Avec l'évolution économique de nos sociétés occidentales les enjeux deviennent planétaires. La pression de l'immigration est de plus en plus forte. Elle se traduisit par des conflits culturels identitaires qui mettent en péril nos équilibres sociaux fondamentaux. Depuis les années 70 les populations immigrées sont de races, de cultures et de religions différentes, et elles deviennent des boucs émissaires ; ce double danger nous renvoie à la question du multiculturalisme. S’il n’est pas exclusif le paradigme religieux est essentiel. Quelle meilleure illustration en avons-nous avec par exemple les débats sur le port du voile ou sur la construction des mosquées ?
La confusion règne dans nos esprits.
Certains, les croisés de l’an 2000, se croient revenus en 732 à Poitiers avec Charles Martel. D’autres, les modernes affirment que les principes républicains dissoudront les aspirations politiques et religieuses de l’Islam, comme ils ont refoulé les catholiques dans les églises. Les édiles de la défense des idéaux républicains voient quant à eux un danger dans ce retour du religieux, c’est ainsi que le programme du leader des candidats à l’élection présidentielle prévoit l’inscription de la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans la constitution. Personne n’est pertinent et le peuple s’interroge, en proie aux angoisses du quotidien, qui le font en partie adhérer à des slogans populistes, germes d’intolérance, ou à des falsifications spirituelles. Où est le point d’équilibre ?
Un peu d’histoire.
La France a ceci de particulier que jusqu'en 1789 le christianisme y a inventé un principe fondateur la distinction des deux glaives, de la séparation du spirituel et du temporel. Comme il y a toujours trop « d'hommerie » dans l’homme et dans la société, rien ne fut parfait ……. Aucune autre civilisation n'a pourtant jamais prôné cette distinction essentielle de manière doctrinale, en tant que principe. Voulant rompre avec la tradition catholique, à l’image de Voltaire qui voulait « écraser l’infâme », la révolution de 1789 a rejeté ce système millénaire; et un siècle plus tard la IIIe République a imposé une nouvelle conception de la distinction des deux ordres qui s'est traduite par la séparation de l'Eglise et de l'État. La république a été proclamée laïque. Sous couvert de progrès le religieux a été repoussé dans la sphère individuelle. Avec cette acuité propre à la France, autant fille du religieux que du politique, cette histoire retracée « à la serpe » illustre le débat de l’homme avec son destin, sa vocation, en même temps qu’avec l’autre. L’homme a des racines et des ailes…Au plus fort de cette évolution nous avons entendu Péguy, le fils des hussards noirs de la république nous affirmer que « le spirituel couche dans le lit de camp du temporel », Saint Exupéry le sensible inclassable, nous crier que l’homme mourait de soif dans une époque haïssable et Malraux, qui n’est pas suspect de complicité avec l’Eglise Catholique… , nous rappeler que « la Chrétienté avait été un tout non totalitaire car elle avait connu au moins le Pape et l’Empereur » exerçant ensemble leurs autorités respectives. C’est dans ce contexte de perte de repères et de confusion, que l’Islam vient rebattre les cartes avec son indiscutable volonté de conquête !
On ne peut nier le religieux.
La voie de l’équilibre ne peut être que dans la reconnaissance de l’aspiration religieuse et de ses conséquences, dans la compréhension mutuelle, la tolérance, la reconnaissance d’une authentique liberté religieuse et d’abord de conscience. Si l’homme a des racines et des ailes, cela veut dire qu’il vit avec…et qu’on ne peut pas l’empêcher de s’en servir. On ne doit pas l’en empêcher !
Nous devons casser un mythe.
Ce mythe est double, véritable Janus à deux têtes. Il est d’abord dans l’illusion qu’on peut imposer à l’homme de mettre ses convictions au placard et l’empêcher de vivre en fonction de ce qu’il croit, des vérités auxquelles il adhère librement, en conscience. Il est ensuite dans une prétention à la neutralité de l’ordre social, sous prétexte d’une fausse conception de la laïcité. Résultat, l’homme se retrouve seul face à ses convictions, leurs exigences, contraint de se réinventer une morale parce telle Ponce Pilate la cité l’abandonne dans un désert et le livre à toutes les facilités, comme aux pires folies ; chacun en étant réduit à faire sa petite cuisine dans son coin….
Les guerres de religion sont-elles inévitables ?
