La recrudescence de la violence nous interpelle. Quelles sont sa nature, son origine, ses causes ? Que peut faire l’Etat ? Quelle politique doit-il conduire ? Que faut-il faire ?
Je n'aurai pas la prétention de répondre à toutes ces
questions. Il me semble toutefois possible et opportun de rappeler un certain
nombre de principes au sujet de la violence et de son traitement par la
politique.
Dans son livre espérer
François-Xavier Bellamy, qui lui consacre un chapitre entier, rappelle que
la violence est naturelle chez les humains car nous faisons de l’autre l’objet
de notre volonté ; les germes de la violence apparaissent dans l’inévitable
confrontation des égos. La violence est inhérente à la société et à la
confrontation des personnes et des volontés. Pour autant elle ne constitue jamais une réponse juste.
Michel Maffésoli qui pour sa part y consacra un essai qu’il vient de faire rééditer,
explique que l'enjeu serait de savoir la
gérer, sans la nier. Le monde sans violence dont nous rêvons sortirait
de l'histoire. Il est utopique, impossible. Il n'est imaginable que dans
l'au-delà, c’est le paradis. D'ailleurs, il y a une dimension religieuse dans
cette croyance en un monde sans violence. Le rêve marxiste qui le conçoit comme
l’aboutissement du jeu de la dialectique, est tout aussi irréalisable. Il l’a
prouvé dans l’horreur. De fait plus on rêve un monde pacifique plus on
entretient paradoxalement les excès et les dérapages de la violence. Michel
Maffésoli affirme que le sang va couler parce que nous sommes dans une société
qui refuse d’admettre et de gérer la violence. Pour lui la pasteurisation de
nos existences et de la vie sociale, leur aseptisation, leur hygiénisation, qui
ne sont que les reflets de cette utopie sont à l'origine de l'explosion de la
violence. Faisant ce constat il n'est pas question de valoriser la violence
mais de savoir comment s’en purger.
Pour l'Eglise Catholique "la paix est avant tout un attribut essentiel de Dieu"; loin d'être une construction humaine c'est un don suprême de Dieu offert à tous les hommes, qui comporte l'obéissance au plan de Dieu. (Compendium de la doctrine social de l'Eglise n° 498 et 499).
L'histoire est malheureusement faite de violence. On y vérifie que l’art
politique consiste notamment à la gérer et la réduire, à assurer la paix civile ;
pas à rêver d’éradiquer la violence comme si la politique pouvait transformer
la nature humaine ! François Xavier Bellamy affirme même que la politique
n'est rien d'autre que de la violence. A mettre en parallèle avec la volonté
social-démocrate de la fin du XX° siècle de faire le bonheur des citoyens.
Selon la définition de Max Weber à qui nous devons la
distinction entre l’éthique de responsabilité -qui prend en compte la réalité
de la violence - et l’éthique de conviction – pour laquelle la violence est un
mal - « l'Etat est le groupement humain qui sur un territoire donné
revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence
physique légitime ». Voilà qui nous amène à la la gestion de la
violence par une politique réaliste et responsable et à la violence légitime de
l’Etat.
S’inspirant des travaux d'Hannah Arendt François-Xavier
Bellamy développe l’idée selon laquelle la violence se fonde toute seule à
l'inverse du pouvoir. Elle peut détruire le pouvoir mais ne peut pas le fonder.
Le pouvoir qui est de l'ordre du politique repose sur le consentement et
l'adhésion des citoyens ainsi que sur l'exercice de l'autorité. La Boétie imagina
les moyens pour le pouvoir d’obtenir le nécessaire consentement des citoyens. Machiavel
mit en évidence que le pouvoir s'appuie soit sur l'adhésion, soit sur
l'exercice de l'autorité. La contrainte est inhérente à la violence ; elle
se distingue de l'obligation elle-même inhérente à la politique.
La violence légitime de l'Etat est nécessaire. Elle protège.
En cela elle ne doit pas être stigmatisée comme aujourd'hui. C'est la raison
pour laquelle la double attitude de nos gouvernants à l'égard de la mort d'un
jeune délinquant des banlieues provoquée par un policier qui incarne la
violence légitime puis de la mort d'un jeune rugbyman assassiné par des
sauvages dont on est en train de découvrir les origines, est scandaleuse.
En France les dernières décennies ont été marquées par
différentes idéologies imaginées par des penseurs tels que Bourdieu, Derrida et
tous les courants de pensée qui leur ont emboîté le pas. Ils ont infesté l'institution
judiciaire avec cette idée que les criminels et les délinquants étaient d'abord
des victimes et qu’ils devaient plus être soignés que sanctionnés.
