dimanche 29 septembre 2024

QUE PENSER DE LA JUSTICE SELON LE GARDE DES SCEAUX ?

Les Français n’ont plus confiance dans leur Justice ! 


L’insécurité règne ; les personnes pensent ne plus bénéficier des conditions d'une paix sociale juste. Elles considèrent que la justice n'est plus rendue. L'actualité nous bouscule. Les scandales s'accumulent. Les crimes s'enchaînent. Les Français commencent à avoir peur. Par-delà les passions et les colères, face à la nécessité de restaurer cette confiance perdue il faut se poser la question de savoir ce que nous pouvons légitimement attendre de la Justice de notre pays.

Notre nouveau ministre de la Justice a été interrogé sur France Inter vendredi matin. C’est un euphémisme de souligner qu’il fut aussi embarrassé que prudent. Il n'a pas commis de provocation. Recadré par le premier ministre il a manifesté sa volonté de travailler la main dans la main avec le ministre de l'Intérieur. Dont acte.

À la fin de cet interview le journaliste lui posa heureusement la question de fond : Qu’est-ce pour vous que la justice ? Sa réponse fut : faire en sorte

  • que dans une société les personnes puissent vivre pleinement,
  • que l'état de droit soit respecté
  • et que l'indépendance de la justice soit garantie.


Que faut-il en penser ?

 

Permettre aux citoyens de vivre pleinement ?

C’est assez vague et ambigu. Certes cette affirmation renvoie à la notion de paix qui était autrefois associée à celle de justice. L'objet de la justice est effectivement de faire en sorte que les personnes puissent vivre en paix sur leur sol national. 

Vivre pleinement est moins clair que vivre en paix. Tout simplement parce que la notion de paix intègre la dimension sociale alors que la plénitude de vie est purement individualiste. Et de fait la justice ne peut pas se concevoir dès lors qu'on parle de l'individu en tant qu’animal social en oubliant que la société est un corps qui a ses règles et ses exigences; la justice de rend dans les liens qui fondent la vie en commun. 

De ce premier point de vue cette réponse nous renvoie donc à une dimension de la Justice tronquée des exigences de la vie en société et de la protection du corps social en tant que tel.

 

L’Etat de droit ?

Nous savons ce qu'est devenu l'état de droit. Outre le fait qu'il soit sous le contrôle de juridictions extérieures à la France ou confié à des politiques composant le Conseil constitutionnel, l'état de droit est une abstraction imprégnée d'idéologie. C'est une notion fourre-tout. Une multiplication de droits individuels dans le cadre du préambule de la Constitution sous la terminologie du « bloc de constitutionnalité ».

L'état de droit est une affirmation de droits multiples et variés, érigés en principes parfois contradictoires ; nous en avons une illustration avec la difficile conciliation entre les droits reconnus à des accusés ou à des condamnés et la nécessité qu'il y a de les poursuivre, de les juger et de leur faire subir les peines qu'ils méritent; les procédures devenant des casse-têtes pour les policiers et les magistrats. Les droits individuels ne sont pas le droit!

Or la justice a un lien avec le droit en ce sens que l'un ne se conçoit pas sans l'autre en vertu d'une conception qui remonte aux Grecs et aux Latins, dont la synthèse a été réalisée dans notre droit français. Selon Aristote la justice est un habitus qui porte les hommes à faire des choses justes et qui est en cause quand on les fait et qu'on les veut. La justice est en quelque sorte une volonté perpétuelle et constante d'accorder à chacun son droit. Les Grecs ont développé le concept du juste comme l'objet de la vertu de la justice ; le juste est ce que nous devons établir dans nos relations avec les autres ; le juste établit l'égalité entre les membres de la communauté. Chez les Romains l’établissement du règne de la loi ne procède pas d’un calcul rationnel mais de l’expérience pratique de la justice et des passions humaines. Le « jus » absorbe la « lex » ; il la digère. C’est ainsi que naquit un paradigme institutionnel promis à une extraordinaire carrière puisqu’il donna naissance à l’ordre juridique qui s’impose au gouvernant. Selon Michel Villey l’héritage grec est que « le droit est l’objet de la justice ». « To Dikaion ». Voici sa conclusion : « selon l’analyse d’Aristote, le droit se découvre par observation de la réalité sociale, et confrontation de points de vue divers sur cette réalité, parce que le droit, objet de la justice au sens particulier du mot, est précisément ce milieu, la bonne proportion des choses partagées entre membres du groupe politique ». Les deux sont donc intimement liés. Ils ne sont pas contradictoires. Les droits ne peuvent pas se concevoir en dehors de la justice et de l'équilibre que celle-ci doit faire régner entre eux. 