Est-ce pour autant qu’il faut partir en guerre pour imposer ses convictions, sa religion par la force ? Voilà une fatalité dont on essaie de nous convaincre….Même si de manière ontologique le religieux est prosélyte. Dans notre société occidentale policée, évoluée, tolérante, la confrontation religieuse est devenue inconcevable ; elle semble anachronique. La religion relève de la sphère privée, du for intérieur, chacun doit respecter les convictions des autres. Aller plus loin serait une atteinte à la tolérance. Mais la religion « lieu privilégié de l'amour », est au cœur du rapport à l'autre. Le Christ en est une parfaite illustration, lui qui a accepté de mourir gratuitement pour racheter l'humanité. Non, on ne doit pas se battre au nom de la religion, pour imposer sa religion. Nous nous rendons par ailleurs bien compte que la coexistence de peuples aux religions différentes est difficile, souvent impossible. L'histoire l’a prouvé. Perdus entre ces deux apparentes contradictions nous sommes dans l'incapacité de gérer les confrontations culturelles et religieuses de manière équilibrée, respectueuse et tolérante. Pourquoi ?
Le sens de Bien commun.
Nous mélangeons tout. Nous ne savons pas distinguer le paradigme individuel du paradigme collectif. Nous sommes renvoyés au problème du bien commun que nous ne savons plus conceptualiser, ni mettre en œuvre. Le collectif et l'individuel. L'un et le tout. L'homme n'est pas Robinson. Il est un animal social et religieux. Il forge sa personnalité dans un terreau qui s'appelle la culture. Une culture qui lui est transmise de manière collective par des relais individuels. Nous sommes des débiteurs insolvables. Le bienheureux Pape Jean-Paul II l'a exprimé avec justesse et profondeur : « la culture est ce qui fait en l'homme l'humain ». La culture est l'expression d’un nous commun, identifiant. Prenons l’exemple de l'éducation du petit d'homme. Chesterton l’a exprimé avec profondeur : « éduquer c'est être assez sûr qu’une chose soit vrai pour oser la dire à un enfant ». L’éducation est fondée sur des bases morales. On prône d'ailleurs une morale républicaine. Or qui dit morale, dit religion…Notre système laïc républicain est moral, donc religieux dans son essence, même s’il s’en défend. Refusant officiellement tout rôle à la religion, sous couvert de tolérance, il est lui-même intolérant lorsqu'il refuse aux êtres humains la possibilité de se former et de s’identifier dans une culture et une religion auxquelles il leur proclame pourtant le droit de la libre adhésion !
La saine laïcité n’est pas neutralité.
Non la civilisation n'est pas plus neutre spirituellement que culturellement. Elle ne peut pas l’être. L’homme a des racines et des ailes… Non le monde n'est pas neutre. Il ne pourra jamais l'être. La seule solution consiste non pas à éluder la dimension spirituelle de notre univers culturel mais à faire en sorte que chacun puisse exercer sa liberté religieuse. En rejetant le religieux on défait l'humanité. Alors qu'en acceptant le religieux ont fait de l'humain. L'enjeu est de faire de l'humain dans toute sa dimension, en plénitude. C'est de permettre à l'homme de découvrir sa dimension spirituelle et de s'y épanouir. Rien ne sera jamais parfait, il y a trop « d’hommerie »…. Mais c'est la seule voie possible. Elle est incontournable. Or la civilisation chrétienne est la seule capable de permettre de résoudre les dilemmes, les confusions et les contradictions d’un laïcisme dogmatique. Parce qu’elle a inventé la nécessaire et véritable distinction entre les deux ordres spirituels et temporels, ainsi que la liberté religieuse et de conscience qui est au cœur de la théologie catholique. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». C’est le Christ qui a sublimé l'amour en acceptant la mort pour la liberté, prenant ainsi le contre-pied du slogan révolutionnaire « la liberté ou la mort. Ce message est la tolérance incarnée.
Pour conclure provisoirement…
La solution n’est pas dans l’exclusion de ce qui nous fonde, nous constitue et nous identifie. Il s’agit d’exiger des règles de vie dans la cité qui ne nient pas l’ordre naturel des choses sans lequel la greffe de la grâce est impossible et qui permette à chacun, en liberté et en conscience de choisir ce qu’il veut face à l’au-delà, ou pour celui qui n’a pas la chance de croire, face à l’immense mystère de la vie. C’est la seule voie de la coexistence pacifiée, comme nombre d’illustrations en ont été données dans des pays du Moyen Orient dont l’équilibre a été rompu pour des raisons géopolitiques irresponsables…
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