L’œuvre de Gilbert K. CHESTERTON est inépuisable. Il me sera impossible de vous rendre compte de tout ce qu’il a écrit, ne serait-ce que parce que toute son œuvre n’a pas été traduite en français ! Au point où je suis parvenu il me faut évoquer l’homme éternel.
Œuvre centrale, mais difficile. Sa compréhension nécessite de pénétrer en profondeur la réflexion de notre auteur. Pas facile ; il faut en convenir.
Dans une interview qui constitue une bonne introduction
Philippe MAXENCE explique que la lecture de notre fantasque anglais nous perd
et nous déstabilise tant nous ne sommes plus prêts à adopter une pensée qui
est aux antipodes du rationalisme moderne. Il rapporte que
son cerveau cartésien a explosé à la première lecture d’orthodoxie ![1]
Il en est de même pour tout lecteur non averti avec cet opus
divisé en deux parties aux titres lapidaires : l’homme et le Christ...
L’auteur nous confie qu'il s’agit d’une chronique de « la distance astronomique entre la création dans son entier et l’homme ». Critique acerbe de l’évolutionnisme idéologique et théologique pour lequel évolution devient selon lui synonyme d’explication ! Appel au bon sens, par exemple face aux peintures rupestres pour souligner cette évidence qu’un renne n’a jamais dessiné un homme dans une grotte et que « l’homme et la bête sont différents par nature ». Car « on complique avec plaisir les choses les plus simples et on fait semblant de ne pas comprendre ce qui va de soi » et « on croit à la généralité de la fiction plutôt qu’à la précision de la réalité ». « Le bon sens nous dit que l’homme ne se réduit pas à ses cinq sens » ...Plus loin : « parmi ces créatures et comparée à elle, il y en a eu une qui paraît d’une race divine. C’est si vrai qu’il lui arrive de se conduire comme une engeance démoniaque » ! …
S’en suit une analyse du paganisme et de ce que Gilbert
K. CHESTERTON n’hésite pas à désigner comme de « fausses religions »
(sic !), jusqu’à … l’avènement du Christianisme. Pourquoi une telle
audace alors que l’heure était déjà au relativisme ? Parce qu’il ne s’agit
pas de croyances de même degré ! Réponse foudroyante, imparable… Des
croyances dans lesquelles il relève « une absence de la présence de
Dieu » ! Pour les païens « ce qui était divin était
inaccessible » …ou « Dieu fut sacrifié aux dieux » … Il a
fallu le surgissement du Christianisme pour que les mythes et la philosophie se
rejoignent, pour que les prêtres et les philosophes communiquent, pour que la
raison et la religion se rejoignent contrairement à ce que serine la pensée
laïciste. Tout y passe ; ainsi de Confucius qui est stigmatisé pour n’avoir
pas fondé une religion ; il le compare à un agnostique, non sans
arguments… mais c'est le paganisme qui retient principalement son attention. Il le considère comme le principal ennemi du christianisme : « telle est l'attitude la plus fréquente de l'âme païenne devant Dieu ; on sait qu'Il existe, on L'oublie "
Avant d’aborder la deuxième partie de son livre consacrée
au Christ, Gilbert K. CHESTERTON insiste sur le fait que l’aspiration
surnaturelle est naturelle chez l’homme. Au-delà notre auteur n’hésite pas à
admettre que l’homme puisse en venir à la violence, ou inversement au martyre,
pour défendre la religion révélée, alors que « le matérialisme
historique est une histoire de fous » ! Gilbert K. CHESTERTON fait
cette analyse que les hommes quels qu’ils soient ne pourraient pas accepter de
se battre et de mettre leur vie en jeu pour de simples raisons matérielles.
