asséchée par le soleil nous ont permis d’oublier la fatigue, la soif et les quelques désagréments des déplacements sous une chaleur écrasante. Nous étions, il faut l’avouer, par ailleurs bien aidés par la qualité de nos logements et celle de la restauration crétoise qui m’a séduit par son originalité en même temps que par sa frugalité. À noter par exemple ce déjeuner improbable dans un village perdu au cœur des montagnes. Notre guide nous avait prévenus : lorsque vous verrez une table de bar ou de petite restauration occupée par un moustachu, arrêtez-vous. C’est ce que nous avons fait. L’homme aux moustaches, aux mains de géants et au sourire généreux et accueillant nous a fait goûter la cuisine sans doute confectionnée par son épouse ou sa fille. Il nous a tapé sur l’épaule et nous a dit adieu dans la bonne humeur. Moment mémorable…

De ce périple à l’ouest je retiendrai tout particulièrement la visite du monastère d’ARCADI. Un joyau marqué du sceau du martyre face à l’envahisseur musulman lors de la grande révolte de 1866 !



Nous avons ensuite basculé de l’autre côté d’HERAKLION en direction d’AGIOS NIKOLAOS. Ce déplacement nous a permis de découvrir une nature encore différente et particulièrement un surprenant plateau fertile à 1000 m d’altitude, celui de LASSITHI. Là encore nous sommes tombés sur une table épatante tant par sa qualité que par sa générosité et l’accueil qui nous y fut réservé.

De nouvelles visites. Des baignades dans cette eau dont je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle avait été celle sur laquelle Ulysse avait flotté. Je me baignais dans cette mer qui avait nourri les rêves et la poésie épique d’Homère !

Restait un moment attendu en même temps qu’un peu redouté : la visite de l’île de SPINALONGA ; l’île aux lépreux ! Celle qui a nourri le très passionnant roman à succès « l’île des oubliés » de Victoria HISLOP. 



Redouté parce qu’on ne met pas les pieds sans une certaine appréhension sur une terre où ont été enfermés des êtres vivants, parce qu’ils étaient considérés comme contagieux ; véritable condamnation à la prison à mort différée selon les caprices d’une maladie alors incurable. Cette visite eut le mérite d’être accompagnée par une guide très professionnelle et intéressante qui ne nous a pas accablés dans le sensationnel et nous a permis de pénétrer le mystère profond de SPINALONGA. Elle a fait naître en nous un sentiment paradoxal. Paradoxe de la cohabitation entre la dimension dramatique des pierres ayant abrité l’injustice de la maladie et la beauté des paysages de ce site hors du commun. Je suis incapable de décrire plus précisément ce que j’ai vu et ce que j’ai ressenti. Tout est dans cette dualité contradictoire. A partir de là le mystère s’installe. Celui de la vie. Celui de l’au-delà. Celui du sens. Celui de tout ce qui s’abrite dans le cœur de l’homme.

On peut dire que ce fut le dernier épisode de notre voyage jusqu’à la découverte de ce platane multi centenaire - millénaire ? - même si des moments précieux lui ont succédé.



Mais au-delà de ces souvenirs la Crête nous a fait un autre legs. Pour des raisons rationnellement incompréhensibles, cette île a offert aux fragiles êtres que nous sommes la possibilité de vivre en profondeur, en vérité, de retrouver une jeunesse de sentiments qui se dissout dans l’agitation de la vie moderne ; comme si cette île qui enferma géographiquement le monde grec et fut l’une des limites physiques de sa civilisation dans laquelle nous puisons une grande partie de nos racines, pouvait en même temps constituer un bain de jouvence et d’éternité retrouvées.

3 commentaires:

  1. Merci Bernard pour ce carnet de route tout en sensibilité culturelle et teintée de belles émotions !

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  2. Joli carnet de route en effet, dont le style et le sens ne laissent aucun doute sur l’identité de l’auteur…
    Bien à toi Bernard.
    CR

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  3. Merci Bernard pour ce résumé très documenté, comme à l'habitude, de ce voyage en pays proche mais combien chargé d'histoire. Par ton résumé nous avons nous aussi ressenti tout ce que cette île peut nous apprendre et nous donner. Merci Bernard.

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