Les débats
politiques, sociétaux et éthiques imposés par les évolutions de la science
comme des techniques sont réduits à la recherche de consensus. La recherche de
la vérité inscrite dans la loi morale naturelle en est évincée, écartée,
rejetée. Ouverture contre intolérance. Progrès contre conservatisme. Le
consensus est devenu le sésame de toute solution afin d’évincer les débats
moraux, la morale n’ayant plus droit de cité dans le débat public pour cause d’intolérance
et de droit à l’épanouissement individuel.
Il s’agit d’une
recherche pragmatique de solutions consensuelles face à des choix profondément
difficiles afin de les rendre sans objet ou impossibles. Il en est par exemple
ainsi des questions de morale sexuelle au sujet desquelles le consensus a
éliminé toute notion d’interdits. Une très large majorité, de plus en plus
large à force d’insistance et de progrès, dicte sa solution sans que la moindre
référence à la loi morale naturelle y compris même lorsqu’elle se réfère aux
notions aussi fondamentales que celles de vie et de mort, ne puisse avoir le
moindre impact ou le moindre effet.
Celui qui
refuse le consensus a nécessairement mauvaise presse. Il est immédiatement
catalogué comme opposé au progrès. Il s’oppose à la nouvelle Doxa de l’épanouissement
individuel du plus grand nombre qui est devenu le seul critère du légal. La loi
naturelle devient dès lors une voie sans issue ou plutôt une voie marquée d’un
sens interdit au nom des principes fondamentaux et des valeurs consensuelles de
la démocratie moderne.
Il devient
exclu d’affirmer que la solution consensuelle est contraire à l’une ou l’autre
des lois morales fondamentales du décalogue car on est dorénavant en droit d’enfreindre
l’une ou l’autre de ces lois dès lors qu’un consensus se dégage.
Le cardinal
Ratzinger avait résumé la problématique de la manière suivante : « si la
raison n’est plus en mesure de trouver le chemin de la métaphysique, il n’y a
plus pour l’État que les dénominations communes sur les valeurs des citoyens,
des convictions qui se reflètent dans le consensus démocratique » si bien
que « ce n’est plus la vérité qui crée le consensus mais le consensus qui
crée non pas la vérité mais désordre commun, c’est la majorité qui décide ce
qui doit être considéré comme vrai et comme juste ».
La messe
semble dite. Le retour en arrière serait impossible, au nom du progrès…
Il n’est
toutefois pas sans intérêt de rechercher ce qui se cache derrière cette «
religion du consensus » et surtout de s’interroger sur les risques qu’elle
recèle et qu’elle comporte.
Chantal
Delsol considère qu’il s’agit de la recherche prioritaire de la paix et de la
concorde au prix de celle des idéaux et de la loi naturelle. Elle écrit : « le
consensus fait partie de trois phénomènes apparemment distincts mais en réalité
liés qui marquent l’évolution politico-sociale de notre époque avec la
démocratie participative et la gouvernance ». On est dans la
négociation. D’une vision eschatologique on est passé à une vision
archéologique nous dit Chantal Delsol ; le but n’étant pas d’instaurer une
société meilleure mais de sauver au jour le jour la paix civile par l’accord de
tous autour des intérêts communs. Tout ceci est animé par un souci d’efficacité
et de gouvernance… et elle conclue que « si nous voulons instituer le
consensus pour obtenir par lui la paix et la concorde par lui nous aspirons
sans le savoir à des gouvernements autoritaires » …
Et l’annotateur
de l’Encyclopedia Universalis (Notions) André Akoun n’hésite pas pour sa part à
écrire : « le consensus implique toujours une relation d’exclusion et de
mort comme condition du lien érotique. Une société ne réussit organiser l’espace
de la fraternité qu’en déplaçant et en polarisant sur le bouc émissaire l’agressivité
inhérente à ses membres. Acte de paix civile, le consensus ne se dessine jamais
que sur fond de guerre ». De fait, cette recherche du consensus se fait
dans le but d’écarter toute référence à une loi naturelle qui constitue l’obstacle
à l’idéal d’autonomie individuelle qui est par exemple au cœur du manifeste d’Ismael
Emelien et David Amiel, les penseurs de notre Président de la République.
La recherche
systématique du consensus qui relève des techniques identifiées par Chantal
Delsol n’a pu asseoir son autorité et sa légitimité que dans la disparition de
toute référence philosophique cohérente et sérieuse. On me reprochera d’être
exclusif et entier, de me placer en censeur de grands penseurs. Je ne le fais
que dans le fil d’une école philosophique à laquelle je me contente simplement
de me référer comme le fait par exemple le Révérend Père Bruckberger qui ose
affirmer que la philosophie moderne est un enfant mort-né pour avoir été
naufragée depuis Descartes.
Que veut
dire notre cher dominicain ? Qu’à partir de Descartes la philosophie n’a plus
été ce qu’elle avait été, une recherche humble et tenace de la vérité, c’est-à-dire
la connaissance de ce qui est ; elle est devenue d’expression d’un coup de
force d’une volonté de puissance. Le célèbre « je pense donc je suis » et le
renversement le plus fondamental de toute la réflexion. Et les autres ont
suivi. Comme l’écrira Gustave Thibon à propos de Kant « il ne suffit pas
comme le veut Kant que la pensée s’accorde avec elle-même. La pensée d’un fou
peut à la limite remplir cette condition. Un fou est un homme qui a tout perdu
sauf la raison disait Chesterton : sa pensée est d’accord avec elle-même, elle
n’est en désaccord qu’avec le monde ».
Ainsi le
consensus peut nous mener où le veut la volonté des hommes livrés à eux-mêmes
dans la recherche éperdue de leur bien-être individuel, sur des terres
incertaines et dangereuses. Les maîtres du totalitarisme l’avaient bien compris.
Lénine : « jusqu’à
présent les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, maintenant il s’agit
de le changer ».
Hitler : « nous
sommes un mouvement, voilà le mot qui dit tout. Nous savons qu’il n’y a pas d’état
définitif ; qu’il n’y a rien de durable, qu’il n’y a qu’une évolution
perpétuelle. Ce qui ne se transforme pas, c’est ce qui est mort. Le présent est
déjà passé. Mais l’avenir et le fleuve inépuisable des possibilités infinies d’une
création toujours nouvelle ».
Est-ce ce
que nous voulons ?
Derrière le
consensus se cache l’autorité de ceux qui le recherchent en dehors de toute
philosophie honnête affranchie du nominalisme et de l’idéalisme dont l’addition
conduit au totalitarisme. Voilà pourquoi il est déterminant de savoir se référer
à une recherche humble mais permanente de ce qui est vrai, de la loi morale
naturelle inscrite au cœur de l’homme. Elle est son vrai projet. Au-delà de la
recherche de son seul bien-être. Elle est sa finalité. L’homme ne se réduit pas
à sa seule recherche de lui-même.
Semper idem !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.