Je crois que nous avons
besoin de mettre de l’ordre dans nos idées… Toutes ne sont pas nécessairement bonnes à utiliser...
Deux faits d’actualité
ont attiré mon attention. La question du droit des enfants de migrants en
situation irrégulière sur notre territoire et celle des enfants issus d’une PMA
pratiquée à l’étranger. Les problématiques sont identiques.
Comment
peut-on refuser des droits à ces enfants innocents, qui ne sont pas
responsables de la situation irrégulière et illégale dans laquelle ils se
trouvent plongés? Confrontation d’un humanisme sentimental et
compassionnel avec les contraintes légales et réglementaires d’un état de droit
positif. Opposition entre des droits subjectifs créés ex nihilo et un droit
objectif.
Il est humainement
compréhensible d’être sensible à la situation d’un enfant issu d’une
procréation médicalement assistée à qui ne sont pas reconnus les mêmes droits
que les autres enfants sur le territoire national français. Il en est de même
pour les enfants de migrants en situation irrégulière. Où est la vérité ?
Cette
question pose celle du rôle structurant du droit. Le droit justifie-t-il que l’on
nie certains droits aux enfants issus d’une PMA illégale ou à des enfants
illégalement arrivés sur le territoire national ? Est-ce juste ?
La justice doit-elle
être uniquement appréciée par rapport à leur intérêt personnel, d’un point de
vue individualiste et subjectif ? Est-il juste que dans une société
organisée des droits soient contestés à des personnes du fait de l’illégalité
de leur naissance ou de leur provenance ?
Notre système
juridique a explosé, sous les coups de boutoir de la revendication de droits de
l’homme purement subjectifs, conçus d’un point de vue exclusivement individuel,
sans prendre en considération les exigences de la vie en société, du bien
commun ; en privant ces droits subjectifs de leur nécessaire origine dans
le droit objectif. Il est devenu illégitime de refuser ces droits au nom du
bien commun. L’appréciation communément répandue, subjective et individualiste,
l’esprit du temps, proclament l’illégitimité de la position de ceux qui,
disqualifiés sur le plan moral – car ils refusent de prendre en considération
les droits fondamentaux de ces innocents - sont présentés comme les tenants de
l’ordre ancien, d’avant les Lumières.
Ceci nous
renvoie à la question du bien commun. Il est communément considéré comme étant
la somme des intérêts particuliers. On le confond avec l’intérêt général. D’où
l’erreur commise, souvent de bonne foi.
Chaque homme
est un être ouvert à sa relation avec les autres. Il ne peut pas être conçu
sans cette relation. Il nait, il prend forme, il se développe, il fonde une
famille, il travaille, il vit au sein d’une société qui constitue une entité.
Une entité propre. Sans cette communauté de destin, il ne serait rien. Le bien
commun ne peut être réduit à la seule somme d’intérêts individuels. Il
constitue un tout. Ce tout a ses propres exigences afin que chacun de ses
membres puisse vivre en tant qu’être social. Le droit individuel, subjectif, n’existe
pas sans le tout ; il ne peut se concevoir « ex nihilo ».
Le bien
commun ne peut se comprendre ni se concevoir sans avoir à l’esprit les
principes de subsidiarité et de totalité. Ils permettent dans chaque situation particulière
de définir l’imbrication et la complémentarité, comme les hiérarchies et les
dépendances entre les droits individuels et ceux de la collectivité ; et non
pas la limite entre les droits individuels entre eux (ma liberté s’arrête là où
commence celle des autres…), ce qui constitue notre erreur moderne.
Il peut dès
lors être juste de ne pas reconnaître certains droits dans des situations
individuelles ou particulières parce que précisément elles consistent à consacrer,
à légitimer des cas individuels objectivement contraires à l’intérêt commun. Il peut ainsi ne pas être conforme au bien
commun de reconnaître le droit d’enfants qui sont nés d’une PMA, qui est
attentatoire aux droits les plus fondamentaux de l’enfant, et en premier à
celui d’avoir un père. Car il en va de la stabilité même de la société dont ils
veulent justement faire partie.
Cela n’exclue
pas, là encore sur un plan personnel, que soient soutenues ou encouragées des
initiatives individuelles de nature à panser les plaies provoquées par de telles
situations. Mais cela ne peut conduire à reconnaître la légalité de leur
situation. Il y a là des ordres distincts d’action, se situant sur des plans
différents, dont il peut résulter des confusions ou des amalgames. L’interprétation
des positions de l’Eglise sur les migrants et leurs droits, comme leur propre
formulation…, illustre cette difficulté.
Il ne faut
pas non plus se tromper sur la responsabilité de ces malheurs ; elle n’est
jamais celle de la société, mais celle de personnes qui ont volontairement
violé l’ordre établi.
Il en est de
même pour ce qui est des enfants issus d’une immigration irrégulière, installés
sur notre territoire où ils ont reçu une instruction dans nos écoles, à qui il
ne peut ensuite être justifié de reconnaître les mêmes droits qu’aux enfants de
la république.
Ces questions
sont difficiles. Qui oserait prétendre le contraire ? Pour autant, leur
traitement, leur gestion, leur appréhension sociale, politique, juridique,
pastorale ne peut se concevoir sans que nous mettions de l’ordre dans nos idées.
Une fois encore, nous payons les dividendes de beaucoup de confusions propres à
cette période historique dont nous vivons la crise d’identité. Nous avons
ouvert la boîte de pandore de la philosophie et de la politique en les livrant
à toutes les interprétations, toutes les imaginations, toutes les élucubrations,
sans esprit d’humilité et sans une volonté tournée vers la recherche de ce qui
est vrai et bon.
Pour finir avec
un troisième point d’actualité, nous venons de vivre une manifestation
supplémentaire de cette difficulté à propos de la question du port du voile. Alors
que notre Président de la République venait en réponse à l’ineffable
Jean-Jacques Bourdin d’apporter une réponse construite, intelligente et
prudente, respectueuse de notre identité culturelle, voilà que l’un de ses bras
droits, le non moins ineffable M. Castaner, vient « en même temps » (le
lendemain matin) de poser un explosif dans ce fragile édifice avec l’affirmation
que nos mères portaient elles aussi le voile il y a quelques dizaines d’années
et que cela ne choquait personne !
Oui, il est
temps de mettre de l’ordre dans les idées…
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