dimanche 6 octobre 2024

UNE ODE A LA LECTURE ET A L'ECRITURE PAR UN MEDECIN DU CERVEAU!

Les hasards du marivaudage dans les librairies toujours riches d’opus de qualité réservent souvent de bonnes surprises aux amoureux des livres! Je dois à la librairie Goulard d’Aix-en-Provence et au client qui m’envoya plaider au pays du Roi René en une récente et belle journée automnale d’avoir mis la main sur un livre qui bien que paru en début d’année était passé sous les radars des réseaux divers et pourtant avisés auxquels je me fie. Il s’git de « L’homme augmenté » de Raphaël GAILLARD. Véritable et surprenante ode à l'écriture et à la lecture.


Les deux premières parties de ce livre nous font voyager dans notre cerveau, sa complexité, ses prodiges, ses mystères, sous le prisme d’une réparation qui flirte parfois avec l’augmentation chère à Elon Musk. Prodiges de la science médicale. Merveilles du cerveau humain. Réparation des vivants, jusqu’où ? Quelles limites ? Y a-t-il une frontière avec l’augmentation ?

L'auteur souligne les risques auxquels nous exposent la tentation de l’augmentation et de l’hybridation cerveau-machine; il explique que le cerveau n’ayant pas de « port usb », son augmentation n’est possible que zone par zone de telle sorte qu'il n’y a  pas d’augmentation globale du cerveau au contraire de ce que l’on tendance à imaginer. Il souligne le risque de rupture de l’harmonie de l’homme qui découlerait selon lui des déséquilibres provoqués par le ciblage de la réparation-augmentation. Risque majeur quand on sait que les troubles mentaux apparaissent à l’occasion d’une rupture équilibre de l’être humain et de ce qui le constitue. Ce qu’il identifie comme les « bugs du cerveau » qui sont selon lui le corollaire de son exceptionnelle puissance. Puissance mais équilibre fragile… Selon lui il y aurait un prix à payer qui pourrait être une augmentation des troubles mentaux à l’abri desquels ne serait pas l’IA puisqu’elle reproduit le mode de fonctionnement de notre cerveau. Vertigineux et angoissant.

Mais j’ai surtout été passionné par la troisième partie de ce livre intitulée « le livre comme hybridation ». Passionnant !

Après s’être interrogé, sans trouver la réponse, sur ce qu’a fait l’homo entre 300 000 ans et 3 000 ans avant JC, l’auteur revient sur ce qu’il identifie comme la première hybridation, celle de l’écriture et de la lecture. L’IA est une nouvelle hybridation fonctionnant par imitation du cerveau à la cheville duquel elle n’arrive toutefois pas, nonobstant ses exceptionnelles performances. 

L’effet Google de destruction de la mémoire n’est selon lui qu’une répétition du mythe de Theuth qui vit Tamaous annoncer l’affaiblissement de la mémoire du fait de l’écriture. Et oui, déjà ...

Ceci amène Raphaël Gaillard à l’hypothèse selon laquelle l’expérience de l’hybridation technologique pourrait être une réussite si nous revenions à l’approfondissement personnel, chez chacun de nous, de l’hybridation initiale de l’écriture et de la lecture. Et il s’appuie pour ce faire sur le fait que l’IA et ses derniers avatars comme chatGPT s’entrainent à partir des mots et de leur lecture ; ce que souligne également Yann Le Cun qui insiste de son côté sur le fait que l’IA n’a à ce jour aucun moyen d’appréhender la réalité directement, autrement qu’à travers les mots et les textes et les images dont on la nourrit. 

L'auteur cite cette découverte révélant qu’une IA à qui on apprit à résoudre les équations à trois inconnues apprit seule à résoudre les équations à quatre inconnues après avoir lu des textes qui n’avaient rien à voir avec les mathématiques ! Sidérant ! Révélateur ! Confirmation !

En clair Raphaël Gaillard affirme comme hypothèse de sa réflexion, appuyée sur de multiples constatations, que la lecture, la maitrise des langues et de leur syntaxe forment l’intelligence de l’homme, comme celle de l’IA. D’où sa conclusion que l’humain peut garder sa puissance naturelle face à l’IA, l’utiliser et la maitriser, en écrivant par exemple des prompts intelligents, à la condition de continuer de se soumettre à l’apprentissage approfondi de l’écriture et de la lecture. Et de rappeler que « la culture c’est ce qui reste dans l’esprit quand on a tout oublié » (E Herriot) ou encore « la tête doit être bien faite plutôt que bien pleine » (Montaigne). Car il s’agit, comme pour l’apprentissage des IA, d’entrainer nos réseaux de neurones en mettant à profit tout ce que celle-ci n’a pas, notre don d’ubiquité, notre connaissance du monde réel, nos émotions et nos sentiments. Hypothèse appuyée par les deux premières parties du livre qui font ressortir les ressources inouïes et les facyltés mystérieuses de notre cerveau d'humains!...

En conclusion : « D’un côté l’IA est bridée par son absence de corps (cf Y Le Cun), de l’autre nous semblons nous dessaisir de notre propre intelligence pour consacrer l’avènement de cette intelligence artificielle. D’un côté l’IA, réduite à simuler sans même pouvoir toucher la vérité du doigt, ou de quoi que ce soit, écrit sur tout et n’importe quoi mais ne ressent rien, de l’autre des êtres humains s’en remettent à cette pléthore de textes sans même pouvoir les penser, les perroquant à leur tour. » Et encore « renoncer à l’écriture et à la lecture reviendrait à céder notre intelligence » à l’IA.

Ce livre confirme avec éclat que l’homme ne maitrisera l’IA qu’à la condition de ne pas abdiquer ses propres compétences et savoirs. Ne pas céder à la tentation de la facilité! Il doit rester plus que jamais pleinement homme s’il ne veut pas être soumis à l’IA. Et pour ce faire la lecture et l’écriture sont des exercices qui ressemblent à des passages obligés, des exercices de survie !

Semper idem !







1 commentaire:

  1. Beaucoup de Jeunes aujourd’hui ne lisent plus. Ou presque plus ; et en tout cas ont abandonné les Classiques dont ils ignorent jusqu’aux noms.
    Ils n’apprennent plus à penser, en se nourrissant de livres, mais ce qu’il faut penser, suivant ainsi le « main stream » de la pensée unique du ministère de la Vérité…
    Dans cette perspective, cet encouragement thérapeutique à la lecture pourrait bien malheureusement n’être suivi que par ceux qui, de moins en moins nombreux, essaient de ne pas succomber à la facilité…
    Le combat sera difficile ! Mais il vaut la peine d’être engagé.
    CR

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