dimanche 4 septembre 2022

MON ETE AVEC CHESTERTON (10): L'HOMME ETERNEL

L’œuvre de Gilbert K. CHESTERTON est inépuisable. Il me sera impossible de vous rendre compte de tout ce qu’il a écrit, ne serait-ce que parce que toute son œuvre n’a pas été traduite en français ! Au point où je suis parvenu il me faut évoquer l’homme éternel


Œuvre centrale, mais difficile. Sa compréhension nécessite de pénétrer en profondeur la réflexion de notre auteur. Pas facile ; il faut en convenir.

Dans une interview qui constitue une bonne introduction Philippe MAXENCE explique que la lecture de notre fantasque anglais nous perd et nous déstabilise tant nous ne sommes plus prêts à adopter une pensée qui est aux antipodes du rationalisme moderne. Il rapporte que son cerveau cartésien a explosé à la première lecture d’orthodoxie ![1] 

Il en est de même pour tout lecteur non averti avec cet opus divisé en deux parties aux titres lapidaires : l’homme et le Christ...

L’auteur nous confie qu'il s’agit d’une chronique de « la distance astronomique entre la création dans son entier et l’homme ». Critique acerbe de l’évolutionnisme idéologique et théologique pour lequel évolution devient selon lui synonyme d’explication ! Appel au bon sens, par exemple face aux peintures rupestres pour souligner cette évidence qu’un renne n’a jamais dessiné un homme dans une grotte et que « l’homme et la bête sont différents par nature ». Car « on complique avec plaisir les choses les plus simples et on fait semblant de ne pas comprendre ce qui va de soi » et « on croit à la généralité de la fiction plutôt qu’à la précision de la réalité ». « Le bon sens nous dit que l’homme ne se réduit pas à ses cinq sens » ...Plus loin : « parmi ces créatures et comparée à elle, il y en a eu une qui paraît d’une race divine. C’est si vrai qu’il lui arrive de se conduire comme une engeance démoniaque » ! …

S’en suit une analyse du paganisme et de ce que Gilbert K. CHESTERTON n’hésite pas à désigner comme de « fausses religions » (sic !), jusqu’à … l’avènement du Christianisme. Pourquoi une telle audace alors que l’heure était déjà au relativisme ? Parce qu’il ne s’agit pas de croyances de même degré ! Réponse foudroyante, imparable… Des croyances dans lesquelles il relève « une absence de la présence de Dieu » ! Pour les païens « ce qui était divin était inaccessible » …ou « Dieu fut sacrifié aux dieux » … Il a fallu le surgissement du Christianisme pour que les mythes et la philosophie se rejoignent, pour que les prêtres et les philosophes communiquent, pour que la raison et la religion se rejoignent contrairement à ce que serine la pensée laïciste. Tout y passe ; ainsi de Confucius qui est stigmatisé pour n’avoir pas fondé une religion ; il le compare à un agnostique, non sans arguments… mais c'est le paganisme qui retient principalement son attention. Il le considère comme le principal ennemi du christianisme : « telle est l'attitude la plus fréquente de l'âme païenne devant Dieu ; on sait qu'Il existe, on L'oublie "

Avant d’aborder la deuxième partie de son livre consacrée au Christ, Gilbert K. CHESTERTON insiste sur le fait que l’aspiration surnaturelle est naturelle chez l’homme. Au-delà notre auteur n’hésite pas à admettre que l’homme puisse en venir à la violence, ou inversement au martyre, pour défendre la religion révélée, alors que « le matérialisme historique est une histoire de fous » ! Gilbert K. CHESTERTON fait cette analyse que les hommes quels qu’ils soient ne pourraient pas accepter de se battre et de mettre leur vie en jeu pour de simples raisons matérielles. Passion des idées, de la recherche de la vérité, volonté d’aller au bout de tout conflit intellectuel parce que le débat est essentiel, vital. Pour Gilbert K. CHESTERTON il est normal d’être prêt à se battre pour que triomphe la vérité ou la vraie religion ! Je le cite : « Quel que soit le point de départ d’une guerre, ce qui fait qu’elle dure est quelque chose en rapport avec l’âme ; en rapport avec la religion. Avec ce que les hommes ressentent en face de la vie et de la mort. Un homme qui va mourir est proche d’un absolu ; il est absurde de le prétendre préoccupé par des intérêts fugitifs et compliqués que la mort supprimera ». Voilà qui permet de comprendre pourquoi et comment les islamistes sont aujourd’hui prêts à sacrifier leur vie, de même qu’à l’inverse cette analyse permet de mesurer notre désarmement moral nous qui n’avons pas d’autre solution à proposer que de refuser le combat au nom de nos principes… Peut-on refuser le combat dans de pareilles circonstances ? Doit-on le refuser ? Quelles que soit la version que l’on puisse naturellement avoir pour la guerre, la violence, ses horaires, ses drames dont notre auteur ne se réjouit pour autant absolument pas …