La justice est au-dessus des droits. Le droit objet de la justice est au-dessus des droits. Telle doit être la colonne vertébrale de l'action politique en la matière. L’état de droit arbitré par la CEDH, la CJCE et le Conseil constitutionnel en est loin. Pire, il dissout le droit, fondement de la justice, dans d’innombrables proclamations individualistes et contradictoires.

 

L'indépendance de la justice ?

Elle remonte à la séparation des trois pouvoirs imaginée par Montesquieu. Erigée ne principe fondamental et absolu elle débouche aujourd’hui sur ce qui est dénoncé comme le gouvernement des juges. La question doit être posée de savoir si véritablement les juges doivent être totalement indépendants du pouvoir politique et être en situation de le sanctionner. 

Un exemple peut nous éclairer. Le droit de grâce qui existe encore aujourd'hui ; il revient au président de la République après avoir été dévolu au roi. C'est bien que le chef de l'État est garant de la justice. Il est le dernier juge. 

Le pouvoir exécutif doit garantir la Justice ; c’est donc qu’il lui est supérieur même si l’indépendance du juge doit pouvoir être garantie dans l'exercice de sa fonction de jugement; la question de l'indépendance du parquet qui poursuit les infractions et exerce l'action publique étant d'une toute autre nature.

Nous avons fait de la séparation et de l'indépendance des juges un mantra. Il est vrai que les politiques sont de plus en plus corrompus ou suspectés de l'être. Des politiques exemplaires ayant le sens de l'Etat et du bien commun ne seraient-ils pas la meilleure des garanties qu'une bonne justice? N'en sont-ils pas la condition nécessaire?  Comment demander à des juges de se mettre au-dessus du pouvoir sans faire de la politique? Le Syndicat de la magistrature auquel adhèrent près d’un tiers des magistrats n’en est-il pas la démonstration avec ses excès et ses débordements ? Le mur des cons de sinistre mémoire ; mais aussi des prises de position inadmissibles comme les récents communiqués dont il s’est rendu dans de récentes affaires ? La comparaison de ses communiqués de presse sur l’affaire Nahel et sur le meurtre de Philippine illustrent ses prises de position idéologiques alors qu’il devrait se cantonner dans la seule défense des intérêts statutaires de ceux qu’il représente. 

Si l'indépendance doit être absolue, statutaire, pourquoi ne pas supprimer le ministre de la Justice? On le voit, on ne peut pas, on ne doit pas couper le lien entre le pouvoir et la justice, fonction régalienne, dont la responsabilité lui incombe.

L'indépendance du juge est avant tout une affaire d'état d'esprit, d'hommes et de femmes, de personnes, de formation…

Prolongeons notre réflexion. Certaines décisions de justice sont contestées, jugées. Cela devient une figure imposée des médias… Même si les juges peuvent parfois être de parti pris le problème me semble être souvent ailleurs. Pour l’avoir vécu pendant plus de 40 ans je pense que les magistrats ont perdu de vue le repère du fléau de la balance de la justice. La cause ? Un droit qui n’est plus qu’une accumulation de dispositions tatillonnes, formalistes, réglementaires qu’ils doivent appliquer en étant privés, ou en se privant par conformisme légaliste …, du souci de rendre la justice dont les justiciables et les citoyens ont soif. Ils ont perdu le souci du juste, de la justice, de l'équité ; parce que, comme nous l'avons vu, le droit ainsi dénaturé n’est plus l’objet de la justice mais un catalogue de droits relatifs et individuels, d’interdictions et de réglementations contraignantes. 

C’est comme cela qu’un juge des libertés en vient à rendre par exemple une décision comme celle si critiquée de la libération du meurtrier de Philippine, en prenant même le soin d’expliquer dans sa motivation qu’il se considère dans l’impossibilité de décider ce qui serait juste!

 

Concluons.

Tant que nous n’aurons pas remis la nécessaire satisfaction de la soif de justice de nos concitoyens au cœur des missions de l’Etat la confiance en la Justice ne pourra pas être restaurée.

Pour cela il est impératif de simplifier nos lois et nos codes. Il faut les clarifier. Il faut remettre les juges face à l’impérieuse grandeur de leur mission en leur fournissant les moyens nécessaires sans pour autant les laisser s’entretenir dans l’exercice dénaturé d’un pouvoir et d’une influence politiques qui sont contradictoires avec cette mission. Et à cet égard il est de salubrité publique de réduire les actions intempestives du syndicat de la magistrature.

Simplifier. Agir. Remettre de l’ordre dans la maison France et dans les esprits. Retrouver le sens de l'Etat. Redonner confiance. Revenir aux fondamentaux et à l’essentiel.

Semper idem !

 

1 commentaire:

  1. Je ne crois malheureusement pas que le nouveau Garde des sceaux ait bien compris que la Justice doit se rendre au nom du peuple français…
    L’Etat de droit d’aujourd’hui est un « État profond » qui bloque la volonté du peuple… et fait de la Justice un véritable Pouvoir dévoyé.
    CR

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