Côté lectures, je passe mon été avec Honoré de Balzac. Je ne lis plus rien d’autre. Une véritable immersion ! Face à ce monument de la littérature j’ai été confronté à une vraie difficulté : comment écrire sur cet immense auteur ?
Je me dois au moins de vous
inviter à m’imiter sachant tout le profit que vous en retirerez ; la plus
belle de mes récompenses ayant été d’entendre mon petit-fils de 12 ans me
confier la joie qui lui fut procurée par la lecture du « Colonel Chabert » !
Balzac est un maître. Quelle
langue foisonnante, travaillée, riche, inépuisable, intarissable, jamais
lassante au service d’un imagination débordante ! Les portraits, les
descriptions – dont certains lui ont à tort reproché les longueurs - la
connaissance de la nature, de l’histoire, de l’humanité, des mœurs, des vices et des vertus, de la
société et de ses rouages, tout y est analysé, magnifié, décrypté, décortiqué
sans jamais ennuyer le lecteur inévitablement passionné. Plénitude de l'art du roman !
Ses romans sont des chefs d’œuvre ;
sa « comédie humaine » est une fresque sans pareil de la société de
son époque. Et elle traverse le temps sans prendre une ride, ne perdant rien,
ni de son intérêt ni de son acuité.
Je voudrais souligner son
génie et sa maîtrise absolue du portrait moral.
La morale, chrétienne même
si Honoré n’est pas à proprement parler un auteur chrétien, est l’épine dorsale
de son œuvre même si au fond on ignore s’il y adhère ou pas faute de l’avoir
réellement respectée dans toutes ses exigences.
Et dans son introduction à « La
comédie humaine » Balzac s’explique : « J’écris à la lumière de
deux Vérités éternelles : la Religion, la Monarchie, deux nécessités que les
événements contemporains proclament, et vers lesquelles tout écrivain de bon
sens doit essayer de ramener notre pays. »
Mais il ne moralise pas.
«
Balzac ne « moralise » pas en prêchant la vertu et l’utilité : son œuvre est
par elle-même morale car elle est vraie, et elle est vraie car elle montre les
contradictions de la vie » écrit Arlette Michel.https://urlz.fr/i0fw
Charles Maurras avait très justement observé de son côté : « Balzac a procédé à la plus extraordinaire des opérations de littérature politique et sociale : Ce n'étaient pas des idées, ce n'étaient pas des sentiments, ce n'étaient pas des mœurs que Balzac avait soufflés dans l'âme de ses lecteurs ; ou plutôt c’étaient bien des idées, des sentiments et des mœurs, mais c'étaient aussi des caractères, des personnages, des biographies toutes vives ». (Dictionnaire politique et critique)
Les héros de Balzac seraient
inconcevables dans notre univers relativiste qui réduit la morale à néant en la
privant de tout effet contraignant sous couvert de sincérité. Les intrigues, les drames, les
déchirements, les passions maîtrisées ou vécues, sont inimaginables sans une
morale inflexible qui ne soit pas remise en cause par le caprice de chacun. On ne la choisit pas; on fait avec. Dans
la Comédie humaine la morale est subie autant que dominée, assumée et acceptée.
D’où les drames, les déchirements. Sans morale pas de héros balzaciens !
Ils se battent mais ni ne contestent ni ne relativisent à l’aune de leur
sincérité qu’ils mettent plutôt au service de leurs combats.
Son œuvre est aussi
inactuelle qu’éternelle. Inactuelle parce que ses héros ne sont pas de notre
époque. Nous qui relativisons la morale pour nous l’accommoder n’avons rien de
commun avec sa comédie humaine. Elle nous est donc étrangère. Cependant les
combats comme les débats des héros balzaciens nous captivent et nous
passionnent. Car, oui, son œuvre est éternelle ; dès les premières lignes
de n’importe lequel de ses romans nous sommes pris par la dimension dramatique
de chacun de ses personnages dont les sentiments, les actes, les pensées, les
confidences, les trahisons, les faiblesses, les tiraillements, les fidélités
nous touchent et nous parlent. Tout y est vrai de cette plénitude propre à l’humanité.
Balzac réveille en nous une
dimension dont nous avons perdu l’exigence comme le soutien. Il nous révèle à
un « nous-même » dont nous avions oublié l’existence. Ses analyses
magnifiées par la richesse de son style et sa maestria capable de faire briller
ce qui le mérite et mépriser ce qui doit l’être, nous font découvrir que si la
vie a un sens celui-ci se détermine par rapport à la morale. Il nous révèle en
même temps que les sentiments religieux permettent à l’homme et à la femme d’atteindre
les sphères sublimes du dépassement de soi et de l’éternité divine.
La vie des personnages de
Balzac a un sens. Ils ne sont pas dans l’horizontalité des consommateurs. Ils
sont dans la verticalité.
Mes trois dernières lectures
ont été « Le cousin Pons », « La cousine Bette » et « Le
lys dans la vallée ». Comment ne pas être étourdi par la puissance des
portraits de ces personnages qui subliment la nature humaine et les sentiments
éprouvés ? Comment ne pas aussi être affranchi de toute illusion sur la même nature
humaine livrée à ses passions qu’elles soient centrées sur l’argent, l’avarice,
la cupidité, la condition sociale ou l’amour ?
Balzac nous donne de l’expérience ;
il nous ôte nos illusions ; il nous fait grandir.
Malgré le contexte social de
son temps Balzac est résolument moderne, d’une modernité qui donne de l’épaisseur
à l’humanité. La pâte qu’il fait lever
en tant qu’écrivain est constituée par la nature morale et intellectuelle de l’homme
grâce à laquelle la raison retrouve la vraie puissance de son rôle structurant,
sans rien oublier ni de nos passions ni de nos attachements.
En lisant cet immense
classique on comprend ce qu’Albert Camus voulut exprimer en écrivant son fameux
« un homme ça s’empêche », à ceci près que chez Honoré les plus héroïques
sont généralement les femmes !
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