Comme pour beaucoup d’entre vous les premiers mois de la présidence de Monsieur Emmanuel Macron me donnent une impression parfois encourageante; et j’avoue que s’il me fallait choisir entre lui et ses prédécesseurs directs, j’aurais tendance à en faire mon choix par élimination. Ceci dit, j’ai été négativement impressionné par son attitude lors du limogeage du général de Villiers. Et surtout, je m’interroge sur son approche de la question religieuse dont nous savons qu’elle constitue une problématique centrale de l’évolution de notre civilisation et de nos sociétés pour les années à venir. Aussi, voudrais-je ce soir commenter un extrait révélateur de son discours prononcé il y a quelques jours devant l’université Ouaga 1 au Burkina Faso, à Ouagadougou.
« Ne
laissez jamais, au nom de votre religion, certains faire croire qu’ils
pourraient dominer, voire détruire ceux qui ne croient pas ou ne croient pas
pareil, ne laissez jamais, au nom de votre religion, asservir les consciences
ou les individus. Toutes les religions sont des religions construites sur un
message d’amour et d’espoir, elles ont des différences, elles se sont parfois
combattues, mais nous avons un devoir, celui de construire des Etats libres, séparés
du religieux et d’assurer l’exercice libre des consciences et adultes, mais
chaque conscience a un devoir, c’est sa part de responsabilité, c’est de ne
jamais laisser sa religion détournée de sa fonction première, je vous le dis,
parce que, ici, aussi, votre responsabilité est immense ».[1]
Voilà une accumulation idéaliste
d’affirmations sans lien les unes avec les autres, sans cohérence
intellectuelle! Nous ne pouvons toutefois pas nous arrêter à cette appréciation
générale. Il convient d’analyser les différentes propositions ainsi assénées comme des vérités par notre chef de l’État.
Toutes les religions sont mises sur un même
plan. Elles sont réduites à l’expression personnelle du sentiment religieux de
chacun. Voilà qui au niveau personnel peut être acceptable, chacun devant être
respecté, toléré et aimé. Mais on ne peut réduire une religion au seul sentiment
de ceux qui y adhèrent. Elle est plus que cela. Je reprendrai la définition
donnée par le dictionnaire Littré :il s’agit d’un « ensemble de doctrines et de
pratiques qui constituent le rapport de l’homme avec la puissance divine ».
La religion aurait une fonction. Or,
si l’on ne peut contester la dimension sociale des religions et par voie de
conséquence leur fonction, cette affirmation laisse à penser qu’elles puissent être
utilisées y compris par le pouvoir politique… Cette affirmation choquante méconnait
par ailleurs une réalité évidente : les religions ont d’abord pour
vocation de permettre à chacun des croyants de pratiquer sa relation avec Dieu.
Double erreur donc, sans parler des arrières-pensées qu’elles sous-tendent !
Toutes les religions seraient construites sur
un message d’amour et d’espoir. Ces deux sentiments sont-ils au cœur de toute
pratique religieuse ? Chez les chrétiens ils se traduisent par la pratique
des vertus théologales de charité et d’espérance ; mais dans le
Christianisme ces deux vertus sont complétées par celle de Foi. L’affirmation est
donc inexacte ou au moins incomplète du point de vue du christianisme. Mais elle est
surtout erronée par rapport à l’Islam directement visé dans le discours du Président de
la République. Je ne m’en tiendrai pas à la seule nature violente du
prosélytisme islamique que l’on ne peut ainsi nier, sauf à commettre une erreur
fondamentale. L’erreur est plus profonde et essentielle. Le message d’amour qui
est au cœur du christianisme n’est pas identique et de même nature que le
message qui est au cœur de l’Islam. Le musulman ne connaît pas l’amour qui
préside à la racine même du sentiment religieux chrétien. Il est fondé sur une
relation d’obéissance à Dieu, et non pas d’amour. Le musulman obéit à Dieu, alors que le chrétien croit en un
Dieu qui l’aime et avec lequel il entretient une relation d’amour incarnée par
l’Esprit Saint.
Pour le Président de la République les
religions sont réduites à un simple sentiment, manifestation de la générosité
intime de chaque être humain, dégagée de la notion de corps doctrinal de
croyances. Sentiment susceptible d'être entretenu par toutes le voies subjectives du déterminisme humain. Erreur flagrante qui est en fait la réitération du laïcisme le plus
violent méconnaissant la réalité religieuse, pour l’interdire. Car cette
réduction volontaire ne peut que se traduire par une interdiction de pratiquer leur
religion que ce soit pour le chrétien comme pour le musulman, puisqu’elle en refuse
la nature réelle en tant que croyance!
Cette réduction de la pratique religieuse à
ce qu’elle n’est ni historiquement ni culturellement ni théologiquement est
intolérante à l'égard de tous les croyants.
L’ignorance et la négation de la religion sont à la base de
tous les totalitarismes; totalitarisme dont pourtant ce Président très propre sur lui ne donne
a priori pas l’impression…. Mais n'’est-ce pas un certain Karl Marx qui affirma que « la
religion est l’opium du peuple » ?[2]
Voilà qui est très inquiétant et n’est pas de
très bonne augure !
Affaire à suivre….
[2] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/29/le-discours-de-ouagadougou-d-emmanuel-macron_5222245_3212.html
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