Et si on reparlait de la peine de mort ?
Cette semaine a eu lieu à un échange non pas à fleurets
mouchetés mais en gros sabots entre Jordan Bardella et Éric Dupont Moretti.
Le premier a estimé que la France est devenue "un
état de droit pour les délinquants et les criminels" et a jugé que
"la suppression de la peine de mort a effondré la peine pénale"
en France. "L'échelle des peines s'est effondrée dans notre pays depuis
la suppression de la peine de mort", a-t-il estimé sur le plateau du
"Face à Face" avec Apolline de Malherbe.
Le second dans un tweet qui se voulait assassin lui
a répliqué : « Au moins, jadis, le Front National avançait à visage
découvert sur le rétablissement de la peine de mort. Avec ses propos, Jordan
Bardella a la nostalgie honteuse. Qu’il assume ! Le parti de la guillotine est
de retour ».
Je suis en partie d’accord avec le second sur la forme dans
la mesure où la cohérence du propos du président du rassemblement national
aurait été de défendre le retour à la peine de mort. Mais cela aurait fait tache
par rapport à la normalisation de son mouvement politique … Je suis cependant
en opposition frontale avec lui sur le fond car Jordan Bardella a raison même s’il
ne va jusqu’au bout de la logique de son argument comme le Garde des Sceaux l’a
mis en exergue.
La question de la peine de mort n’est pas close ;
elle doit à nouveau être posée, inlassablement. Pourquoi ? Je ne reprendrai pas
l’argumentaire déjà développé il y a quelques mois dans ces lignes et auquel je
me réfère. Je reviendrai succinctement sur deux arguments des abolitionnistes.https://www.blogger.com/blog/post/edit/4030142411036119731/8924039354843283700?hl=fr
L’un des principaux est celui de l’erreur judiciaire. Il
ne faut pas exécuter un innocent !
Il est pourtant facile d’y répondre et de confondre ainsi
la morgue prétentieuse de ceux qui sentencieusement, du haut des droits de l’homme,
s’opposent à la peine capitale.
Comment un Etat dont l’institution judiciaire laisse en
liberté ou remet en liberté des individus dangereux qui commettent des crimes à
l’encontre de victimes innocentes peut-il s’opposer à l’application de la peine
de mort aux criminels sous le seul prétexte que dans certains cas elle serait
infligée à des innocents ? Et il y a beaucoup plus de victimes innocentes
de dangereux récidivistes qu’il y a pu y avoir d’exécutions capitales de
condamnés innocents. Insupportable hypocrisie...
Il y a un deuxième argument qui est tiré des X
commandements de l’Ancien Testament : « Tu ne tueras point ».
Mais il est aussi contraire à la justice élémentaire qu’à
la morale.
Je citerai Saint Thomas d’Aquin :
« Car ce qui est dit dans la loi : «
Vous ne tuerez pas », est suivi par ceci : « Vous ne laisserez pas vivre les
méchants » (Ex 22, 18) ; ce qui signifie qu’il est défendu de tuer injustement
un homme. Ce que ressort aussi des paroles du Seigneur car, après avoir dit : «
Vous avez entendu qu’il été dit aux anciens : « Vous ne tuerez point », il
ajoute : « Et moi je vous dis que tout homme qui s’irrite contre son frère
méritera de passer en jugement », etc, (Mt 5 21-22. Et par là il veut faire
entendre qu’il est défendu de tuer par colère, mais non par zèle pour la
justice. » [Contra Gentes]
...
« La loi humaine ne peut permettre qu’un homme soit
tué injustement. Mais il n’est pas injuste de tuer les malfaiteurs ou les
ennemis de l’Etat. Un tel acte n’est pas contraire au précepte du Décalogue…
». [Somme théologique II II 65 2].
Je sais que l’Eglise a évolué et qu’aujourd’hui elle tend
à privilégier la peine de prison à perpétuité effective dans les cas des crimes
les plus extrêmes mais cela ne vaudrait qu’à la condition d’appliquer
effectivement cette peine de prison à perpétuité ce qui n’est pas le cas. Cela
ne répond pas à l’argument développé par le président du rassemblement national
repris notamment à Jean-Louis Harrouel dont j’avais déjà cité les écrits et
dont je fais mienne une récente interview :
"Cela étant, la solution de la perpétuité
réelle prônée par le Rassemblement national n’est malheureusement pas viable
dans le contexte actuel. Elle a pu se montrer efficace dans la Suisse du XIXe
siècle, société extrêmement religieuse et rigoriste, dans laquelle l’idée de
responsabilité s’affirmait avec une très grande force, ce qui légitimait le
système pénal. Inversement, les sociétés occidentales actuelles sont dominées
par une idéologie humanitaire anti-pénale fondée sur l’idée que les criminels
et les délinquants sont en réalité des victimes, si bien que la société n’a pas
le droit de les punir, mais qu’elle a en revanche le devoir de favoriser leur réadaptation
sociale, mission qui est devenue l’objectif central du système pénal. La
revendication de l’abolition de la peine de mort a été le cheval de Troie qui a
permis à l’idéologie anti-pénale d’envahir le système pénal et de le détruire
de l’intérieur. Le même humanitariste anti-pénal qui a obtenu la suppression de
la peine de mort proclame, aujourd’hui, que toutes les peines restantes sont
excessives. Et, en particulier, il conteste pour motif d’inhumanité l’idée d’un
enfermement perpétuel. Du fait de la présence agressive de l’idéologie
anti-pénale dont l’abolitionnisme a été le fer de lance, il n’y a pas d’autre
moyen que le rétablissement de la peine de mort pour restaurer la justice, en
réaffirmant à son plus haut niveau le droit et le devoir de la société de punir
les criminels".https://www.bvoltaire.fr/entretien-la-peine-de-mort-a-ete-enlevee-a-la-souverainete-des-citoyens/
Quant à l’argument de l’absence de dissuasion de la peine capitale il s’appuie sur de nombreux exemples comme celui de Patrick Henry pris par Robert Badinter, sans tenir compte des contre-exemples qui par définition n’existent pas et sont impossibles à contrôler; or il semble malgré tout évident que chez les humains sauf exceptions toujours possibles la peur de la sanction est maîtresse de sagesse.
Notre problème est que nous n’osons plus opposer la
logique formelle aux bons sentiments. Nos bons sentiments auront raison de la
vie en commun par ce qu’ils tueront la sécurité comme tous les piliers de la
vie en société ...
Voilà pourquoi il ne faut pas renoncer à faire un jour
triompher la raison sur ce sujet comme sur bien d’autres…
Peine de mort ? Qu en pensent le planning familial et ses sbires initiateurs hypocrites de l’avortement libre ? Qu’en disent les thuriféraires de l’euthanasie ?
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