Passion des idées, de la recherche de la vérité, volonté d’aller au bout de
tout conflit intellectuel parce que le débat est essentiel, vital. Pour Gilbert
K. CHESTERTON il est normal d’être prêt à se battre pour que triomphe la vérité
ou la vraie religion ! Je le cite : « Quel que soit le point
de départ d’une guerre, ce qui fait qu’elle dure est quelque chose en rapport
avec l’âme ; en rapport avec la religion. Avec ce que les hommes ressentent en
face de la vie et de la mort. Un homme qui va mourir est proche d’un absolu ;
il est absurde de le prétendre préoccupé par des intérêts fugitifs et
compliqués que la mort supprimera ». Voilà qui permet de comprendre
pourquoi et comment les islamistes sont aujourd’hui prêts à sacrifier leur vie,
de même qu’à l’inverse cette analyse permet de mesurer notre désarmement moral nous
qui n’avons pas d’autre solution à proposer que de refuser le combat au nom de
nos principes… Peut-on refuser le combat dans de pareilles circonstances ? Doit-on
le refuser ? Quelles que soit la version que l’on puisse naturellement avoir
pour la guerre, la violence, ses horaires, ses drames dont notre auteur ne se
réjouit pour autant absolument pas …
La partie consacrée au Christ ne peut se résumer... Son
but est écrit-il de démontrer que « lorsque l’on adopte les thèses
rationalistes, on se trouve conduit à adopter des conclusions plus
irrationnelles que les nôtres ». Et il y parvient ! Car « une
lecture impartiale de ce genre conduirait notre homme sinon à la foi, du moins
à une stupéfaction qui ne pourrait guère disparaitre que par un acte de foi
» ... L’enseignement du Christ n’est pas dépendant du contexte social ; il
est marqué du sceau de l’éternité. Il « est omniscient d’une autre
façon (que le commun des mortels), si non seulement Il sait, Il sait qu’Il
sait » ! La religion est nécessairement une révélation ;
telle est la clé d’or chère à notre auteur ! « C’est-à-dire une vision
reçue en esprit de foi : la vision de la réalité. La foi réside dans la
conviction que la vision est réelle. C’est ce qui fait la différence entre une
vision et un songe ». Cette révélation dont il soulignait qu’elle n’est ni
une mythologie, ni une philosophie n’est pas non plus un processus ; « c’est une
histoire ».
Notre ami insiste également sur l’importance des dogmes :
« ce que les pourfendeurs du dogme lui reprochent en réalité ce n’est pas d’être
mauvais mais d’être trop beau pour être vrai ; d’être trop libérateur pour être
vraisemblable ». Il y a là de sa part une affirmation récurrente qui n’est
au fond que la réplique du « la vérité vous rendra libres » de l’Évangile de
Saint-Jean (Jean 8,31 – 42).
Pour bien pénétrer la pensée de Gilbert K. CHESTERTON sur
cette question de la religion je ne saurais trop vous conseiller la lecture de
son roman la sphère et la croix.
Roman métaphysique que l’on ne peut pas lâcher jusqu’à son terme, dans lequel
l’auteur met en présence deux personnages principaux, un athée convaincu et un
croyant qui en viennent à vouloir se battre en duel pour résoudre leur
désaccord ! Tel est l’alibi du
roman, source d’une explosion de rebondissements. Notre ami nous entraine dans
un dédale imaginaire qui éclaire ses réflexions et en fait comprendre le sens
et la portée. Il parvient ainsi à manifester la profondeur et la vérité de son
affirmation déjà évoquée selon laquelle l’imagination est le seul univers dans
lequel la raison peut réellement triompher. Il rejoint ainsi une tradition
initiée par les plus grands poètes et romanciers qui parviennent à nous faire
toucher de l’esprit et de l’intelligence les vérités les plus profondes qui
faute de poèmes ou de romans, demeureraient inaccessibles. Il en va ainsi par
exemple de VIRGILE évoqué avec limpidité dans l’homme
éternel...
Car pour reprendre la belle formule de Michel MAFFESOLI
« Il n’y a plus de système explicatif du monde il ne nous reste plus
qu’à poser bellement les problèmes ». Pour ce dernier l’imaginaire
n’est pas très bien vu par les modernes rationalistes. Chez SARTRE, MALEBRANCHE
et consorts elle est considérée comme « la folle du logis ».
Alors qu’il considère au contraire qu’elle « est le ciment qui
structure la manière d’être ensemble ».
Vérité dont on retrouve la proclamation dans l’hymne
provençal LA COUPO SANTO composé par Fréderic MISTRAL, autre grand poète
devant l’éternel :
Provençaux,
voici la coupe
Qui
nous vient des Catalans.
Tour
à tour buvons ensemble
Le
vin pur de notre cru.
Coupe
sainte, et débordante
Verse
à pleins bords,
Verse
à flots les enthousiasmes
Et
l’énergie des forts !
D’un
ancien peuple fier et libre
Nous
sommes peut-être la fin ;
Et,
si les félibres tombent,
Tombera
notre nation.
D’une
race qui regerme
Peut-être
sommes-nous les premiers jets ;
De
la patrie, peut-être, nous sommes
Les
piliers et les chefs.
Verse-nous
les espérances
Et
les rêves de la jeunesse,
Le
souvenir du passé
Et
la foi dans l’an qui vient.
Verse-nous
la connaissance
Du
Vrai comme du Beau,
Et
les hautes jouissances
Qui
se rient de la tombe.
Verse-nous
la Poésie
Pour
chanter tout ce qui vit,
Car
c’est elle l’ambroisie
Qui
transforme l’homme en Dieu.
Pour
la gloire du pays
Vous
enfin qui êtes consentants nos allies,
Catalan,
de loin, o frères,
Tous
ensemble communions !
Gilbert K. CHESTERTON et Fréderic MISTRAL même
combat !
Bonne lecture !
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