Notre situation se complique de jour en jour! Compliqué? Difficile? Les deux?
La guerre est à nos portes. Le monde se fracture. Les
équilibres internationaux sont chamboulés. Les uns, rêveurs, clament leurs
idéaux perdus. Les autres, réalistes, poussent leurs avantages.
La France est définitivement impossible à gouverner. La
politique est en situation d’échec. Nous ne cessons de faire des réformes mais
rien ne s’améliore. Au contraire, tout va toujours plus mal. Nous ne sommes pas
capables de nous mettre d’accord sur la nécessaire évolution d’un régime de
retraite !
Nos femmes et nos hommes politiques rivalisent de provocations
ou de désespérantes prétentions à gérer ce qu’ils ne maîtrisent plus. Certains
se prennent pour des révolutionnaires mais de révolutionnaires de papier mâché ou
d’opérette.
Notre jeunesse qui par notre faute a perdu toute ambition
en est réduite à boire, fumer, se droguer et baiser. Elle jouit sans construire,
désabusée. Un gamin de 16 ans vient de poignarder son professeur d’espagnol,
pour rien, gratuitement. D’autres se suicident de plus en plus nombreux...
La liste pourrait être beaucoup plus longue. Je m’arrête
là...
Rien ne semble devoir ni pouvoir endiguer une vague qui
se prépare, telle la vague du surfeur qui est encore invisible à l’horizon. Cette
vague sera-t-elle un tsunami ? Serons-nous capables de surfer sur elle et de la
dominer ?
Le fil conducteur de ce grand chambardement est invisible
mais il existe. Il est là, sous nos yeux et nos esprits.
Mais nous sommes plongés dans un narratif permanent sans
contextualisation ni analyse critique véritable. Dès que quelqu’un se lève pour
soumettre un point de vue critique il est immédiatement diabolisé, discrédité,
discriminé, rejeté au nom des valeurs du système qui nous envahit tel un épais
brouillard.
Nous sommes aveuglés par nos habitudes, nos certitudes,
nos peurs, nos angoisses, mais aussi notre insouciance pour ne pas dire notre inconscience.
Les mots n’ont plus de sens. Croyant nos idées invincibles
nous jouons avec l’ordre des choses que nous croyons malléable et susceptible d’être
encore soumis à nos rêves d’idéologues, sans voir que nos idéologies sont
discréditées par la vraie vie.
Nous n’avons plus le sens des réalités. Nous ne voulons
plus les voir, ni les accepter. Nous voulons les transformer au nom de nos
utopies.
Nous sommes prêts à accepter comme vraie la dernière
baudruche imaginée par l’un de nos intellectuels qui ne sont en vérité que des
idéologues aveuglés par les catégories qu’ils ont créées de toutes pièces.
Mais où est donc le fil ?
Il est sous nos yeux. Nous ne voulons pas le voir, ni l’accepter ;
nous ne sommes de toute façon plus capables de l’analyser et de le comprendre....
Le monde n’est pas un théâtre ni un terrain de jeu pour
soixante-huitard attardés. Le monde est vrai, réel. La société aussi.
Non, les sociétés ne puisent pas leur aptitude à donner à
leurs membres les moyens de s’épanouir soit dans la recherche d’un consensus de
toute façon impossible, soit dans la convergence non pas des luttes mais de
majorités fabriquées de manière artificielle, pas plus que dans le dialogue
participatif.
Il y a des lois du commun, de la vie ensemble, de cette
mécanique sociale qui ne peut procurer le bien de manière individuelle que par
la voie du commun qui s’ordonne à l’individuel.
La société est un fait, une réalité en même temps qu’un
besoin. Il faut faire avec !
Non, les sociétés ne fonctionnent pas selon nos désirs,
nos caprices ou nos volontés fussent-elles conjuguées à travers les mécanismes
artificiels de la politique et de nos institutions que nous voulons changer en
permanence comme si de là venaient nos problèmes....
Ce fil que nous devrions tous chercher ensemble, est dans
la restauration de la politique qui consiste non pas à rebondir sur chaque
événement pour lui apporter un semblant de réponse réglementaires ou
législative, mais à identifier ce que les intérêts conjugués des uns et des
autres peuvent exiger. Nous savons pourtant, dans la vie de tous les jours, que
les solutions aux problèmes que nous rencontrons ne sont jamais le fruit de la
facilité mais de l’effort et du sacrifice.
Nous ne retrouverons le fil que lorsqu’il sera redevenu
possible pour le peuple d’obtenir un Etat qui identifie et poursuive
effectivement, concrètement, pratiquement le bien commun.
Retrouver le fil de la vie commune, du bonheur d’être
ensemble parce que ce n’est que du commun que peut naître le bien de chacun,
exige que le peuple arrive à se reconnaître dans un pouvoir dont la légitimité
résultera de sa capacité à répondre à ses besoins profonds plutôt qu’à ses
envies, à ses attentes, à ses désirs. D’un pouvoir qui saura montrer la voie de
l’intérêt et non pas du rêve ou de l’utopie et faire accepter les sacrifices et
les efforts et non pas les derniers caprices.
La vie n’est pas une partie de plaisir. La politique non
plus. Le pouvoir n’est pas là pour satisfaire les revendications multiples et
variées qui peuvent sourdre d’un peuple déconnecté du réel et entretenu dans ses
illusions. Il est là, il devrait être là, pour mettre en place les solutions
communes vitales et nécessaires.