La partie consacrée au Christ ne peut se résumer... Son but est écrit-il de démontrer que « lorsque l’on adopte les thèses rationalistes, on se trouve conduit à adopter des conclusions plus irrationnelles que les nôtres ». Et il y parvient ! Car « une lecture impartiale de ce genre conduirait notre homme sinon à la foi, du moins à une stupéfaction qui ne pourrait guère disparaitre que par un acte de foi » ... L’enseignement du Christ n’est pas dépendant du contexte social ; il est marqué du sceau de l’éternité. Il « est omniscient d’une autre façon (que le commun des mortels), si non seulement Il sait, Il sait qu’Il sait » ! La religion est nécessairement une révélation ; telle est la clé d’or chère à notre auteur ! « C’est-à-dire une vision reçue en esprit de foi : la vision de la réalité. La foi réside dans la conviction que la vision est réelle. C’est ce qui fait la différence entre une vision et un songe ». Cette révélation dont il soulignait qu’elle n’est ni une mythologie, ni une philosophie n’est pas non plus un processus ; « c’est une histoire ».

Notre ami insiste également sur l’importance des dogmes : « ce que les pourfendeurs du dogme lui reprochent en réalité ce n’est pas d’être mauvais mais d’être trop beau pour être vrai ; d’être trop libérateur pour être vraisemblable ». Il y a là de sa part une affirmation récurrente qui n’est au fond que la réplique du « la vérité vous rendra libres » de l’Évangile de Saint-Jean (Jean 8,31 – 42).

Pour bien pénétrer la pensée de Gilbert K. CHESTERTON sur cette question de la religion je ne saurais trop vous conseiller la lecture de son roman la sphère et la croix. Roman métaphysique que l’on ne peut pas lâcher jusqu’à son terme, dans lequel l’auteur met en présence deux personnages principaux, un athée convaincu et un croyant qui en viennent à vouloir se battre en duel pour résoudre leur désaccord !  Tel est l’alibi du roman, source d’une explosion de rebondissements. Notre ami nous entraine dans un dédale imaginaire qui éclaire ses réflexions et en fait comprendre le sens et la portée. Il parvient ainsi à manifester la profondeur et la vérité de son affirmation déjà évoquée selon laquelle l’imagination est le seul univers dans lequel la raison peut réellement triompher. Il rejoint ainsi une tradition initiée par les plus grands poètes et romanciers qui parviennent à nous faire toucher de l’esprit et de l’intelligence les vérités les plus profondes qui faute de poèmes ou de romans, demeureraient inaccessibles. Il en va ainsi par exemple de VIRGILE évoqué avec limpidité dans l’homme éternel...

Car pour reprendre la belle formule de Michel MAFFESOLI « Il n’y a plus de système explicatif du monde il ne nous reste plus qu’à poser bellement les problèmes ». Pour ce dernier l’imaginaire n’est pas très bien vu par les modernes rationalistes. Chez SARTRE, MALEBRANCHE et consorts elle est considérée comme « la folle du logis ». Alors qu’il considère au contraire qu’elle « est le ciment qui structure la manière d’être ensemble ».

Vérité dont on retrouve la proclamation dans l’hymne provençal LA COUPO SANTO  composé par Fréderic MISTRAL, autre grand poète devant l’éternel :

Provençaux, voici la coupe

Qui nous vient des Catalans.

Tour à tour buvons ensemble

Le vin pur de notre cru.

Coupe sainte, et débordante

Verse à pleins bords,

Verse à flots les enthousiasmes

Et l’énergie des forts !

D’un ancien peuple fier et libre

Nous sommes peut-être la fin ;

Et, si les félibres tombent,

Tombera notre nation.

D’une race qui regerme

Peut-être sommes-nous les premiers jets ;

De la patrie, peut-être, nous sommes

Les piliers et les chefs.

Verse-nous les espérances

Et les rêves de la jeunesse,

Le souvenir du passé

Et la foi dans l’an qui vient.

Verse-nous la connaissance

Du Vrai comme du Beau,

Et les hautes jouissances

Qui se rient de la tombe.

Verse-nous la Poésie

Pour chanter tout ce qui vit,

Car c’est elle l’ambroisie

Qui transforme l’homme en Dieu.

Pour la gloire du pays

Vous enfin qui êtes consentants nos allies,

Catalan, de loin, o frères,

Tous ensemble communions !

Gilbert K. CHESTERTON et Fréderic MISTRAL même combat !

Bonne lecture !



[1] https://www.youtube.com/watch?v=5J2oNZ5wTAA&t=4664s

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