UN TRENTENAIRE CONNECTE A FAILLI ME DESTABILISER ...

Je viens de rencontrer un trentenaire, jeune père de famille, futur petit entrepreneur dans l'agro-alimentaire. Pas sans intelligence. Assez représentatif de sa génération. Un moulin à paroles ayant réponse à tout, mais sans arrogance. Il a failli me déstabiliser.

Cette génération, qui représente les futures forces vives du pays, est étonnante !

J'ai retiré une impression singulière de cette rencontre inattendue. Au fond ils sont très différents de mes enfants qui ont passé la quarantaine. Il y a un fossé entre leurs deux générations. 10 ans! Oui tout va très, très vite, la loi de Moore.

Les trentenaires sont des "self made Younger man" !  Ils se forment seuls, s’autoréfèrent. YouTube et les réseaux sociaux ont remplacé la télé. Pas de livres. Leur univers est un espace réduit à ce qui arrive dans leur iPhone et en ressort sous l'impulsion frénétique de leurs pouces.

Climatosceptiques, ils sont totalement désabusés sur le plan politique n’attendant rien de l’offre institutionnelle actuelle. Pour qui voteront-ils ? Qui suivront-ils?

Pour eux il y a de la richesse personnelle de partout. Rien n’est bon ni mauvais. Ils n'ont pas de maîtres. Ils n’ont pas d’ennemis (à ce sujet, au passage, l'évangile de ce dimanche "aimez vos ennemis" nous apprend qu'il ne faut pas nier l'existence des ennemis mais qu'il faut les aimer; ce qu'on a trop tendance à oublier…). Ils n’ont pas de Dieu. Le relativisme triomphant.

Aucune autorité ne s'exerce sur eux et sur leurs vies. Ils se méfient de tout et de tous. Ils sont leurs propres guides ; leurs références exclusives. Ils n'écoutent aucuns conseils dans l'ordre moral, politique ou cultuel ; uniquement pour les affaires. Le matérialisme triomphant.

Ils ont des avis sur tout et n'écoutent ni leurs parents, ni qui que ce soit ; rien d’autre que le résultat des croisements d’informations sourcées auxquelles ils se réfèrent. Car de ce point de vue horizontal ils sont exigeants et vigilants.

J’ai entendu bien sûr que toutes les religions étaient des fauteurs de guerre. Que le Professeur Péronne était "antivax" et complotiste ; l’affirmation étant soutenue par une référence trouvée sur l’iPhone en quelques secondes. Que les complotistes se font « un blé » colossal. Que les migrations climatiques sont un phénomène inévitable. Que l’Australie est une terre de rêve. Mais aussi que les européens n'ont pas à se plaindre de ce qui s’était passé en Ukraine parce que Poutine, ce malade, les avait prévenus si l’OTAN encerclait la Russie de trop près. De tout....Où sont les repères ? Rien n'est cohérent.

Leurs enfants ne regarderont pas la télé, ils auront un accès surveillé aux réseaux sociaux et à internet. Ils ne recevront aucune éducation religieuse mais sauront en revanche par exemple reconnaître les différents sortes insectes et autres papillons, et bien sûr jouer aux jeux vidéo qui sont représentatifs de l’univers car ils sont capables de reconstituer avec exactitude les équipements de je ne sais quel guerrier du moyen Age. Aucune interrogation métaphysique, ou seulement, au moins, sur le sens de la vie.

J’avoue avoir été désarçonné.

Il m’aurait fallu plus de temps pour approfondir, mais j’étais saoulé d’uppercuts !

Je me pose la question de savoir ce que va devenir le monde entre leurs mains alors qu'ils n'ont aucune pensée sur ce qu'il faudrait qu'il soit et sur ce qu'il devrait leur apporter.

Ils sont déstructurés sur le plan culturel et intellectuel. Oui le plus inquiétant c’est ça. Pas de structure. 

On ne peut pas tout savoir seul, non. Même avec le soutien d’une IA maitrisée. Cela est tellement fragile, aléatoire, sujet à manipulations malgré la volonté d’éliminer les fameuses fake news. Car il n’y a aucune dimension ni morale, ni historique, ni intellectuelle. La structure, le squelette de la vie sociale comme personnelle est absent. L’exactitude, la réalité oui. La vérité intellectuelle ou morale, non. Pas de direction autre que la réussite économique.

L’éducation nihiliste qu’ils ont reçue couplée avec cette certitude de pouvoir accéder soi-même à toute la connaissance et à une information triée et sécurisée explique ce surgissement d’une génération qui nous fait un pied de nez. Car ils n’ont rien appris à admirer, à respecter, maitriser intellectuellement, à croire.  Ils ne nous écoutent pas parce que nous n’avons aucune réussite visible à leur proposer. Nous avons abandonné ce qui fait sens. Aussi ont-ils remplacé le sens par le croisement des sources, ponctuel, sans contexte, sans perspective, avec les moyens qu'ils se sont procurés sous l'œil vigilant de la doxa.

Comment remonter la pente ? Il faut aller vers eux…. sauf que nous n’avons pas les clés de cet univers dématérialisé dans lequel ils évoluent avec une réelle dextérité.

Voilà qui à chaud est vraiment angoissant.

Heureusement que 8 jours plus tôt je faisais visiter le Château de Versailles à mes petits-enfants après leur avoir fait découvrir les sculptures de Rodin à Paris ; ce qui m’a permis de mesurer et de constater, qu’à la condition d’y donner du sens, grâce à un peu de préparation, il n’est peut-être pas vain de les immerger dans le récit de leur identité. 

Il est vrai aussi que nos iPhone nous ont aidé à retrouver plus facilement le chemin préconisé par Louis XIV pour visiter ses jardins !

Aïe, que c'est compliqué…