dimanche 29 avril 2018

Mai 68 pour quoi faire?


50 ans ont passé. Quel est l'héritage de mai 68 ? Que devons-nous en faire ? Éric Zemmour nous en propose une lecture pessimiste. Jean-Pierre le Goff en fait une analyse froide et objective. Gérard Leclerc nous livre un profond « Sous les pavés, l’esprit ».




Mai 68 pour quoi faire? Ces lectures croisées m’ont confirmé dans une certitude. Nous ne devons pas oublier ces événements, en même temps que nous devons nous affranchir de la double et contradictoire tentation du panégyrique et de la stigmatisation. Mai 68 fait partie de notre histoire. Il est nôtre. Il participe de ce que nous sommes. Nous devons en faire quelque chose !

Mai 2018, la France a cru que l’histoire allait se répéter ; à tout le moins, certains l’ont pensé. Ils ont même essayé de rejouer mai 68. Cela n’a pas marché. La France, comme l’Europe et le monde, sont aujourd’hui livrés à un libéralisme économique triomphant sous couvert de mondialisation. Depuis 50 ans nos politiques s’épuisent, d’élections en élections, à nous proposer le bonheur sans y parvenir. La révolution a accouché de son contraire. Il est vrai qu’entre-temps le communisme s’est effondré. Les trotskistes de mai 68 sont devenus les dignitaires et les cadres d’une société qui a tourné le dos à leurs idéaux révolutionnaires. Le rêve révolutionnaire s’est délité. De ce point de vue c’est un échec. Nous vivons le contraire de ce qu’ils espéraient.

On assista à la conjonction de deux phénomènes. Une révolte politique, non pas une révolution ; pour reprendre les mots d’Edgar Morin « un 1789 socio juvénile ». Un mouvement qui a quand même failli renverser le pouvoir en place… lequel sut jouer sur la peur et renverser la révolte à son profit, au moins dans le court terme. Il y eut aussi une grande revendication, celle du désir de transgresser, du plaisir sexuel, de la « liberté libertaire ». Celle-ci a profondément transformé notre société. Mais avec quel résultat ? Certes, d’aucuns qui incarnent l’état d’esprit dominant, considèrent qu’il s’agit d’acquis sur lesquels on ne pourra pas revenir. Pour autant, le revers de la médaille de la jouissance est que le bonheur semble toujours plus inaccessible. La vie moderne débridée et déstructurée, libérée, construite sur la quête de l’épanouissement personnel, ne fait pas que des heureux. Derrière la jouissance il n’y a pas toujours le bonheur…

Serait-ce que la jeunesse attendait autre chose et qu’elle n’a glané que des leurres? C’est l’apport déterminant du livre de Gérard Leclerc. Faisant référence à Maurice Clavel, il évoque « le réveil de l’absolu en nous ! », la manifestation de l’ébranlement majeur de l’héritage impossible, et encore une rupture générationnelle. Gérard Leclerc voit dans ce mouvement « l’ampleur d’une transgression qui soulève la civilisation elle-même ».   Il conclut le chapitre consacré à Clavel en ces termes : « Au cœur de l’ébranlement de Mai, celui que de Gaulle appelait l’archange attendait la refondation du monde » ; il n’était pas le seul !....

La jeunesse de mai 68 a souffert de l’incapacité de ses parents à lui transmettre un héritage structurant. Mai 68 fut la manifestation d’une profonde crise de la transmission. Mai 2018 le confirme malheureusement avec éclat. Nous nous cherchons. Nous sommes en pérégrination collective, à la recherche du bonheur, et de la réalisation de nos destins individuels. Nous ne savons plus à quoi nous référer, nous n’avons plus rien à nous transmettre si ce n’est l’éphémère goût de la jouissance et du plaisir sous toutes ses formes.

Le chemin suivi depuis 50 ans par les leaders du mouvement le confirme. Les trotskistes révolutionnaires ont dû faire le deuil de leurs idéologies suicidaires et totalitaires pour se rendre à un réalisme d’apparatchiks exerçant le pouvoir, qu’ils soient médiatiques ou politiques, avec des principes et en mettant en œuvre une politique à l’opposé de ce qu’ils proposaient à l’époque. Le rêve a capitulé face à la réalité. L’économie l’a emporté. La technologie a pris le pouvoir sur l’humain. Ils ne sont plus que des gestionnaires d’un quotidien qui nous mène précisément dans la direction qu’ils dénonçaient à l’époque. D’autres à l’image de Daniel Cohn-Bendit, l’anarchiste rouge de l’époque, sont devenus les icônes de ce monde du désir, de la transgression de toutes les contraintes sociales et plus généralement de tout ce qui était chrétien dans notre univers, en même temps qu’ils prônent les bienfaits de l’économie libérale mondialisée ralliés aux fondamentaux de la construction européenne bruxelloise et du mondialisme.

50 ans après nous avons la responsabilité de répondre aux questions de mai 68. Nous devons proposer les lignes directrices, non pas d’un avenir meilleur, mais d’une société humaine offrant à chacun la possibilité de s’épanouir. Derrière les revendications de mai 68 il y avait une quête de sens. Un questionnement profond dans une société qui était devenu trop formelle, structurée par des conventions qui n’avaient plus de contenu ni de justification autre qu’elles-mêmes. Ce fut un rejet de l’académisme, des conventions d’une bourgeoisie qui allait à la messe par habitude, se mariait par convention, se contentait d’un bonheur de façade, se satisfaisait de doubles vies ; une bourgeoisie incapable de proposer des réponses parce qu’elle n’acceptait pas que l’on pose des questions… Mai 68 explosa dans une société qui souffrait de son conformisme. La preuve en fut donnée par la mauvaise conscience qu’elle eut immédiatement et la facilité avec laquelle elle encouragea sa jeunesse à renverser ce à quoi elle ne croyait plus…..

Aujourd’hui, après la tempête, nous vivons sur les ruines d’une société dont Alexandre Soljenitsyne nous a dit dans son discours d’Harvard qu’elle ne tenait plus debout qu’au moyen de béquilles juridiques. Car elle avait perdu sa structure.

Une société qui ne nourrit pas les rêves de sa jeunesse ou qui ne leur apporte pas de réponse ne remplit pas son office. Elle ne structure pas l’avenir des siens. La vie n’a de sens que dans les questionnements métaphysiques. L’interview donnée ce soir sur France 2 par Claire Chazal à l’occasion de la parution de son dernier livre l’a démontré et confirmé. Ces questionnements étaient à l’origine de Mai 68. 50 ans plus tard nous refusons toujours de le voir. Nous préférons nous entretenir dans l’illusion que les réponses étaient dans des ersatz de bonheur qui sont autant de baudruches que nous n’avons pas le courage de crever. Quand nous déciderons-nous à prendre le taureau par les cornes et à parler en vérité de ce qui compte dans la vie, c’est-à-dire de ce qui peut se transmettre, de ce qui dure, de ce qui donne du sens ? Nous avons déjà perdu 50 ans….


2 commentaires:

  1. " WHEN THE NIGHT IS CLOUDY THERE IS STILL A LIGHT THAT SHINES ON ME...
    LET IT BE!
    (The Beatles - 1970)

    See you soon!
    CR

    RépondreSupprimer
  2. Idem for thé Day
    See you soon
    DR

    RépondreSupprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog