Avec « LA JOIE » qui fait suite à « l’imposture », roman difficile, Georges BERNANOS nous fait plonger dans les profondeurs de l’âme.
De grands écrivains l’ont mieux dit que moi.
« Bernanos, de sa poigne rude, nous maintient dans cet
univers de la chute et de la Rédemption, qui est le nôtre à tous, croyants et
incroyants. Car il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour s’y reconnaître
[…], tel est le pouvoir de cette œuvre fulgurante. » François Mauriac
« Il a écrit les plus belles scènes de la fiction
moderne, par la profondeur et la puissance. » André Malraux
« Bernanos savait toutes ces choses qui nous font
souffrir. C’est même de cela que sa grandeur était faite. Il avait beau se
présenter à nous en veston, il était l’homme de l’invisible. » Julien Green.
Ce roman n’a pas un siècle et pourtant ma première
impression est que l’auteur nous invite à pénétrer dans un univers apparemment obsolète.
D’une obsolescence qui ne me semble toutefois pas irréversible tant il est réel.
Cet univers c’est celui des états d’âme, au sens plein du terme...et de leur
analyse.
Rôles de l’intelligence et de la grâce.
Puissance du mal et donc de Satan.
Interrogations sur la souffrance.
Décorticage de l’orgueil, ce péché cardinal.
Et surtout grâce au personnage principal Chantal de
Clergerie pureté, fraicheur, joie et irrépressible pénétration du regard
intérieur de ces êtres habités par la grâce qui comprennent avec fulgurance et
dans la vérité les mystères et les arcanes de leurs proches.
On y découvre également ce que c’est que le combat
spirituel alors que pour la plupart d’entre nous il s’agit d’une notion
dépassée et surannée, comme le péché. Combat et spiritualité sont devenues inconciliables
tant la spiritualité est dorénavant un lieu d’épanouissement personnel, voire
un moyen de ce dernier....mensonge lié à notre faiblesse et notre manque de courage face à la vie et au destin.
Reste la joie liée à l’espérance qui tient une place
prépondérante chez notre auteur, ce qui le rapproche tant de Péguy. Elle est l’opposé
de la tristesse que « rien ne justifie » car « il n’y
a que le diable qui ait vraiment des raisons d’être triste, et encore elles
sont mauvaises ». Une joie qui illumine Chantal dans le roman au
milieu du reste des personnages qui en sont dépourvus. La joie est paradoxalement
au cœur des pires tourments car l’héroïne se tourne toujours pour finir vers Dieu. Mystérieuse légéreté de l'être.
Encore un mot sur la joie, essentiel. Elle se caractérise
chez les chrétiens qui la vivent en plénitude par le besoin de la partager sans
que cela ne soit ni naturel ni aisé à personne. « ...la joie suffit, la
joie de Dieu, dont nous sommes avares. Oui qui la reçoit est trop tenté de la
garder, d’en épuiser les consolations, alors qu’elle devrait rayonner de lui à mesure ».
Alors un roman réservé aux croyants ?
Que nenni ! Au contraire.
Le monde moderne me fait penser à une autruche
enfouissant sa tête dans le sable. Nous nous étourdissons dans l’ignorance
volontaire d’un univers spirituel pourtant réel et prégnant si ce n’est
influant par les forces qui s’y déploient. N’est-ce pas François Mitterrand,
président socialiste d’une république dont il défendit la laïcité, qui n’hésita
pas à dire aux français qu’il croyait aux forces de l’esprit ?
Georges BERNANOS est un maître dans l’art de faire
partager la profondeur et la richesse ineffables de la vie intérieure et de ses
débats et de ses combats !
A suivre...
Merci pour cette analyse Bernard.
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