dimanche 26 mai 2019

LES PARADOXES DU CAS VINCENT LAMBERT


A travers de nombreux paradoxes "l'affaire Vincent Lambert" nous plonge dans la perplexité et les interrogations...



          Paradoxe de la joie de ses avocats à l'annonce de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, aussi improbable qu'inattendu. 

Mais pouvait-il en être autrement de la part de ceux qui ont mené un pareil combat pendant tant d’années pour en arriver à ces journées au cours desquelles ils ont usé de leur énergie, de leurs compétences, de leur savoir et de leur abnégation pour obtenir ce que plus personne n’osait espérer? Car plus aucun juriste ne pronostiquait une telle décision. Certains y ont vu un miracle. D’autres plus prosaïquement la réaction admirable de magistrats osant transgresser notre droit positif tel qu’il était asséné par les autorités tant juridiques, que politiques et médicales. La joie qui se manifesta alors n’était certes pas en adéquation avec ce que sera la survie de Vincent Lambert; les avocats l'ont reconnu. Seuls les avocats qui ont connu les moments uniques d’un arrêt de cour d’assises faisant échapper un criminel à la peine capitale peuvent  comprendre ce qui anima alors mes valeureux confrères au cours de cette soirée.

          Paradoxe d'une famille souffrante. 

Cette dramatique saga judiciaire ne trouve son explication que dans les déchirements d’une famille. Il s’agit d’une véritable tragédie antique. Une épouse meurtrie au plus profond de son amour, de son mariage, de sa maternité et de sa famille. Le chagrin sans limite de parents d’autant plus attachés à la survie de leur enfant qu’ils sont animés par de solides convictions religieuses. Déchirements d’une famille sur laquelle il y aurait certainement beaucoup à écrire. Le contexte dans lequel Vincent Lambert fut victime de son dramatique accident et sauvé d’une mort immédiate grâce à des soins aussi rapides qu’intensifs explique ces procédures à rebondissements pour trancher des différends autour de sa vie et de sa mort alors que son cas aurait dû se résoudre dans le secret médical et de la confiance partagée. La providence emprunte des voies étonnantes et insondables. Elle permet ainsi que la cour d’appel de Paris rende un arrêt inouï en même temps qu’elle a rendu possible l’explosion de cette affaire qui n’aurait jamais dû voir le jour si les hommes et les femmes avaient été épris de sagesse.

          Paradoxe des effets par ricochet que pourrait avoir l'arrêt ordonnant la survie de Vincent Lambert. 

Cette décision va relancer le débat sur la réforme de la loi Leonetti et certainement conduire au dépôt sur le bureau du Parlement de projets de lois élargissant les conditions d’application des dispositions qui permettent aujourd’hui de mettre un terme aux soins prodigués à des personnes en fin de vie ou encore au suicide assisté tel qu’il est pratiqué en Suisse ou en Belgique. Ainsi sommes-nous plongés dans les questions éthiques, religieuses, philosophiques et politiques les plus fondamentales. Des questions qui se nourrissent de la misère et de la détresse humaine. Le handicap, la vie diminuée, la mort et la vie. La compassion, la souffrance, l’angoisse face à la mort. La difficulté d’aimer celui qui en est réduit à une vie dont nous ne voulons ni pour lui ni pour nous-mêmes… La générosité, la frilosité et aussi l’égoïsme.

          Paradoxe des intentions et de l'action. 

Comme l’écrit le Cardinal Sarah « les partisans de l’euthanasie utilisent la détresse morale et psychologique des malades en fin de vie et de leur famille pour pousser leurs vues » ; c’est très exactement ce qui est en train de se produire à nouveau, même si leur combat est mené par des acteurs dont les intentions se parent des attraits de la compassion. C’est toute la difficulté ! Monseigneur Aupetit relève le fait que nombres d’actes mauvais sont souvent justifiés par de bons sentiments. Cela est vieux comme la vie sur terre, comme l’humanité… Le débat sur la fin de vie le démontre avec une particulière acuité. L’épouse de Vincent Lambert ne voulait pas qu’il meure. Sa décision, son combat ne sont pas animés par de mauvaises intentions. Nombre de personnes qui veulent faire le choix de leur mort ne le font pas de manière objectivement malintentionnée. Et ceci d’autant moins que le contexte culturel et philosophique de nos sociétés entretient cette idée que la vie doit être appréciée à l'aune de critères utilitaristes voir fonctionnels. Nous sommes envahis par l’idée qu’une vie peut ne plus valoir la peine d’être vécue. Ceci nous renvoie à la notion des structures de péché développée par sa sainteté le Pape Jean-Paul II. Nos sociétés n’entretiennent plus le culte des invariants essentiels autour des questions de vie et de mort, pas plus que de l’amour oblatif et de la charité au sens le plus noble qu’elle put avoir. Nul ne peut faire le reproche à l’autre de partager ce sentiment soutenu et entretenu par le contexte culturel ambiant tant il est par ailleurs le fruit d’une souffrance, d’une lassitude, d’un refus du mal et de la dégradation du corps comme de l’esprit. Que celui qui n’a jamais péché leur jette la première pierre !... Ainsi le refus de l’euthanasie et de tout ce qui dans son sillage conduit les humains à vouloir se rendre maîtres de la vie et de la mort lorsqu’ils sont confrontés au grand handicap ou à la maladie incurable, n’est-il pas le procès de ceux qui au fond de leur détresse pleurent et implorent de l’aide ou de ceux qui se trouvent incapables de répondre à la hauteur des exigences de cette demande. Le Cardinal Sarah souligne le fait que les bien portants ne supportent plus la présence des malades et des souffrants. Notre société rejette la maladie et la souffrance. Elle les combat. Elle les refuse. Elle ne les accepte pas. Elle est tellement dans le déni qu’elle finit par préférer la mort à la vie lorsque celle-ci est atteinte en plein cœur par la souffrance, l’imminence et l’inéluctabilité de la mort.

