samedi 6 janvier 2018

LES VOEUX DU SAVETIER!



À l’heure des vœux j’avoue avoir été perplexe. La polémique devait-elle une fois encore envahir mes propos ? Devais-je réagir à la tentation exprimée par notre Jupiter de s’attaquer aux mensonges et à l’illibéralisme ? Fallait-il s’indigner contre le lynchage de cette pauvre policière ? Devais-je manifester mon ire à l’encontre de l’organisation de la communication téléphonique de nos détenus ? S'insurger contre la réécriture de Carmen au nom de la cause féministe? Tous sujets qui méritaient incontestablement des développements mais qui n’étaient pas en phase avec ma volonté de rompre avec l’actualité pour  vous inviter à formuler avec moi des souhaits se situant dans le long terme et dans la perspective de notre quête des vérités de notre temps. Aussi me suis-je laisser-aller à reprendre mes chères fables de La Fontaine, et je me suis arrêté sur l'une d'entre elles qui me semble encore plus que d'autres d’une éternelle actualité: le savetier et le financier !
Je ne résiste pas au plaisir de vous en reproduire le texte afin de vous éviter d’avoir à la rechercher dans votre bibliothèque ou sur votre ordinateur, à moins que votre mémoire ne vous dispense de cette lecture :

 Un Savetier chantait du matin jusqu'au soir :
C'était merveilles de le voir,
Merveilles de l'ouïr ; il faisait des passages,
Plus content qu'aucun des sept sages.
Son voisin au contraire, étant tout cousu d'or,
Chantait peu, dormait moins encor.
C'était un homme de finance.
Si sur le point du jour parfois il sommeillait,
Le Savetier alors en chantant l'éveillait,
Et le Financier se plaignait,
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
En son hôtel il fait venir
Le chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an ? - Par an ? Ma foi, Monsieur,
Dit avec un ton de rieur,
Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte ; et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année :
Chaque jour amène son pain.
- Eh bien que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?
- Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours ;
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes,)
Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chommer ; on nous ruine en Fêtes.
L'une fait tort à l'autre ; et Monsieur le Curé
De quelque nouveau Saint charge toujours son prône.
Le Financier riant de sa naïveté
Lui dit : Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.
Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait depuis plus de cent ans
Produit pour l'usage des gens.
Il retourne chez lui : dans sa cave il enserre
L'argent et sa joie à la fois.
Plus de chant ; il perdit la voix
Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis,
Il eut pour hôtes les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l'œil au guet ; Et la nuit,
Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l'argent : A la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus !
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.

Que de leçons pour notre temps ! 

Si nous y réfléchissons bien nos soucis, nos tracas, nos peines, nos inquiétudes ne sont-ils pas le résultat d’un troc suicidaire du même ordre que celui regretté par notre savetier ? N’avons-nous pas perdu une grande partie de notre joie de vivre, de notre légèreté, de notre insouciance, à cause de tous ces besoins que nous nous sommes créés ou que nous avons accepté d’épouser au moyen du dieu argent dont nous croyons qu’il permet de tout acheter…

Examinons nos budgets familiaux et posons-nous la question de savoir la part de ce qui y a été imposé par le conformisme, par la mode, par le goût de la consommation, mais qui en réalité ne satisfait pas des besoins nécessaires à notre véritable bonheur ? Question d’une actualité particulièrement brûlante dans nombre de foyers modestes et confrontés à des problèmes de surendettement…

Le problème est qu’à l’inverse du savetier de Jean de La Fontaine je crains que nous ne soyons plus psychologiquement en mesure d’avoir la force de retourner chez ceux dont nous tenons toutes ces soi-disant richesses pour les leur rendre....

En général, la solution est plutôt recherchée dans la recherche d’un « refinancement »… 

Nous avons perdu le goût de nos chansons et de notre tranquillité. Notre société de consommation nous entretient volontairement dans un état d’intranquillité à l’image de notre savetier doté de ses écus…

Au seuil de cette année 2018 je nous souhaite de retrouver le goût d’une certaine insouciance, de ce qui fait chanter nos cœurs et nos esprits et de ce qui contribue en vérité et réellement à la tranquillité de nos vies.

Bonne année de paix à vous tous !

3 commentaires:

  1. Bonne année à tous, au seuil de cette nouvelle année, n'est-il pas plus important d'avoir : la santé. Car sans elle nous ne pourrons jamais chanter notre bonheur, notre tristesse, notre espoir. Bonne année à tous, et la richesses est la santé, qui ne se négocie pas.

    RépondreSupprimer
  2. Cher Bernard,
    Sans doute convient-il en effet que nous retrouvions notre inscousciance, et que « nous » sachions nous défaire de besoins qui n’en sont pas...
    Mais permets-moi de penser que ce « nous » ne concerne malheureusement pas ceux qui ne peuvent joindre les deux bouts, et qui sont malheureusement légion dans notre beau pays... A moins que les nantis que nous sommes acceptions davantage de redistribution... ce serait notre honneur.
    D’ailleurs, n’est-ce pas l’honneur qui manque à notre siècle, davantage que l’insousciance ?
    Permets-moi à cet égard de te recommander la lecture d’un ouvrage remarquable, prix interallié 2017 : « La nostalgie de l’honneur », de Jean-René van der Plaetsen, chez Grasset, qui a également reçu le prix Erwan Bergot ( chef d’etat-major de l’armée de Terre).
    Bonne année et bonne lecture.
    CR

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tenir l'honneur est nécessaire; je suis d'accord.Mais je persiste à penser que beaucoup de foyers sans moyens se soumettent aux exigences de notre société de consommation sans qu'il s'agisse de répondre à de vrais et réels besoins... La redistribution a été dévoyée quant à elle par notre système social dont on s'aperçoit qu'il sert plus à entretenir des non nécessiteux sans redistribuer véritablement...

      Supprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog