50 ans ont
passé. Quel est l'héritage de mai 68 ? Que devons-nous en faire ? Éric
Zemmour nous en propose une lecture pessimiste. Jean-Pierre le Goff en fait une
analyse froide et objective. Gérard Leclerc nous livre un profond « Sous les
pavés, l’esprit ».
Mai 68 pour quoi faire? Ces lectures
croisées m’ont confirmé dans une certitude. Nous ne devons pas oublier ces
événements, en même temps que nous devons nous affranchir de la double et
contradictoire tentation du panégyrique et de la stigmatisation. Mai 68 fait
partie de notre histoire. Il est nôtre. Il participe de ce que nous sommes. Nous
devons en faire quelque chose !
Mai 2018, la
France a cru que l’histoire allait se répéter ; à tout le moins, certains l’ont
pensé. Ils ont même essayé de rejouer mai 68. Cela n’a pas marché. La France,
comme l’Europe et le monde, sont aujourd’hui livrés à un libéralisme économique
triomphant sous couvert de mondialisation. Depuis 50 ans nos politiques s’épuisent,
d’élections en élections, à nous proposer le bonheur sans y parvenir. La
révolution a accouché de son contraire. Il est vrai qu’entre-temps le
communisme s’est effondré. Les trotskistes de mai 68 sont devenus les
dignitaires et les cadres d’une société qui a tourné le dos à leurs idéaux
révolutionnaires. Le rêve révolutionnaire s’est délité. De ce point de vue c’est
un échec. Nous vivons le contraire de ce qu’ils espéraient.
On assista à
la conjonction de deux phénomènes. Une révolte politique, non pas une
révolution ; pour reprendre les mots d’Edgar Morin « un 1789 socio
juvénile ». Un mouvement qui a quand même failli renverser le pouvoir en
place… lequel sut jouer sur la peur et renverser la révolte à son profit,
au moins dans le court terme. Il y eut aussi une grande revendication, celle du
désir de transgresser, du plaisir sexuel, de la « liberté libertaire ».
Celle-ci a profondément transformé notre société. Mais avec quel résultat ?
Certes, d’aucuns qui incarnent l’état d’esprit dominant, considèrent qu’il s’agit
d’acquis sur lesquels on ne pourra pas revenir. Pour autant, le revers de la
médaille de la jouissance est que le bonheur semble toujours plus inaccessible.
La vie moderne débridée et déstructurée, libérée, construite sur la quête de l’épanouissement
personnel, ne fait pas que des heureux. Derrière la jouissance il n’y a pas
toujours le bonheur…
Serait-ce que
la jeunesse attendait autre chose et qu’elle n’a glané que des leurres? C’est l’apport
déterminant du livre de Gérard Leclerc. Faisant référence à Maurice Clavel, il
évoque « le réveil de l’absolu en nous ! », la manifestation de l’ébranlement
majeur de l’héritage impossible, et encore une rupture générationnelle. Gérard
Leclerc voit dans ce mouvement « l’ampleur d’une transgression qui soulève
la civilisation elle-même ». Il conclut le chapitre consacré à Clavel en
ces termes : « Au cœur de l’ébranlement de Mai, celui que de Gaulle
appelait l’archange attendait la refondation du monde » ; il n’était
pas le seul !....
La jeunesse
de mai 68 a souffert de l’incapacité de ses parents à lui transmettre un
héritage structurant. Mai 68 fut la manifestation d’une profonde crise de la
transmission. Mai 2018 le confirme malheureusement avec éclat. Nous nous
cherchons. Nous sommes en pérégrination collective, à la recherche du bonheur,
et de la réalisation de nos destins individuels. Nous ne savons plus à quoi
nous référer, nous n’avons plus rien à nous transmettre si ce n’est l’éphémère
goût de la jouissance et du plaisir sous toutes ses formes.
Le chemin
suivi depuis 50 ans par les leaders du mouvement le confirme. Les trotskistes
révolutionnaires ont dû faire le deuil de leurs idéologies suicidaires et
totalitaires pour se rendre à un réalisme d’apparatchiks exerçant le pouvoir,
qu’ils soient médiatiques ou politiques, avec des principes et en mettant en
œuvre une politique à l’opposé de ce qu’ils proposaient à l’époque. Le rêve a
capitulé face à la réalité. L’économie l’a emporté. La technologie a pris le
pouvoir sur l’humain. Ils ne sont plus que des gestionnaires d’un quotidien qui
nous mène précisément dans la direction qu’ils dénonçaient à l’époque. D’autres
à l’image de Daniel Cohn-Bendit, l’anarchiste rouge de l’époque, sont devenus les
icônes de ce monde du désir, de la transgression de toutes les contraintes
sociales et plus généralement de tout ce qui était chrétien dans notre univers,
en même temps qu’ils prônent les bienfaits de l’économie libérale mondialisée ralliés
aux fondamentaux de la construction européenne bruxelloise et du mondialisme.
50 ans après
nous avons la responsabilité de répondre aux questions de mai 68. Nous devons
proposer les lignes directrices, non pas d’un avenir meilleur, mais d’une
société humaine offrant à chacun la possibilité de s’épanouir. Derrière les
revendications de mai 68 il y avait une quête de sens. Un questionnement
profond dans une société qui était devenu trop formelle, structurée par des
conventions qui n’avaient plus de contenu ni de justification autre qu’elles-mêmes.
Ce fut un rejet de l’académisme, des conventions d’une bourgeoisie qui allait à
la messe par habitude, se mariait par convention, se contentait d’un bonheur de
façade, se satisfaisait de doubles vies ; une bourgeoisie incapable de
proposer des réponses parce qu’elle n’acceptait pas que l’on pose des questions…
Mai 68 explosa dans une société qui souffrait de son conformisme. La preuve en
fut donnée par la mauvaise conscience qu’elle eut immédiatement et la facilité
avec laquelle elle encouragea sa jeunesse à renverser ce à quoi elle ne croyait
plus…..
Aujourd’hui,
après la tempête, nous vivons sur les ruines d’une société dont Alexandre
Soljenitsyne nous a dit dans son discours d’Harvard qu’elle ne tenait plus
debout qu’au moyen de béquilles juridiques. Car elle avait perdu sa structure.
Une société
qui ne nourrit pas les rêves de sa jeunesse ou qui ne leur apporte pas de
réponse ne remplit pas son office. Elle ne structure pas l’avenir des siens. La
vie n’a de sens que dans les questionnements métaphysiques. L’interview donnée
ce soir sur France 2 par Claire Chazal à l’occasion de la parution de son dernier
livre l’a démontré et confirmé. Ces questionnements étaient à l’origine de Mai
68. 50 ans plus tard nous refusons toujours de le voir. Nous préférons nous
entretenir dans l’illusion que les réponses étaient dans des ersatz de bonheur
qui sont autant de baudruches que nous n’avons pas le courage de crever. Quand
nous déciderons-nous à prendre le taureau par les cornes et à parler en vérité
de ce qui compte dans la vie, c’est-à-dire de ce qui peut se transmettre, de ce
qui dure, de ce qui donne du sens ? Nous avons déjà perdu 50 ans….
" WHEN THE NIGHT IS CLOUDY THERE IS STILL A LIGHT THAT SHINES ON ME...
RépondreSupprimerLET IT BE!
(The Beatles - 1970)
See you soon!
CR
Idem for thé Day
RépondreSupprimerSee you soon
DR