À ce stade on doit donc retenir que la violence est
inhérente aux rapports sociaux et qu'il revient à l'Etat d'en réduire les
effets négatifs afin d’assurer concrètement la paix civile. Et à cet effet,
sans céder à la tentation totalitaire, en s’abstenant de tout rêve utopiste le
pouvoir politique doit emporter l'adhésion des citoyens, que ce soit par la
voie démocratique ou autrement. La politique ne peut pas se fonder sur la
violence de manière pérenne ; en revanche l'Etat peut être fragilisé voire
détruit si elle envahit la société. Pour preuve, les multiples phénomènes
révolutionnaires qui ont rythmé l'histoire de nos civilisations.
Une remarque complémentaire s'impose, propre à la France,
notre nation est le fruit d'une volonté politique et d'une construction
étatique. Caractéristique spécifique qui explique le rôle fondamental joué par
l'Etat sur notre territoire.
La situation de notre société contemporaine est
caractérisée par :
- Une certaine forme de totalitarisme inhérent à l'hygiénisme social.
- Une volonté utopique de créer un homme nouveau et de susciter un univers social sans violence, alors que c'est impossible.
- Une crise de la représentation politique démocratique se traduisant par une désaffection de l'adhésion populaire et la disparition du consentement.
- Un affaiblissement de tout principe d'autorité.
- Une politique immigrationniste conduite sans souci de la préservation de l’identité française et au mépris de l’intérêt des nationaux d’origine.
Il est évident que si nous persistons à rêver, et à
laisser se déliter l'autorité de l'Etat et de nos gouvernants nous risquons de
perdre le fil et d'être déstabilisés par une violence non maîtrisée, exacerbée
et au moins facilitée, par le communautarisme consécutif à notre politique
immigrationniste depuis 1974.
Sa recrudescence est l'expression d'une crise profonde. Elle manifeste la survenance d'un phénomène qui pourrait devenir révolutionnaire en ce sens qu'il résulte d'une remise en cause du pouvoir politique devenu incapable de gérer la violence et que nous sommes dans une situation que certains n’hésitent pas à qualifier de quasi-insurrectionnelle. Le pouvoir politique entretient la dangereuse illusion d'un monde pacifié alors qu'aveuglé par ses présupposés il s'est mis dans l'incapacité de l'affronter et de la combattre. Il faut en effet sortir de toutes ces idéologies notamment bourdieusiennes qui se sont fondées sur une conception erronée de la nature humaine et des rapports sociaux. Le monde des bisounours ne pouvait pas accoucher d'autre chose que de cette violence exacerbée et incontrôlée.
Le pouvoir politique a progressivement renoncé à exercer
l'autorité. Il est dans le discours et la théâtralité. Emmanuel Macron rappelle
à Michel Maffésoli la théâtrocratie de Platon. Le Président n’a rien à dire mais
il le dit ainsi que Raymond Devos en plaisantait. https://www.youtube.com/watch?v=hz5xWgjSUlk Et ceci plutôt que d'agir… A cet effet il pratique la diversion avec des réformes dont il espère
obtenir une re légitimation comme l’intégration du droit d’avorter dans la
constitution ou le droit à l’euthanasie ! Or le problème du théâtre c’est que ça ne
marche qu’un temps jusqu’à ce que le public siffle et se mette à jeter des
tomates…
Dans ces conditions il semble évident que le processus en
cours sera délicat à enrayer. Toutefois arrivera un moment où le politique
pourra reprendre ses droits. Le tout sera de ne pas le laisse passer…. Pour
ce faire il faudra un retour à la fois du « consentement-adhésion »
et de l'exercice de l'autorité. Il semble qu'il faille dans l’urgence et face à
la nécessité privilégier d'abord l'autorité qui n'est pas en soi une mauvaise
chose sauf lorsqu'elle se traduit par une forme totalitaire d'autoritarisme. Thibaut
de Montbrial plaide à raison pour un choc d’autorité. Seule l'autorité
retrouvée pourra permettre de refonder la politique et de faire naître à
nouveau l'adhésion et le consentement.
Nous sommes objectivement à la croisée des chemins. Le
choc d'autorité est-il possible ? Encore possible ? La révolution
est-elle inévitable ? Nous aurons sans doute la réponse dans les années à
venir si ce n'est plus tôt…
Pour ma part, au lieu d’opposer les types de violence, légitime ou non, je préfère opposer la force légitime à la violence débridée… et ce n’est pour moi pas seulement une affaire de vocabulaire… mais de culture personnelle… et professionnelle.
RépondreSupprimerQuant au choc d’autorité, il devra être à la hauteur du choc des civilisations.
CR