Le « en même temps » a-t-il fini de plonger la politique française dans l'ère impuissante des paradoxes ? Il en va de la volonté hystérique de proclamer aujourd’hui le contraire des convictions affirmées hier comme indépassables ou irréversibles. J’en veux pour preuve la volte-face du pouvoir face à la nécessité d’éteindre le feu de la revendication paysanne. Mais aussi de l’usage de la constitution sur lequel je souhaite me pencher. Elle est en effet mise à toutes les sauces...en même temps qu’elle est foulée aux pieds ! Singulier état de droit.
L'utilisation abusive de la Constitution.
Le Conseil Constitutionnel s’est arrogé des pouvoirs qui
n’avaient jamais été envisagés par les rédacteurs de la constitution de 1958,
Michel Debré en tête. Le contrôle de nos lois y était exclusivement technique
et juridique afin de vérifier leur conformité avec les différents articles
du texte voté et approuvé par 82,6 % des Français.
Mais c’était sans compter avec un coup d’état légal des
juges de la rue Montpensier qui, soyons justes, ne remonte pas à hier. Nous
venons d’avoir encore une illustration avec la censure de la loi sur
l’immigration. Ce « hold-up » fut rendu possible par l’intégration de
la déclaration des droits de l’homme dans ce que les constitutionnalistes
appellent dorénavant le bloc de constitutionnalité. Il est vrai qu’elle était
visée dans le préambule de la constitution sans toutefois en faire
formellement partie explicitement partie. Les « sages » ont habilement
ajouté un texte, et non des moindres, à la constitution. Cette œuvre légaliste,
mais pas nécessairement légal ni légitime, a ouvert la voie à une multitude de
proclamations de nouveaux droits sociétaux et moraux. Les effets en furent
aggravés avec la fameuse « QPC », et la création d’un nombre toujours
croissant de cas de saisine de cette haute juridiction dont la jurisprudence a quantitativement
explosé.
La volonté de créer un droit constitutionnel à la liberté
d’avorter des femmes résulte de cette même logique d’extension du bloc de
constitutionnalité à des droits dits sociétaux. Au-delà de l’attente des femmes
et du débat sur l’avortement la question est : est-ce l’objet de la
constitution ?
Elle est d’importance car si cette constitutionnalisation
devait être décidée il en résulterait des conséquences directes sur la liberté
de conscience et le débat démocratique. En effet que deviendrait l’objection de
conscience du médecin ou de l’infirmière face à un acte légitimé par la constitution
? De même que deviendra le droit par exemple pour les chrétiens de s’opposer à
l’avortement alors que le très ferme enseignement de l’Eglise les met dans l’obligation
de s’en faire les apôtres ?
« Les lois qui autorisent et favorisent
l’avortement et l’euthanasie s’opposent, non seulement au bien de l’individu,
mais au bien commun et, par conséquent, elles sont entièrement dépourvues d’une
authentique validité juridique. En effet, la méconnaissance du droit à la vie,
précisément parce qu’elle conduit à supprimer la personne que la société a pour
raison d’être de servir, est ce qui s’oppose le plus directement et de manière
irréparable à la possibilité de réaliser le bien commun. Il s’ensuit que, lorsqu’une
loi civile légitime l’avortement ou l’euthanasie, du fait même, elle cesse
d’être une vraie loi civile, qui oblige moralement. » (Jean-Paul II,
encyclique Evangelium vitae, n°72, 25 mars 1995).
Et il y a tout lieu de penser qu’il en sera de même du
mariage pour tous...
C’est ainsi que la liberté tue la liberté !
L’extension du bloc de constitutionnalité aux droits de
l’homme et l’intégration de droits sociétaux dans le contenu de la constitution
sont-ils un dévoiement de notre droit constitutionnel ? La constitution
a-t-elle un rôle moral ou sociétal ? Surtout lorsqu’en réalité cet ordre moral
est une déconstruction de tout ordre moral véritable ?
Le paradoxe est qu’au même moment le pouvoir foule
aux pieds l'un des principes fondamentaux de notre constitution. Je
veux parler de la souveraineté.
L’article 3 est ainsi rédigé :
Aucune section du peuple ni aucun individu ne
peut s'en attribuer l'exercice ».
