dimanche 16 juin 2019

DANGEREUX CONSENSUS...


Les débats politiques, sociétaux et éthiques imposés par les évolutions de la science comme des techniques sont réduits à la recherche de consensus. La recherche de la vérité inscrite dans la loi morale naturelle en est évincée, écartée, rejetée. Ouverture contre intolérance. Progrès contre conservatisme. Le consensus est devenu le sésame de toute solution afin d’évincer les débats moraux, la morale n’ayant plus droit de cité dans le débat public pour cause d’intolérance et de droit à l’épanouissement individuel.


Il s’agit d’une recherche pragmatique de solutions consensuelles face à des choix profondément difficiles afin de les rendre sans objet ou impossibles. Il en est par exemple ainsi des questions de morale sexuelle au sujet desquelles le consensus a éliminé toute notion d’interdits. Une très large majorité, de plus en plus large à force d’insistance et de progrès, dicte sa solution sans que la moindre référence à la loi morale naturelle y compris même lorsqu’elle se réfère aux notions aussi fondamentales que celles de vie et de mort, ne puisse avoir le moindre impact ou le moindre effet.
Celui qui refuse le consensus a nécessairement mauvaise presse. Il est immédiatement catalogué comme opposé au progrès. Il s’oppose à la nouvelle Doxa de l’épanouissement individuel du plus grand nombre qui est devenu le seul critère du légal. La loi naturelle devient dès lors une voie sans issue ou plutôt une voie marquée d’un sens interdit au nom des principes fondamentaux et des valeurs consensuelles de la démocratie moderne.

Il devient exclu d’affirmer que la solution consensuelle est contraire à l’une ou l’autre des lois morales fondamentales du décalogue car on est dorénavant en droit d’enfreindre l’une ou l’autre de ces lois dès lors qu’un consensus se dégage.

Le cardinal Ratzinger avait résumé la problématique de la manière suivante : « si la raison n’est plus en mesure de trouver le chemin de la métaphysique, il n’y a plus pour l’État que les dénominations communes sur les valeurs des citoyens, des convictions qui se reflètent dans le consensus démocratique » si bien que « ce n’est plus la vérité qui crée le consensus mais le consensus qui crée non pas la vérité mais désordre commun, c’est la majorité qui décide ce qui doit être considéré comme vrai et comme juste ».

La messe semble dite. Le retour en arrière serait impossible, au nom du progrès…

Il n’est toutefois pas sans intérêt de rechercher ce qui se cache derrière cette « religion du consensus » et surtout de s’interroger sur les risques qu’elle recèle et qu’elle comporte.

Chantal Delsol considère qu’il s’agit de la recherche prioritaire de la paix et de la concorde au prix de celle des idéaux et de la loi naturelle. Elle écrit : « le consensus fait partie de trois phénomènes apparemment distincts mais en réalité liés qui marquent l’évolution politico-sociale de notre époque avec la démocratie participative et la gouvernance ». On est dans la négociation. D’une vision eschatologique on est passé à une vision archéologique nous dit Chantal Delsol ; le but n’étant pas d’instaurer une société meilleure mais de sauver au jour le jour la paix civile par l’accord de tous autour des intérêts communs. Tout ceci est animé par un souci d’efficacité et de gouvernance… et elle conclue que « si nous voulons instituer le consensus pour obtenir par lui la paix et la concorde par lui nous aspirons sans le savoir à des gouvernements autoritaires » … 

Et l’annotateur de l’Encyclopedia Universalis (Notions) André Akoun n’hésite pas pour sa part à écrire : « le consensus implique toujours une relation d’exclusion et de mort comme condition du lien érotique. Une société ne réussit organiser l’espace de la fraternité qu’en déplaçant et en polarisant sur le bouc émissaire l’agressivité inhérente à ses membres. Acte de paix civile, le consensus ne se dessine jamais que sur fond de guerre ». De fait, cette recherche du consensus se fait dans le but d’écarter toute référence à une loi naturelle qui constitue l’obstacle à l’idéal d’autonomie individuelle qui est par exemple au cœur du manifeste d’Ismael Emelien et David Amiel, les penseurs de notre Président de la République.

La recherche systématique du consensus qui relève des techniques identifiées par Chantal Delsol n’a pu asseoir son autorité et sa légitimité que dans la disparition de toute référence philosophique cohérente et sérieuse. On me reprochera d’être exclusif et entier, de me placer en censeur de grands penseurs. Je ne le fais que dans le fil d’une école philosophique à laquelle je me contente simplement de me référer comme le fait par exemple le Révérend Père Bruckberger qui ose affirmer que la philosophie moderne est un enfant mort-né pour avoir été naufragée depuis Descartes. 

Que veut dire notre cher dominicain ? Qu’à partir de Descartes la philosophie n’a plus été ce qu’elle avait été, une recherche humble et tenace de la vérité, c’est-à-dire la connaissance de ce qui est ; elle est devenue d’expression d’un coup de force d’une volonté de puissance. Le célèbre « je pense donc je suis » et le renversement le plus fondamental de toute la réflexion. Et les autres ont suivi. Comme l’écrira Gustave Thibon à propos de Kant « il ne suffit pas comme le veut Kant que la pensée s’accorde avec elle-même. La pensée d’un fou peut à la limite remplir cette condition. Un fou est un homme qui a tout perdu sauf la raison disait Chesterton : sa pensée est d’accord avec elle-même, elle n’est en désaccord qu’avec le monde ».

Ainsi le consensus peut nous mener où le veut la volonté des hommes livrés à eux-mêmes dans la recherche éperdue de leur bien-être individuel, sur des terres incertaines et dangereuses. Les maîtres du totalitarisme l’avaient bien compris.

Lénine : « jusqu’à présent les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, maintenant il s’agit de le changer ».

Hitler : « nous sommes un mouvement, voilà le mot qui dit tout. Nous savons qu’il n’y a pas d’état définitif ; qu’il n’y a rien de durable, qu’il n’y a qu’une évolution perpétuelle. Ce qui ne se transforme pas, c’est ce qui est mort. Le présent est déjà passé. Mais l’avenir et le fleuve inépuisable des possibilités infinies d’une création toujours nouvelle ».

Est-ce ce que nous voulons ?

Derrière le consensus se cache l’autorité de ceux qui le recherchent en dehors de toute philosophie honnête affranchie du nominalisme et de l’idéalisme dont l’addition conduit au totalitarisme. Voilà pourquoi il est déterminant de savoir se référer à une recherche humble mais permanente de ce qui est vrai, de la loi morale naturelle inscrite au cœur de l’homme. Elle est son vrai projet. Au-delà de la recherche de son seul bien-être. Elle est sa finalité. L’homme ne se réduit pas à sa seule recherche de lui-même.

Semper idem !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.