          Paradoxe de l'amour dévoyé, retourné contre lui-même. 

La grande question qui nous est posée est celle de la relation sociale et de l’amour. Y a-t-il encore suffisamment d’amour dans nos sociétés ? Monseigneur Aupetit évoque la volonté de supprimer la vie pour arrêter la souffrance, celle de divorcer en recherchant le bien des enfants, celle d’avorter pour empêcher un trisomique de vivre une vie qui ne serait que malheur etc.… Certains seront choqués par ce parallèle ; mais la réflexion objective oblige à admettre que l’on est face à des réactions de même nature… Nos bonnes intentions ne sont pas adaptées… L’homme seul est perdu au milieu de ses souffrances…Sommes-nous capables de suffisamment aimer ceux qui souffrent, qui sont malades, qui sont handicapés pour leur donner ce supplément d’âme dont ils ont besoin afin d’aller au bout d’une vie qui ne leur appartient pas ? La vie nous est donnée gratuitement. Personne des vivants n’est venu la chercher pas plus qu’il ne l’a choisie ni voulue. Admettre que l’on puisse se l’approprier au moment où elle nous abandonne progressivement revient à commettre une erreur irréparable au moment crucial de son achèvement sur terre. Gravement dommageable. Cette méprise consiste fondamentalement, philosophiquement, religieusement à remettre en cause le pacte essentiel de l’homme face à l’éternité et à son destin. « Tu ne tueras point » n’a pas été inventé par les hommes. Monseigneur Aupetit encore lui le dit remarquablement à la fin de l’un de ses derniers communiqués : « le propre de l’humanité se fonde sur la qualité des relations entre les personnes que révèle leur amour ».

          Paradoxe d'un combat qui s'identifie à celui du nazisme que nous sommes d'habitude si prompts à condamner... 

Ce combat pour l'euthanasie qui n'est rien d'autre qu'un permis de tuer est fondamentalement mauvais. Il doit être refusé, rejeté. Car il conduit l’humanité dans les ornières du mal et de la destruction. Il n’est à cet égard pas anodin de constater comme le souligne Gregor Puppinck que le parti nazi fut dès 1920 à la pointe de ce combat au nom de critères utilitaristes de la vie soutenant notamment la publication d’un livre sur « le droit de détruire la vie dénuée de valeur ». Les seuls qui s’opposèrent alors en Allemagne au projet d’Adolf Hitler et à son programme Aktion T4 mis en place en 1939 dans le but d’éliminer les personnes handicapées furent les évêques catholiques derrière Monseigneur Münster et Monseigneur Von Galen. Car au final seuls les fidèles de NSJC qui a épousé et vécu toutes nos souffrances dans sa chaire peuvent répondre au défi de l’incompréhensible et de l’humainement inacceptable, à la condition … d’offrir un amour transfiguré par celui qui donne la vie éternelle.

Cette "affaire" est celle de l’amour total et oblatif qu'attendent en réalité ceux dont la vie ne semble plus humainement valoir la peine d’être vécue. Voilà pourquoi aussi il y avait toutes les raisons d’éprouver une joie contenue mais réelle pendant cette soirée qui prit les airs d’un printemps des juges…   

2 commentaires:

  1. Monsieur et Cher Confrère,
    j'aurais aimé être capable d'exprimer aussi bien que vous le faites une position si simple et profonde sur la puissance de l'amour et le respect de la vie qui nous est donnée. Pierre BESSARD du PARC

    RépondreSupprimer
  2. Si je viens à être totalement dépendant, je demande fermement à mes proches, à ceux que j'aime et qui m'aiment de me faire la grâce de me débarrasser d'une vie devenue sans objet ni intérêt, eu tous cas POUR MOI. Je suis athée mais ça n'a rien à voir avec ce sujet.

    RépondreSupprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.