Comment admettre dans ces conditions et au vu de ce texte
particulièrement clair que notre Président de la République et notre Premier
ministre ne cessent de proclamer confusément « en même temps » la
souveraineté de la France et la souveraineté européenne. Il est vrai que le macronisme
a inséré dans la politique française le vers d’un dualisme pervers en vertu
duquel on peut soutenir tout et son contraire en guise d'action politique. L'exercice
ne doit-il pas connaître des limites de la part de ceux qui par ailleurs ne
cessent d'invoquer l'état de droit et la constitution comme référence
suprême ?
Certains répondront qu'il n'y a pas de quoi fouetter un
chat et qu'il peut très bien y avoir une souveraineté française au cœur de la
souveraineté européenne. Que nenni ! La souveraineté ne se divise pas. Elle
ne se délègue pas, surtout par ceux qui n'en sont pas les détenteurs ; car
le président de la République ne détient pas la souveraineté. « La
souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants
et par la voie du référendum ». Le président l’exerce au nom du
peuple, seul souverain. Il ne la détient pas.
Par application des articles 52 à 55 de la Constitution
les traités internationaux ne prévalent sur la constitution que dans la mesure
où ils ne lui sont pas contraires. Reste l’Union européenne qui nous « berluse »
en nous embrouillant et en nous noyant dans le volume et la complexité de ses
textes en tous genres qui restent pourtant théoriquement soumis à notre
constitution.
Les traités de Maastricht et de Lisbonne n’ont pu être
approuvés que par voie de référendum pour le premier et par celle d'un vote
conforme des deux assemblées à une majorité qualifiée pour le second dont nous
nous souvenons d'ailleurs qu’il avait préalablement été rejeté par la voie du
référendum. Les articles 88- 1 à 88- 8 de notre constitution contiennent un
certain nombre de dispositions assez complexes relativement à l'imbrication
entre les législations française et communautaire et énoncent le principe
de subsidiarité. Il demeure que l'Union européenne est censée réunir des états
souverains. La souveraineté ne se divisant pas et ne se déléguant pas la
constitution devrait en théorie rester la norme fondamentale à laquelle doivent
demeurer soumises toutes les législations internes.
Ce n'est que de manière insidieuse, souvent inavouée, que
nos gouvernants ont renoncé de facto à la souveraineté de la France au profit
de la commission et des différents organes de l'Union européenne délibérant
parfois à la majorité qualifiée comme c'est le cas par exemple pour
l'approbation des traités de libre-échange qui font tant parler actuellement
avec la crise agricole ! Mais ils l'ont donc fait de manière illégale, en
violation de l'article 3 de la constitution.
Ainsi voyons-nous que les mêmes qui se gargarisent de
l'ordre républicain et de l'état de droit sont les premiers à le violer tout en
camouflant leur méfait derrière des flots de verbiage mélangeant les principes
de façon confuse et allant même parfois comme nous en avons eu l’illustration
ces derniers jours jusqu’à prétendre faire sur le territoire national le
contraire de ce qu’ils décident à Bruxelles.
Le paradoxe est donc bien : Oui à la constitution
pour la moraline. Non à la constitution pour assoir un pouvoir voué à la
logique libre-échangiste, supranationale et mondialiste ! Tel semble être
le double mot d’ordre du pouvoir. Et il est à craindre que nos agriculteurs en
fassent les frais tant la France ne semble pas en mesure d’imposer le
renversement qu’ils demandent, si tant est que ses dirigeants le veuillent
vraiment.
C'est à un coup d'Etat permanent que nous assistons de la part des européistes-mondialistes-libéraux-libertaires-davocrato-macronistes...
RépondreSupprimerCR
""des flots de verbiage mélangeant“", voilà bien l'exacte description de tout ce qui sort de nos gouvernements depuis 2017, depuis qu'un technocrate ambitieux et immature a mis la main sur l'échelon ultime du pays, en nous faisant prendre des vessies pour des lanternes... j'avais même voté pour lui à l'époque !!! et ensuite il a fait entrer au Parlement, second lieu de pouvoir, la foule d'incultes qui le soutiennent et lui permettent de continuer à brouiller les cartes...
RépondreSupprimerBernard