Cela fait des décennies que nous remettons à plus tard le
moment où il faudra se résoudre à cette évidence. Le peuple le sait au fond de
lui-même. Ce n’est pas pour rien qu’il attend d’une certaine manière soit l’homme
providentiel, soit le miracle, soit ce moment où il se retrouvera enfin en devoir
d’accepter ce qui ne lui fait pas toujours plaisir, ce qui exige des efforts
mais dont il sait au fond de lui-même qu’il a besoin.
Cela fait des décennies que nous pensons qu’il est
utopique d’imaginer qu’il puisse en être ainsi – ce serait d’un autre temps !-
et que nous continuons de jouer le jeu
malsain et pervers de la seule recherche d’une impossible synthèse horizontale
en forme d’addition d’intérêts individuels que nous savons contradictoires.
D’aucuns pensent qu’il faudrait une révolution. D’autres
que nous avons besoin d’un régime autoritaire. D’autres encore que l’intelligence
collective finira par triompher.
Toutes ces espoirs sont vains.
Il faut simplement que le peuple que nous sommes
reconnaisse la nécessité de s’organiser autour et à partir de ses structures
naturelles. L’autorité ne peut s’exercer et être acceptée que lorsqu’elle est
proche. La politique est une forme d’empirisme. Elle procède d’un principe
organisateur. Le commun vit à partir de ces structures naturelles. Nous avons
besoin que des élites se manifestent autour de nous, proches de nous, dans nos
familles, dans nos entreprises, dans nos métiers, dans nos quartiers, dans nos
communes, dans nos régions. Si la démocratie doit rester un moyen du politique
elle ne peut pas toujours être le seul. Suivre quelqu’un qui incarne le commun
n’est pas déchoir. A tous les niveaux. Et force est de constater que dans notre
histoire nationale rien ne s’est jamais produit de bénéfique sur le plan du
commun, et ensuite de l’individuel, qui soit d’abord passé par un vote
démocratique ; ceci ne signifiant pas qu’il puisse nécessairement s’agir d’un
« coup d’état » !
Il faut que des femmes et des hommes se lèvent avec
courage et lucidité. Dire : non. Dire : ça suffit ; arrêtez de
nous détruire, de jouer les apprentis-sorciers et de nous envoyer dans le mur
de l’absurde rêvé par des technocrates sans lien avec le réel. Oui, ça suffit.
Tel doit être le mot d’ordre. Le seul mot d’ordre.
Sylvain Tesson dont je continue toujours d’apprécier plus
le témoignage, la sensibilité et la hauteur de vue vient de partager sur
Facebook cette lettre d’Hélie de Saint Marc, qui fut l’un des héros du XX°
siècle, que je vous livre pour finir.
QUE DIRE A UN JEUNE DE VINGT ANS ?
Quand on a connu tout et le contraire de
tout, quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie.
Que dire à un jeune de vingt ans ?
On est tenté de ne rien lui dire, sachant
qu’à chaque génération suffit sa peine, sachant aussi que la recherche, le
doute, les remises en cause font partie de la noblesse de l’existence.
Pourtant, je ne veux pas me dérober, et à ce
jeune interlocuteur, je répondrai ceci, en me souvenant de ce qu’écrivait un
auteur contemporain :
« Il ne faut pas s’installer dans sa vérité et
vouloir l’asséner comme une certitude, mais savoir l’offrir en tremblant comme
un mystère ».
A mon jeune interlocuteur, je dirai donc que
nous vivons une période difficile où les bases de ce qu’on appelait la Morale et
qu’on appelle aujourd’hui l’Ethique, sont remises constamment en cause, en
particulier dans les domaines du don de la vie, de la manipulation de la vie, de
l’interruption de la vie.
Dans ces domaines, de terribles questions
nous attendent dans les décennies à venir.
Oui, nous vivons une période difficile où
l’individualisme systématique, le profit à n’importe quel prix, le
matérialisme, l’emportent sur les forces de l’esprit.
Oui, nous vivons une période difficile où il
est toujours question de droit et jamais de devoir et où la responsabilité qui
est l’once de tout destin, tend à être occultée.
Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que
malgré tout cela, il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.
Il faut savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à
la dernière heure, rouler son propre rocher.
La vie est un combat le métier d’homme est un
rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.
Il faut savoir que rien n’est sûr, que rien
n’est facile, que rien n’est donné, que rien n’est gratuit.
Tout se conquiert, tout se mérite.
Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je dirai à mon jeune interlocuteur que pour
ma très modeste part, je crois que la vie est un don de Dieu et qu’il faut
savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, une
signification à notre existence.
Je lui dirai qu’il faut savoir trouver à
travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette
miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde, qu’il faut savoir
découvrir ces étoiles, qui nous guident où nous sommes plongés au plus profond
de la nuit et le tremblement sacré des choses invisibles.
Je lui dirai que tout homme est une
exception, qu’il a sa propre dignité et qu’il faut savoir respecter cette
dignité.
Je lui dirai qu’envers et contre tous il faut
croire à son pays et en son avenir.
Enfin, je lui dirai que de toutes les vertus,
la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et
qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus
importante me paraît être le courage, et surtout celui dont on ne parle pas et
qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.
Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est
peut-être cela « L’Honneur de Vivre ».
Hélie de Saint Marc
Hélie de Saint Marc ; quel homme admirable !
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