Vous le
savez, j’aime le sport; je ne boude pas mon plaisir quand viennent les
grands événements, quels qu’ils soient. Hier soir,
j’ai vibré, comme beaucoup, devant la finale de la Ligue des champions
remportée par le Paris Saint-Germain. Un match d’une intensité rare, une
victoire historique, une fête annoncée. Mais ce
soir, 24 heures plus tard, j’ai la gueule de bois. Et, disons-le, une certaine
mauvaise conscience. Cette victoire sportive indéniable ne cache-t-elle pas nos abandons nationaux que je ne cesse de dénoncer?
Pourquoi ce
malaise ? Pour deux raisons majeures : les violences récurrentes qui
gangrènent ce sport, et le rôle ambigu du Qatar, bailleur de fonds
tout-puissant de ce succès.
Violences : l’inacceptable normalisation
Les
débordements d’après-match ne sont plus des dérapages. Ils sont devenus un rituel
toxique, une composante quasi-systématique du football-spectacle. Des
professionnels de la violence s’invitent à la fête, transformant l’espace
public en zone de chaos. Ils agissent en terrain conquis, dans l’anonymat des
foules et avec l’assurance d’une impunité relative.
Ce qui
interroge, ce n’est pas seulement leur présence, mais la réaction de l’État, ou
plutôt son absence de réaction cohérente. À chaque grande rencontre, des
dispositifs policiers massifs sont déployés, dans une logique de gestion de
crise, rarement de prévention. Et quand les débordements se produisent – comme
ce fut le cas samedi soir – la parole publique se dérobe ou se contredit.
Ainsi,
Laurent Nuñez avait annoncé que la parade sur les Champs-Élysées serait
conditionnée à l’absence d’incidents. Dans une interview sur France Bleu Paris
le 24 mai 2024, Laurent Nuñez a précisé : « La parade sur les
Champs-Élysées, si elle doit avoir lieu, sera conditionnée à l'absence
d'incidents lors de la nuit de samedi à dimanche, après la finale. » Or la parade a eu lieu malgré les violences,
les morts, les agressions contre les forces de sécurité. Entre menace
d’autorité et renoncement, la parole politique perd en crédibilité. Comment
accorder le moindre crédit aux mots pourtant justes du Président de la
République, condamnant et promettant la fermeté alors que l’Etat ne fut pas
capable de tenir ses engagements ?
Certains
objecteront que renoncer à la parade aurait pu aggraver les tensions.
Peut-être. Mais céder à la peur du désordre, c’est reculer un peu plus chaque
fois, et dissoudre progressivement l’autorité de l’État. C’est un mécanisme
bien connu : la peur d’enflammer certaines populations mène à une forme de
paralysie politique. Le parallèle avec notre incapacité à affronter certains
sujets sensibles – comme les relations avec l’Algérie ou les influences
étrangères sur notre sol – est frappant.
Qatar : un financier qui dérange
Le deuxième
malaise, plus profond encore, tient à ce qui a permis la victoire parisienne. Elle
n’aurait jamais été possible sans l’argent qatari. Même si le PSG a changé de
stratégie sportive avec Luis Enrique, en abandonnant la frénésie des stars, le
socle reste le même : des moyens colossaux, injectés par un État étranger.
Un État dont
les liens avec l’islam politique sont désormais documentés, notamment avec les
Frères musulmans. Le rapport récemment publié par le ministère de l’Intérieur
sur l’islamisme en France évoque explicitement des financements du Qatar
jusqu’en 2019 à destination d’associations, de mosquées ou d’écoles proches de
la mouvance frériste – à Strasbourg, Marseille, Lille, Villeneuve-d’Ascq,
Saint-Denis... On peut rappeler ici le rôle central de figures comme Youssef
al-Qaradawi, hébergé à Doha et promoteur d’un islam politique opposé au
wahhabisme saoudien. Ce positionnement a permis au Qatar de jouer une carte
idéologique différenciée, mais aux conséquences dramatiques que nous vivons de
jour en jour.
Et pendant
que le Président Macron demande à François Bayrou des « propositions » pour
faire face à la gravité des faits révélés par le rapport, le même Président
remercie chaleureusement l’émir du Qatar pour la victoire du PSG. Où est la
cohérence ? Comment parler de fermeté vis-à-vis de l’islamisme politique tout
en déroulant le tapis rouge à ceux qui l’ont soutenu, financé, installé ?
Il ne
fallait pas recevoir le PSG à l’Élysée. Il ne fallait pas organiser de parade. Décidément,
pas de réception, pas de dérogation, pas de célébration.
Une question de conscience
Alors, me
direz-vous, fallait-il regarder le match ?
C’est bien
là que le doute s’installe. Le piège se referme. Nous applaudissons un
spectacle financé par un État qui alimente, ailleurs, des idéologies que nous
combattons chez nous. Nous vibrons pour une victoire dont les fondations
soulèvent des questions éthiques et politiques majeures. Nous participons, à notre
manière, à un système d’entrisme doux, celui qui ne s’impose pas par la force
mais par le plaisir, la réussite, le soft power.
Et au fond,
c’est peut-être là le plus grand succès de certains réseaux islamistes : nous
faire aimer ce qui nous fragilise.
Je ne sais
pas si je regarderai le prochain match. Mais je sais que j’y réfléchirai à deux
fois même si Désiré Doué l'homme du match m'a mis un peu de baume au cœur en déclarant devant des millions de téléspectateurs: « Je n'ai qu'une chose à dire : merci Seigneur Jésus-Christ».https://urlz.fr/uA6G